Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Grèce (suite)

La Grèce occidentale

Les possibilités de développement de la Grèce occidentale, qui correspond presque exactement à l’Épire continentale et à l’ensemble des îles Ioniennes, sont moindres. La population, peu dense, ne représente que le quart de celle de la Grèce du Nord, moins du dixième de la population totale sur environ le huitième de la superficie du pays. Les vastes montagnes d’Épire et d’Étolie-Acarnanie ont, du fait de la misère qui y régnait, une vieille tradition d’émigration. Cette dernière se trouve renforcée et renouvelée par le déclin de l’élevage traditionnel, qu’accélère l’évolution de l’agriculture des plaines, où l’irrigation permet une occupation plus complète et plus permanente des terroirs. Le littoral, pittoresque, mais mal desservi, reste ignoré du tourisme ; le seul port actif est celui d’Ighoumenítsa (4 400 hab.), où font escale les navettes en provenance de Brindisi ; les îles qui jalonnent ces côtes, de Corfou (Kérkyra) à Céphalonie (Kefallinía) et à Zante (Zákynthos), et qui furent naguère surpeuplées, n’ayant que des ressources insuffisantes en dépit d’olivaies et de vignobles soignés, ont enregistré une diminution de 14 p. 100 de leur population depuis 1961 (contre 12 p. 100 en Épire et 4 p. 100 en Étolie-Acarnanie) : le vif mouvement touristique qui intéresse Corfou ne suffit pas à retenir ses habitants (92 000), dont la diminution a été trois fois plus rapide de 1961 à 1971 que pendant la décennie précédente et n’a pas épargné son chef-lieu, Kérkyra (29 000 hab.). Les activités de la Grèce occidentale se concentrent donc dans les petites plaines d’Árta et d’Aghrínion, où les disponibilités en eau, déjà considérables du fait de l’humidité de cette façade au vent de la Grèce, sont augmentées par l’utilisation des grands cours d’eau qui drainent le long versant du Pinde (Loúros, Aspropótamos). Les anciens pâturages d’hiver du bas pays deviennent des huertas occupées par des cultures spéculatives (tabac, primeurs, agrumes, fourrages) qui attirent de nouveaux habitants ; Árta (20 000 hab.) et Aghrínion (37 000 hab.) doivent à cette intensification de l’agriculture locale l’augmentation rapide de leur population et la diversification de leurs fonctions. Mais cette partie de la Grèce souffre de son isolement : séparée de la région d’Athènes et de la Grèce du Nord par la masse du Pinde, dépeuplée et difficile à franchir, elle vit à l’écart des centres de décision et n’a pas d’autres industries que les quelques usines nécessaires au conditionnement des produits agricoles (sécheries de tabac, fabriques de jus de fruits et de conserves). Ioánnina (ou Jannina), capitale historique de l’Épire, n’est qu’un petit centre d’artisanat et de commerce étoffé par ses administrations et un embryon d’université ; son influence est vite limitée au sud par celle de Patras, qui déborde du Péloponnèse, et elle ne doit d’atteindre maintenant le niveau des 40 000 habitants qu’à la décrépitude des bourgades d’intérêt local et des villages de services que l’amélioration des liaisons routières lui a permis de concurrencer et de supplanter.


La Vieille Grèce

Le reste du pays, Grèce centrale, Péloponnèse* (ou Morée) et îles de la mer Égée, correspond à la Vieille Grèce : une grande partie de cet ensemble parvint à l’indépendance dès 1822 ; peu de réfugiés y furent installés, hors de l’agglomération d’Athènes, à l’occasion des guerres balkaniques ; plusieurs régions y sont aujourd’hui démographiquement très vieilles et appauvries par une émigration qui a notamment donné à l’État grec une partie de ses cadres civils et militaires. Cinq millions d’habitants résident en Vieille Grèce, guère plus étendue que la Grèce du Nord, mais plus de la moitié d’entre eux sont groupés dans l’agglomération d’Athènes*, dont la population ne cesse de croître, alors que le déclin de celle du reste de ces régions s’est généralisé depuis 1961. La Vieille Grèce est le domaine grec où les caractères méditerranéens s’affirment avec le plus de netteté et celui où le compartimentage du relief est le plus poussé. Cependant, l’établissement de voies de communication rapides fait que toute la Grèce centrale est devenue une vaste dépendance de la capitale ; il faut rajouter à cette région l’Eubée, bien qu’une grande partie de cette fausse île entretienne peu de relations avec l’extérieur, les îles du golfe Saronique (Salamine, Égine, etc.) et une partie de la Corinthie. De hauts massifs mal pénétrables (Parnasse, Elikón, Othrys) y dominent des plaines morcelées (vallées du Sperkhiós, dépressions de Béotie et de Mésogée), dont une grande partie (Thermopyles, Kopaïs) est demeurée marécageuse et insalubre jusqu’à une époque tardive. Bien que l’on y exploite divers minerais (bauxite, ferro-nickel, magnésie, chromite), les montagnes sont, ici comme ailleurs, en voie d’abandon : la population a diminué de 22 p. 100 depuis 1961 dans le nome d’Evrytanía (ou Eurytanie), le plus mal loti de ce secteur. Dans les plaines, plus favorisées, la modernisation de l’agriculture, très bien placée pour profiter de l’énorme marché athénien, ne suffit plus à assurer des emplois à tous les habitants : ainsi, la population a cessé de croître en Béotie pendant la dernière décennie. Les originaires de ces cantons émigrent à Athènes. Mais les activités de la capitale y débordent en retour depuis quelques années, suivant les axes de communication : les lotissements pour résidences secondaires prolifèrent ; les stations balnéaires prospèrent ; de nombreuses petites usines s’installent, dont plusieurs font venir chaque jour leur main-d’œuvre d’Athènes, mais dont l’activité contribue à entretenir plusieurs petites villes ; parmi ces dernières, celles qui sont les plus proches de la capitale, sans faire partie de la banlieue, sont stagnantes (Thèbes, 16 000 hab.), alors que les plus lointaines grossissent vite (Lamía [38 000 hab.], Khálkis [ou Chalcis, 36 000 hab.] et Corinthe [21 000 hab.] comptent respectivement 16, 27 et 31 p. 100 d’habitants de plus qu’en 1961). Au pied du Parnasse, l’installation d’une grande usine d’alumine et d’aluminium a provoqué la naissance d’une petite ville industrielle qui rassemble une population très jeune ; mais, dans l’est du nome d’Attique, plusieurs petits établissements d’industries chimiques ne parviennent pas à rendre à Lávrion (ou Laurion) l’ancienne prospérité que lui avaient apportée ses mines de plomb argentifère ; ces exemples illustrent les problèmes des petites villes de Grèce centrale, nées, trop près d’Athènes, d’une seule activité. Dans cette partie de la Grèce, où voisinent les terroirs ruraux gaspillés par l’extension de la friche sociale et les villages réaménagés à l’instar de la ville grâce aux revenus distribués par les acheteurs ou les employeurs de la capitale, la proximité d’Athènes est constamment sensible.