Écrivain allemand (Dantzig, auj. Gdańsk, 1927).
Né dans une famille d’origine germano-polonaise. Grass quitte le lycée à quatorze ans. Il est soldat de 1944 à 1945, puis prisonnier des Américains en Bavière. Après 1946, ouvrier agricole en Rhénanie, il devient tailleur de pierre à Düsseldorf, où, un peu plus tard, il fréquente l’académie des beaux-arts. En 1952, il travaille à Berlin, avec le sculpteur Karl Hartung. Après des séjours en Italie, en France et en Espagne, il publie son premier livre, Die Vorzüge der Windhühner, poèmes et prose, en 1956. La même année, il quitte l’Allemagne avec sa femme et s’installe en France, où il vit, six années durant, de sa plume et de ses sculptures. La célébrité lui vient, d’un coup, en 1959, avec son roman Die Blechtrommel (le Tambour).
C’est un bilan de l’époque entre les deux guerres mondiales ainsi que des années après 1945. Les cinq cents pages du roman sont écrites avec beaucoup de virulence et un pittoresque digne de Rabelais ou de Grimmelshausen. L’action se déroule à Dantzig et à Düsseldorf. Grass fait revivre les événements de l’histoire allemande de 1900 à 1954, vus à travers le milieu de petite bourgeoisie où il a été élevé. Pourtant, il ne s’agit pas d’une autobiographie ; Grass s’en est défendu à plusieurs reprises. Brutalité et cynisme instinctif de la collectivité sont représentés ici sans réserve et sans timidité de vocabulaire, autour des personnages d’Oskar Matzerath. Le signe particulier du « tambour », Oskar, est de ne plus avoir grandi depuis l’âge de trois ans, et de voir ainsi son entourage et son époque dans une perspective particulière, toujours de bas en haut. Anti-héros par définition, il se délecte à contempler les hontes et les vices de la petite bourgeoisie d’avant guerre. Oskar végète comme une caricature d’homme, battant sur son tambour d’entant le rythme de son temps, qui lui est donné par un autre tambour, Hitler. Doué d’une voix « secrète », mais qui brise le verre, Oskar se sert de son don en plus d’une occasion, faisant éclater fenêtres, vitraux et vitrines.
Quand, à partir de vingt et un ans, Oskar se décide à grandir de quelques centimètres et apprend divers métiers, dans l’Allemagne de l’après-guerre, son jugement demeure sans indulgence. À la fin, las de ce monde, il désire retourner au stade embryonnaire. Enfermé dans un asile d’aliénés. Oskar écrit ses mémoires : « Je constate, quant à mon infirmier Bruno et moi, que nous sommes tous deux des héros, des héros différents ; Bruno derrière le judas, moi devant... Les héros sont donc : un fou avec son garde-malade qui se regardent à travers le judas. »
Dans la nouvelle Katz und Maus, publiée en 1961 (le Chat et la Souris), Grass use de la même technique : le secrétaire Pilenz raconte l’histoire du « grand Mahlke », pourvu d’une pomme d’Adam — appelée ici souris, ce qui explique le titre — particulièrement grande. La perspective de l’anomalie permettra à Grass de représenter la réalité d’une manière peu commune : Dantzig, pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1963 parut le deuxième grand roman de Grass. Hundejahre (Années de chien). Cette fois-ci, tout un collectif d’auteurs racontent l’époque contemporaine jusque vers 1960. Dans ce livre souvent satirique, on trouve aussi une parodie du langage du philosophe allemand Heidegger. Örtlich betäubt, publié en 1969 (Anesthésie locale, 1971), apparaît surtout comme une reprise en réduction des œuvres précédentes. Grass romancier reconnaît comme son modèle et son maître Alfred Döblin, auquel il a consacré un essai en 1968.
Auteur de trois volumes de vers, Grass s’est également essayé au théâtre avec des pièces où se mêlent constamment le fantastique et le réel. La plus connue, Die Plebejer proben den Aufstand (Les plébéiens répètent l’insurrection, 1966), traite du comportement de Bertolt Brecht devant l’insurrection ouvrière de Berlin en 1953. Auteur engagé, aux côtés des sociaux-démocrates, Grass a publié en 1968 un recueil d’essais, Über das Selbstverständliche (Évidences politiques). Largement discuté, Grass, comme Heinrieh Böll*, connaît une audience internationale et voyage à travers le monde. L’actualité est son univers.
P. G.
K. L. Tank, Günter Grass (Berlin, 1965). / G. Loschütz, Von Buch zu Buch. Günter Grass in der Kritik (Berlin, 1968). / D. Weber (sous la dir. de), Deutsche Literatur ab 1945 (Stuttgart, 1968).