Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

gothique (art) (suite)

Le gothique international

À la fin du xive s. se répand dans toute l’Europe occidentale, surtout dans la peinture, le style gothique international. C’est un art raffiné, si élégant qu’on l’a qualifié parfois de « maniéré », dans lequel les formes s’étirent, les lignes se courbent en une écriture compliquée, qui aime les couleurs rares et la somptuosité de l’or. Art de cour et de luxe, parfois artificiel, qui, pourtant, observe la nature, développe les recherches spatiales, le paysage et le portrait, il est lié aux mécénats princiers de la fin du xive s. et disparaît dès les années 1415-1420.

La peinture siennoise des Lorenzetti* est à l’origine de ce style, qui prend son essor en Italie avec les Gaddi, Antonio Veneziano (actif de 1369 à 1388) et Lorenzo Monaco (v. 1370 - v. 1422), dont la grâce et les couleurs vives se perpétuent au début du xve s. chez Sassetta* et Gentile da Fabriano (v. 1370-1427). En Lombardie, Giovannino De Grassi se révèle un extraordinaire animalier et, à Vérone, Pisanello* exprime toute la préciosité, réaliste dans son observation, fantastique dans ses inventions, du gothique international. Au même moment, à Florence, Masaccio* s’engage dans les voies de la Renaissance.

L’influence siennoise se répand de bonne heure en Espagne, vers 1380 en Catalogne avec Lluís Borrassá, puis avec Ramon de Mur et Bernat Martorell, à Majorque avec le Maître de sainte Eulalie et le Maître de Montesión, à Saragosse avec Zaortiga, à Valence avec Marzal de Sax.

L’Allemagne n’échappe pas à ce courant international, que l’on rencontre à Hambourg chez Maître Bertram (v. 1345-1415), auteur du retable de l’église Saint-Pierre, et chez Maître Francke, à Dortmund chez Konrad von Soest. Il apparaît même en Bohême chez le Maître de Trebon, qui combine le graphisme élégant des silhouettes à des détails réalistes, avec des couleurs vives qui émanent d’une sorte de clair-obscur.

Les Pays-Bas participent au mouvement général, mais se trouvent liés à la Bourgogne par le mariage du plus jeune frère de Charles V, Philippe le Hardi, à Marguerite de Flandre, et c’est à Dijon qu’on trouve les peintures les plus caractéristiques, celles de Melchior Broederlam, originaire d’Ypres, auteur des volets peints du retable de la chartreuse de Champmol. À sa suite, Jean de Beaumetz († 1396) exprime un art plus violent et plus dur. En Angleterre, le Diptyque Wilton (National Gallery) demeure le seul témoin important de cet art de cour.

À Paris, on rencontre des artistes souvent venus du Nord. Ainsi, Jean Malouel (v. 1370-1419), né à Nimègue, peint, avant son départ pour la Bourgogne en 1397, le Martyre de saint Denis (Louvre), terminé par Henri Bellechose († v. 1445). Jacquemart de Hesdin entre au service du duc de Berry*, termine peut-être le Psautier du duc (Bibliothèque nationale), commencé par le sculpteur Beauneveu, et décore les Très Belles Heures de Bruxelles dans un style où se reconnaissent le souvenir de Jean Pucelle et l’influence d’Ambrogio Lorenzetti, notamment dans les compositions spatiales. Les artistes les plus célèbres de la cour de Jean de Berry, les frères Limbourg, viennent de Nimègue, comme Malouel, dont ils sont les neveux, et voyagent dans toute l’Europe avant de se fixer en Berry. Ils incarnent le gothique international dans les miniatures des Très Riches Heures du duc de Berry (Chantilly). Ils imitent les Siennois dans la grâce calligraphique et la recherche de profondeur ; ils y mêlent observation naturaliste et fantaisie du décor, portraits de grands seigneurs et pays idéalisés.

Trois miniaturistes du début du xve s. participent encore au courant international : le Maître des Heures de Boucicaut (Paris, musée Jacquemart-André), le Maître du Bréviaire de Bedford et le Maître des Heures de Rohan (Bibliothèque nationale).

Cet art de cour s’est aussi exprimé dans les objets précieux. La plupart ont disparu, mais le petit cheval d’or d’Altötting (Bavière) en donne encore quelque idée. Les Vierges sculptées de Bohême, relevant du « beau style », peuvent être aussi rattachées au gothique international, de même que le Couronnement de la Vierge sculpté au-dessus de la porte du château de La Ferté-Milon. Ces sculptures précieuses font suite aux Vierges italiennes de Nino Pisano.

A. P.

➙ Cathédrale / Château / Miniature / Renaissance / Roman (art) / Vitrail / Voir en outre au nom des différents pays et à celui des principales provinces françaises.

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