Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Grande-Bretagne (suite)

Vers une nouvelle politique

Depuis quelques années, la politique générale de la Grande-Bretagne semblait prête à évoluer vers un rapprochement avec l’Europe. Dès 1961, des contacts étaient pris en vue d’une entrée éventuelle dans le Marché commun. Les accords de Nassau ayant mis en lumière la dépendance de la Grande-Bretagne vis-à-vis des États-Unis, ces contacts sont rompus à l’initiative de la France : mais ce n’est que partie remise. Il devient évident en effet que la Grande-Bretagne, aux prises avec de sérieuses difficultés économiques, ne peut plus faire face à une politique de défense trop ambitieuse qui la contraint à entretenir un corps de 55 000 hommes en Allemagne dans le cadre du pacte de l’Atlantique Nord et des forces importantes « à l’est de Suez » ; elle ne peut continuer à consacrer à sa défense environ 7 p. 100 de son produit national brut, soit plus que tous ses alliés européens. La conscription est supprimée le 1er janvier 1963, ce qui marque le retour à une armée de métier. En même temps, une refonte complète de l’organisation de défense est entreprise afin de centraliser sa direction sans nuire pour autant à l’efficacité et au moral des trois armes, dont chacune conserve sa personnalité. Cette réforme entraîne la création, le 1er avril 1964, d’un ministère unifié de la Défense sous l’autorité d’un « secrétaire d’État à la Défense ». La centralisation, recherchée dans un but d’efficacité et d’économie, porte notamment sur l’établissement des programmes et des budgets ainsi que sur la coordination de l’administration et des services des trois armes.

Cette réforme, décidée par un gouvernement conservateur, est poursuivie par le gouvernement travailliste de H. Wilson*, arrivé au pouvoir en octobre 1964. Celui-ci, par ailleurs, mène à son terme la politique de décolonisation de l’Empire, amorcée dès 1947 par C. Attlee. Avec réalisme, Wilson, prenant acte du déclin de l’Empire, décide de réduire au strict minimum les responsabilités britanniques outremer et de donner la priorité à la défense de l’Europe occidentale dans le cadre de l’Alliance atlantique. Une réserve stratégique mobile est constituée en métropole, destinée à intervenir partout où le gouvernement le jugera nécessaire. Dès 1966, le gouvernement britannique annonce son intention de rapatrier avant 1975 les troupes stationnées « à l’est de Suez » ; le 16 janvier 1968, il ramène cette date limite à la fin de 1971. Simultanément, il envisage une modification de la stratégie de défense en Europe qui permettrait un allégement de ses charges sur le continent et la réduction progressive de l’effectif de ses armées de 425 000 hommes (1964) à 350 000 en 1974. Parvenu au pouvoir en juin 1970, le gouvernement conservateur (Heath) semble d’abord vouloir freiner le repli des forces engagées « à l’est de Suez ». Celui-ci n’en est pas moins poursuivi, et, le 1er novembre 1971, le commandement britannique en Extrême-Orient, implanté à Singapour, est dissous. Le 2 décembre 1971 est proclamée la « Fédération des émirats arabes unis du golfe Persique », qui doit prendre la relève des Britanniques dans cette région.

La Grande-Bretagne, après avoir longtemps hésité, a finalement choisi l’Europe. Au moment où elle entre dans le Marché commun, les liens entre la métropole et le Commonwealth ont tendance à se relâcher, et l’importance des dominions pour l’économie britannique a beaucoup diminué, tandis que les traditionnelles « relations spéciales » qui unissaient la Grande-Bretagne aux États-Unis se sont distendues. Cette ouverture vers l’Europe entraîne évidemment une nouvelle orientation de la politique de défense. Celle-ci reste fondée sur une force nucléaire nationale, encore tributaire de la bonne volonté américaine et hypothéquée au profit de l’O. T. A. N., mais aussi sur l’Alliance atlantique, où est affectée la majorité des moyens militaires anglais, dans l’Atlantique comme en Allemagne et en Méditerranée.

La Grande-Bretagne affirme sa volonté de respecter ses engagements dans l’O. T. A. S. E., où son action est relayée par l’Australie et la Nouvelle-Zélande, et maintient une force symbolique dans le Sud-Est asiatique. Elle se veut aussi fidèle au CENTO, mais, après le repli américain d’Indochine (1970-71), les drames qui déchirent le continent indien et les menaces qui pèsent sur le Moyen-Orient, l’avenir de ces alliances est incertain. Jusqu’où la Grande-Bretagne poussera-t-elle l’intégration de sa défense à celle de l’Europe ? C’est là un problème politique qui met en cause sa souveraineté. Certains suggèrent la constitution d’une force de dissuasion nucléaire franco-britannique, mais sa réalisation et surtout sa mise en œuvre supposeraient l’existence d’une autorité supranationale dont rien ne fait penser qu’elle puisse être envisagée à brève échéance.

Les forces armées de la Grande-Bretagne

Le budget de défense pour l’exercice 1972-73 s’élevait à 2 854 millions de livres (soit 4,7 p. 100 du produit national brut en 1971). L’effectif total des armées atteignait alors 372 000 hommes (Army, 180 000 ; Royal Navy, 82 000 ; Royal Air Force, 110 000) ; 249 000 hommes étaient stationnés au Royaume-Uni, 55 000 en Allemagne, 18 000 en Méditerranée, 50 000 au Moyen- et en Extrême-Orient.

L’armée de terre (ou « Army »)

Elle est redevenue depuis 1963 une armée de métier, ce qui a entraîné de grosses difficultés de recrutement que le gouvernement espère surmonter notamment par une augmentation des soldes, arrêtée en 1971.

Les forces terrestres comprenaient à cette date :

• une réserve stratégique, constituée en Grande-Bretagne d’une division à 3 brigades aérotransportables ;

• la British Army of the Rhine, groupant en Allemagne un corps d’armée à 3 divisions et une brigade à Berlin ;

• les troupes de Méditerranée, à Gibraltar et Chypre ; celles du golfe Persique, avec des forces locales (notamment les Trucial Oman Scouts) ; celles d’Extrême-Orient, avec des bataillons britanniques et gurkhas stationnés à Brunei, à Singapour et à Hongkong.