Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Gottwald (Klement)

Homme d’État tchécoslovaque (Dědice, Moravie, 1896 - Prague 1953).



À la tête du parti communiste

Ouvrier, K. Gottwald adhère très jeune au parti communiste tchécoslovaque, fondé en 1921. Il représente, avec Václav Kopecky, la tendance de gauche dans le bassin houiller d’Ostrava. En septembre 1925, il entre au bureau politique. Elu lors du VIe Congrès du Komintern au Comité exécutif de l’Internationale communiste, il gagne la confiance des dirigeants du mouvement. Dès l’été 1928, le Komintern décide de remplacer le secrétaire général du parti communiste tchécoslovaque B. Jílek par Gottwald, pour reprendre en main l’organisation et mettre fin à une série d’échecs. Le Ve Congrès (18-23 févr. 1929) marque un complet tournant. Le nouveau secrétaire général applique une ligne dure, sans tenir compte de l’opposition d’un grand nombre de membres du parti et de la chute des effectifs. Il organise très solidement un noyau de jeunes fonctionnaires du parti. En mai 1934, lors des élections présidentielles, alors que T. Masaryk* bénéficie, même au sein du parti communiste, d’une grande popularité, il lance le slogan « Pas Masaryk, mais Lénine ».

Menacé d’arrestation, il gagne l’Union soviétique. Pendant son absence, Jan Šverma et Rudolf Slánský se rapprochent du gouvernement et approuvent la politique de réarmement contre l’Allemagne nazie. Rentré au début de 1936, Gottwald reprend la ligne politique qu’ils ont suivie. Les communistes soutiennent lors de la crise de Munich la politique de défense nationale du gouvernement Beneš*. À la fin de 1938, Gottwald est appelé à Moscou, où il passera toute la guerre. De Moscou, il garde le contact avec la résistance communiste en Tchécoslovaquie et accorde son appui au gouvernement Beneš, exilé à Londres.


L’après-guerre (1945-1948)

Gottwald revient en 1945 siéger dans le gouvernement qui s’installe en avril à Košice, en Slovaquie orientale. Il est d’abord vice-président du Conseil, puis, après les élections de 1946, favorables aux communistes, qui obtiennent au total 38 p. 100 des voix, il prend lui-même la présidence du Conseil.

Il apparaît au président Beneš et à ses partenaires non communistes comme un homme rassurant, ouvert à une politique raisonnable de coopération avec un régime démocratique et parlementaire. Le 25 septembre 1946, il parle, après une entrevue avec Staline, « de la voie spécifique tchécoslovaque vers le socialisme ». Mais les communistes ont profité de la libération de la plus grande partie du pays par les troupes soviétiques pour s’implanter solidement dans les assemblées locales et provinciales, les comités nationaux ; ils contrôlent plusieurs ministères clés (l’Intérieur, l’Information, l’Agriculture) et occupent les postes dirigeants du syndicat ouvrier unique, le Revolučni odborové hnuti (ROH), que dirige Antonín Zápotocký. L’institution du Front national, qui rassemble les partis unis dans la Résistance, leur permet, au nom du principe d’unanimité, de peser sur les décisions des partis non communistes. Enfin, Gottwald trouve des correspondants dans les différents partis, noyaute avec Zdeněk Fierlinger l’aile gauche du parti socialiste et influence des sans-parti, comme le général L. Svoboda, ministre de la Guerre.


Le coup de Prague (févr. 1948)

Selon les paroles d’un historien tchécoslovaque, c’est « à la fois une solution constitutionnelle à une crise gouvernementale et une solution révolutionnaire à une crise générale de l’État ». L’expérience originale de la Tchécoslovaquie se trouvait condamnée par la guerre froide ; l’idée de révolution était impopulaire, étrangère à la mentalité tchécoslovaque. Aux yeux de l’opinion, les événements de février 1948 se présentent comme un simple épisode de défense de la gauche, non comme un choix irrévocable qui fait basculer la Tchécoslovaquie dans le camp de l’Est. Dès novembre 1947, Gottwald dénonce un complot de la droite et menace d’une réaction violente les communistes. Il s’inquiète de la proximité des élections, qui doivent avoir lieu en mai 1948.

Le 20 février 1948, les ministres non communistes remettent leur démission au président Beneš pour protester contre le noyautage de la police. Alors, Gottwald profite de la vacance du pouvoir pour s’en emparer. Dès le 21 février, les communistes ont le monopole de la radio. Des comités d’action du Front national se créent dans tout le pays pour soutenir les revendications communistes. Les milices ouvrières se mobilisent avec l’aide de la police pour occuper les principaux points stratégiques, tandis que les syndicats contrôlent les usines et les ministères. Le 25 février, le président Beneš doit céder et confier le pouvoir à un gouvernement Gottwald, d’où sont éliminés les partis non communistes.


Après 1948

Les communistes contrôlent tous les postes clés de l’État. Le 7 juin, Beneš abandonne ses fonctions de président de la République. Au lieu de supprimer la présidence, comme le font les autres démocraties populaires, Gottwald se fait proclamer président de la République, comme successeur de Beneš et de Masaryk, mais il conserve en même temps la présidence du parti communiste et sa direction effective.

Il a réussi la révolution de février 1948, mais les déceptions commencent. Dès septembre, Staline critique sa politique trop modérée : Gottwald se voit obligé d’abandonner sa conception d’une « voie tchécoslovaque », il doit brutalement réorienter son économie vers l’Est, adopter sans transition les méthodes de gestion soviétiques et se lancer dès 1949 dans une rapide collectivisation des terres, abandonnant son slogan d’avant 1948 « Chez nous, pas de kolkhozes ». Surtout, il introduit en Tchécoslovaquie les méthodes d’une dictature policière. Après la liquidation, en 1948-49, des partis non communistes, ce seront les grands procès politiques des années 1950 (procès Slánský, en 1952) qui frappent la direction du parti communiste elle-même.

Gottwald meurt en mars 1953 quelques jours à peine après Staline.

B. M.

➙ Tchécoslovaquie.

 P. Zinner, Communist Strategy and Tactics in Czechoslovakia, 1918-1948 (New York, 1963). / K. Kaplan, la Formation de la ligne générale de la constitution du socialisme en Tchécoslovaquie (Prague, 1966).