Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Grèce (suite)

La guerre d’indépendance

Ypsilándis, à la tête d’une petite force grecque, tente de soulever les principautés danubiennes de Roumanie contre les Turcs ; de là, il espère rejoindre les rebelles grecs de Morée, profitant de ce que les Turcs sont aux prises avec ‘A1ī pacha en Albanie. Le 6 mars 1821, il franchit le Prout ; il est battu ; les Russes le désavouent, et les Roumains ne le suivent pas. Le 25 mars, l’archevêque de Patras, Ghermanós (1771-1826), et Papafléssas (1788-1825), membre de l’hétairie, appellent les Grecs à l’insurrection générale contre les « Turcs oppresseurs et hérétiques » ; des soulèvements sporadiques se produisent en Morée, en Roumélie et dans plusieurs îles. Au massacre de milliers de Turcs par les Grecs répondent l’égorgement du patriarche Ghrighórios V (1745-1821) à Constantinople (22 avr.) et des tueries de chrétiens en Asie Mineure.

Les Turcs gardent les points stratégiques de la Grèce (col de Makrynóros, les Thermopyles) et les citadelles maritimes ; mais leur flotte est désorganisée par la désertion des marins grecs, commandés par l’amiral Miaoúlis (1769-1835) et Konstandínos Kanáris (v. 1790-1877). Si les révoltés sont peu organisés, ils pratiquent admirablement la guérilla dans un pays qu’ils connaissent bien (klephtes de Theódhoros Kolokotrónis [1770-1843]).

Du 1er au 12 janvier 1822 se tient le congrès d’Epidaure : l’Assemblée nationale grecque, présidée par Theódhoros Néghris (1790-1824) et Aléxandhros Mavrokordhátos (1791-1865), proclame 1’indépendance et vote une Constitution qui reconnaît l’autonomie de certaines institutions régionales, ce qui divisera les Grecs et provoquera même, en 1823 et en 1824, des guerres civiles.

Les Turcs ne sont pas vaincus, comme le prouve le massacre de Khíos (avr. 1822), et cela d’autant moins qu’ils peuvent compter, à partir de 1825, sur les troupes modernes de Méhémet-Ali, pacha d’Égypte, commandées par Ibrāhīm : celui-ci s’avance en Morée, s’empare de Nauplie (juin 1825), siège du gouvernement grec, puis (avr. 1826) de la forteresse de Messolóngui (Missolonghí), symbole de la résistance grecque (lord Byron y est mort en 1824).

L’année suivante tombe l’Acropole d’Athènes, défendue par le colonel français Charles Nicolas Fabvier (1782-1855). Les Grecs — dont le congrès de Vérone (1822) a refusé de cautionner la cause — peuvent compter sur de nombreux appuis en Europe occidentale et aux États-Unis, où se forment des comités philhellènes qui collectent armes et argent, et envoient des hommes. Mais leur cause aurait été perdue si les Alliés ne s’étaient pas décidés à intervenir militairement en leur faveur.

L’intervention des Britanniques, des Français et des Russes est d’ailleurs longue à se déclencher, leurs intérêts étant différents. Ce n’est que le 6 juillet 1827 qu’un protocole est signé entre les trois puissances en faveur de l’autonomie de la Grèce dans le cadre de la suzeraineté turque. Malgré Metternich, ces États envoient leur flotte en Orient : le 20 octobre, à Navarin, les Turco-Égyptiens perdent une soixantaine de vaisseaux sur quatre-vingt-neuf.

En 1828 — G. Canning étant mort l’année précédente —. Wellington se refuse à toute entente avec le tsar, qui, le 26 avril, déclare la guerre au Sultan, lequel, de son côté, a proclamé la guerre sainte.

Tandis que le général français Nicolas Joseph Maison (1771-1840) chasse Ibrāhīm de Morée, lord Cochrane (1775-1860), rentré du Brésil, dont il a défendu l’indépendance, prend le commandement de la flotte des insurgés grecs (1827-28), et le général anglais Richard Church (1784-1873) est nommé commandant des forces terrestres. Ainsi, la fin de la guerre d’indépendance se présente comme une collusion entre les Britanniques et les partisans de Capo d’Istria, élu par la troisième Assemblée nationale président provisoire de la Grèce et partisan d’un régime fort et centralisé. Les représentants des trois puissances rencontrent Capo d’Istria à Póros (juill. - déc. 1828) pour essayer de fixer les frontières du futur État, frontières qui ont été débattues à la conférence de Londres.

Le 14 septembre 1829, à la suite de la prise de Silistrie et d’Andrinople (auj. Edirne) par les Russes, les Turcs signent le traité d’Andrinople, qui fait des pays grecs situés au sud d’une ligne tirée du golfe d’Árta à celui de Vólos, avec l’Eubée et les Cyclades — mais sans la Crète, que réclame Capo d’Istria —, un État vassal de la Turquie.

Le 3 février 1830, les puissances, par le protocole de Londres, reconnaissent de fait l’indépendance de la Grèce en offrant la couronne à Léopold de Saxe-Cobourg (le futur Léopold Ier de Belgique), qui l’accepte, mais qui est écarté par Capo d’Istria. Celui-ci, dont la capitale est Nauplie, renforce sa dictature à la Napoléon à l’encontre des bourgeois libéraux menés par Mavrokordhatos.

Capo d’Istria est assassiné le 9 octobre 1831 ; sa mort, dont l’Angleterre semble porter la responsabilité, livre le jeune État aux ingérences et aux intérêts étrangers. Une période d’anarchie s’ouvre, aggravée par la présence des Français dans le Péloponnèse.

Le 7 mai 1832, la Convention de Londres fait de jure de la Grèce un royaume indépendant protégé par les trois puissances et dont la couronne est offerte à Otton de Bavière, qui arrive à Nauplie le 6 février 1833 et installe partout des compatriotes.

P. P.


La Grèce indépendante


Le règne d’Otton (1832-1862)

• Otton Ier donne d’abord des gages aux Grecs : transfert de la capitale à Athènes (1834) ; fondation de l’université d’Athènes (1837) ; rétablissement des relations avec la Porte (1839). Mais, de 1832 à 1837, le Bavarois Joseph Ludwig von Armansperg (1787-1853) est le vrai maître du pays. Bien qu’à partir de 1837 des Grecs occupent quelques postes dans le gouvernement, les Allemands restent nombreux dans 1’Administration. Le brigandage endémique est une réplique à l’« ordre ottonien ».

• 14 septembre 1843 : les vétérans de l’indépendance, conduits par Dhimítrios Kallérghis (1803-1867), assiègent le palais royal.

• 1844 : Otton doit promettre une Constitution qui, votée le 16 mars par une Assemblée nationale, crée une chambre des députés élue au suffrage censitaire et un sénat nommé à vie par le roi. Mais il n’y a pas de régime parlementaire.