Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Grande-Bretagne (suite)

Le règne de George III (1760-1820)

La période qui va de 1760 à 1820 est celle du long règne de George III : mais ce qui lui donne son homogénéité, plus que le rôle du roi, c’est la lutte contre la France pour s’assurer le leadership mondial.

Les débuts du règne (1760-1788)
George III est très influencé par son conseiller, John Stuart (1713-1792), comte de Bute, un des chefs du « nouveau torysme ». Il va donc chercher à se débarrasser des whigs : Pitt doit abandonner le pouvoir en 1761, et Newcastle en 1762.

• 1762-63 : ministère Bute.

• 1763-1765 : ministère Grenville, appuyé sur la faction whig hostile à Pitt ; mais George Grenville (1712-1770) provoque l’affaire Wilkes. Ce député, ayant attaqué le roi dans un article, est poursuivi pour injure au roi : bien que la justice ait tranché en sa faveur, il est obligé de s’exiler (il deviendra lord-maire de Londres par la suite).

• 1765-66 : ministère de Rockingham (1730-1782).

• 1766-1768 : ministère Pitt ; mais Pitt, malade, ne peut imposer ses vues (en particulier, on reprend la politique de taxation des produits américains, ravivant le mécontentement des colons).

• 1768-1770 : ministère du duc de Grafton (1735-1811).

• 1770-1782 : ministère de Frederick North (1732-1792), qui se maintient sans grande difficulté contre les whigs de Pitt et les « nouveaux whigs » menés par Edmund Burke et Charles James Fox.

• 1773 : les incidents de Boston démontrent la gravité du problème américain, que ni North ni George III ne paraissent comprendre. Les Américains sont indignés de la politique de taxation entreprise par l’Angleterre, estimant qu’un Parlement où ils ne sont pas représentés ne saurait leur imposer de payer des taxes.

• 1776 : Déclaration de l’indépendance américaine.

• 1775-1782 : guerre de l’indépendance des colonies américaines, aidées par la France, qui prend ainsi sa revanche du traité de Paris. La reddition d’une armée britannique à Saratoga (1777) décide en effet la France (1778), l’Espagne (1779) et la Hollande (1780) à soutenir les colons.

• 1780 : les Gordon Riots à Londres (émeutes où sont saccagées et pillées bien des maisons londoniennes) démontrent l’ampleur du mécontentement populaire. Mais ces excès affaiblissent le radicalisme, mouvement libéral qui essaie de se développer à l’écart des deux partis traditionnels.

• 1782 : la victoire navale de l’amiral Rodney à la Dominique sauve les Antilles anglaises. Cependant, North doit se retirer, et George III faire appel aux whigs (cabinet Rockingham, 1782, et celui du comte de Shelburne, 1782-83).

• 1783 : l’Angleterre, au traité de Versailles, reconnaît l’indépendance des colonies américaines, devenues les États-Unis d’Amérique. Elle cède à la France Tobago, le Sénégal, Saint-Pierre-et-Miquelon ; à l’Espagne, Minorque et la Floride.

• 1783-84 : pendant un temps, une coalition hétéroclite de whigs (Fox) et de tories (North) gouverne.

Le roi, excédé par la domination des factions, fait appel à William Pitt (dit le Second Pitt*). D’abord confronté à l’hostilité de tous les partis, ce dernier finit par s’assurer le soutien des tories et de quelques whigs. Les élections de 1784 assurent au roi et au ministre qu’il s’est choisi une majorité triomphale.

• 1784 : Bill sur l’Inde, qui fait passer au Parlement le contrôle de l’activité politique de la Compagnie des Indes orientales.

• 1786 : traité de commerce avec la France.

• 1788 : premier accès de folie du roi George III, qui, vite remis, continue à accorder toute sa confiance à Pitt.

Le régime politique anglais au xviiie siècle

Le calme du xviiie s. a permis au système politique de l’Angleterre d’acquérir une grande stabilité. Sa caractéristique la plus souvent exaltée par les observateurs est l’équilibre des pouvoirs exécutif, judiciaire et législatif. Il est vrai que le pouvoir judiciaire bénéficie d’une réelle indépendance de fait, puisque les juges sont inamovibles : on le vérifia en 1766, lorsque les juges déclarèrent que les mandats de poursuite lancés par les secrétaires d’État étaient illégaux. La Common Law excluait bien la raison d’État.

En ce qui concerne l’exécutif, c’est toujours le roi qui choisit les ministres, non le Parlement. Lorsqu’il le veut — c’est le cas de George III —, il peut donc jouer un rôle important. Mais peu à peu, depuis le xviie s., s’est précisée la nécessité pour le gouvernement de bénéficier de l’assentiment de la majorité du Parlement. Cela a amené l’évolution du système du « Cabinet », favorisée par le relatif désintéressement des deux premiers Hanovre à l’égard des querelles politiques anglaises. Signalons les dates importantes de cette évolution : en 1696, pour la première fois un gouvernement est composé de gens d’un même parti (il s’agissait d’un gouvernement whig) ; en 1746, on avait vu la première ébauche de démission collective, les ministres voulant obliger le roi à appeler au pouvoir William Pitt ; en 1782, enfin, Shelburne, au moment d’accéder au pouvoir, présentait aux chambres un véritable programme. Contrariée par la véritable dictature du Second Pitt, l’évolution s’accéléra au début du xixe s. avec ses successeurs, Grenville, Portland, Perceval et Liverpool, qui étaient loin d’avoir son prestige.

La grande différence entre pratique et théorie concerne en réalité le législatif. Le Parlement, composé de deux chambres, la Chambre des lords et celle des communes, est beaucoup plus étroitement soumis à l’exécutif qu’il n’y parait. En ce qui concerne les lords, l’arme est la nomination de nouveaux lords. Mais ce sont surtout les Communes que les grands seigneurs whigs qui peuplent les Cabinets au xviiie s. sont parvenus à bien contrôler. Comment pouvait-il en être autrement, étant donné la répartition de l’électorat ? Il y avait en effet :
— 45 sièges pour l’Écosse (4 000 électeurs au plus) ;
— 24 sièges pour le pays de Galles ;
— 100 sièges pour l’Irlande (depuis l’Acte d’union de 1800) ;
— 81 sièges pour les comtés d’Angleterre (160 000 électeurs) ;
— 408 sièges pour les bourgs d’Angleterre — pour 80 000 électeurs seulement —, dont : 276 bourgs où le droit de vote appartenait aux freemen, membres des guildes ; 92 bourgs où, le droit de vote appartenant aux freemen, s’exerçait un droit de patronage ; c’était en particulier le cas de Londres, qui n’avait que 7 000 électeurs ; 37 bourgs où la propriété du sol et le fait de payer la taxe pour les pauvres (scot and lot) donnaient le droit de vote ; Westminster avait à lui seul 12 000 électeurs, mais, à l’autre bout de l’échelle, on trouvait un bourg qui n’avait que deux électeurs, et le propriétaire d’Old Sarum désignait à lui seul deux députés ; 12 bourgs potwalloper, où tous les habitants étaient électeurs.