Gossart ou Gossaert (Jan), dit Mabuse (suite)
Entre 1508 et 1509, Gossart voyage en Italie avec son protecteur, Philippe de Bourgogne, ambassadeur des Flandres en Italie. Ce séjour le met en contact avec Iacopo de’ Barbari (v. 1445 - v. 1516) et surtout avec la statuaire antique, qu’il copia souvent dans de remarquables dessins : ainsi l’Hermaphrodite, dessin à la plume (académie de Venise) qui reproduit une statue célèbre d’Apollon au repos. Cette œuvre révèle une recherche de la puissance et du modelé qui fait penser à Michel-Ange. Revenu d’Italie en 1509, Gossart suit son protecteur dans ses différentes résidences, puis passe au service de son neveu Adolphe. Il travaille pour Jean Carondelet, Christian II de Danemark et Marguerite d’Autriche. Un autre dessin, signé et daté celui-là de 1516 (Neptune et Amphitrite, Berlin), nous montre combien l’artiste est maintenant en pleine possession de son style. Son dessin, très vigoureux, reste supérieur à sa peinture.
Gossart, qui se considérait comme un grand connaisseur de l’Antiquité et « fils éclairé d’un âge nouveau », est le premier à introduire l’esprit profane de la Renaissance dans la peinture flamande. Il est mal à l’aise pour composer un tableau avec des types conventionnels, comme l’Agonie dans le jardin des Oliviers (Berlin). Mais, quand il s’agit de peindre le réel, le portraitiste donne des chefs-d’œuvre : le portrait de Jean Carondelet adorant la Vierge (Louvre), celui de Jacqueline de Bourgogne (Londres, National Gallery) sont remarquables de « présence ». Enfin, le groupe des trois enfants du roi de Danemark (Hampton Court) caractérise la rigueur réaliste de l’humanisme septentrional. Un des plus rares dessins signés est celui de la Décollation de saint Jean-Baptiste (1516, École des beaux-arts, Paris), qui a probablement servi de modèle pour un vitrail. Les architectures de ce dessin rappellent celles qui figurent dans le Saint Luc peignant la Vierge (v. 1513, Prague). Dans ce dernier tableau, selon l’expression de M. J. Friedländer, la madone et saint Luc sont « enfermés dans une prison de pierre », comme absorbés dans l’exubérance architecturale.
Finalement, en réaction contre la tradition flamande, le maniérisme brillant de Jan Gossart, ses prouesses de composition, son graphisme virtuose illustrent la voie nouvelle où s’engage l’art septentrional, juste équilibre entre les recherches du « grand style » et la précision analytique.
P. H. P.
E. Weisz, J. Gossart gennant Mabuse. Sein Leben und sein Werk (Parchim, 1913). / A. Segard, Jan Gossart dit Mabuse (Van Oest, Bruxelles, 1924). / M. J. Friedländer, Die altniederländische Malerei, vol. VIII (Berlin, 1930).
CATALOGUE D’EXPOSITION. Jean Gossaert dit Mabuse (Rotterdam et Bruges, 1965).