Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Gorki

V. de l’U. R. S. S.


La population, forte de 644 000 habitants en 1939, de 942 000 en 1959, s’élevait à 1 170 000 habitants en 1970.

La ville est située sur la Volga, à sa confluence avec l’Oka. Fondée sous le nom de Nijni-Novgorod, elle a eu une double fonction : d’une part, militaire, avec une forteresse (un kreml) destinée à repousser les invasions des peuples nomades venus d’Asie en direction de Moscou ; d’autre part, commerciale, avec une grande foire annuelle, établie dans l’espace alluvial formé par le confluent, fréquentée par des marchands de l’Ouest et de l’Est, d’Europe et d’Asie, l’une des plus actives de toute l’Europe orientale.

De sa position et de son rôle de contact, elle a gardé ses fonctions liées à la batellerie fluviale. Elle est une escale, un chantier de constructions navales, un centre actif de pêcheries, un port important au bord du grand fleuve (son trafic annuel, malgré l’interruption due au gel, doit dépasser 3 Mt). D’autre part, la région de Gorki, au contact de la taïga au nord, de clairières et de la forêt mixte au sud, a toujours été un foyer d’artisanat : les koustari, artisans du bois, fabriquaient des outils agricoles et des bibelots vendus par colportage ; d’autres s’occupaient du travail des métaux, de vannerie, de poterie. Ces métiers demeurent, et plusieurs localités de la région de Gorki sont spécialisées dans des fabrications héritées du passé, mais adaptées aux nouveaux besoins et modernisées : ainsi, Pavlovo reste le centre de la serrurerie et de la mécanique de précision ; Vosma, celui de la coutellerie, des instruments de chirurgie. Les grandes industries du bois se sont regroupées, et la ville de Pravdinsk (ou « ville de la Pravda ») est un des sites de la papeterie les plus importants de l’Union.

Longtemps liée à Moscou, la ville est devenue elle-même un centre administratif et intellectuel de la grande région économique de la Volga-Viatka sous le pouvoir soviétique, notamment pendant et après la Seconde Guerre mondiale. En effet, comme toutes les villes de la Volga et de l’Oural, elle a reçu les entreprises transférées de la région du Centre industriel. Celles-ci sont restées après 1945 et se transforment en combinats géants employant chacun plusieurs dizaines de milliers de salariés : ainsi, les usines longtemps appelées Molotov, un combinat de matériel roulant, une entreprise de machines et d’équipement agricole. Depuis le développement du « Second-Bakou » (région pétrolifère entre Oural et Volga), Gorki est devenue une des villes d’aval des industries liées aux hydrocarbures, industries qui représentent près de la moitié de la valeur de sa production industrielle. Atteinte par un réseau d’oléoducs et de gazoducs, elle raffine et traite les produits bruts, soit à proximité d’elle-même, soit dans la ville voisine de Dzerjinsk, qui est passée de 100 000 à plus de 200 000 habitants en moins d’un quart de siècle. Enfin, elle reçoit une partie de son énergie électrique de la centrale sur la Volga, alimentée par le barrage-réservoir qui s’étend en amont de Gorki. Au total, la conurbation qui s’est développée autour de la vieille ville dépasse 1 500 000 habitants.

A. B.

➙ Volga.

Gorki (Maxime)

Pseudonyme de Alekseï Maksimovitch Pechkov, écrivain russe (Nijni-Novgorod [auj. Gorki] 1868 - Moscou 1936).


Né d’un père ébéniste, puis employé d’une compagnie de navigation, qu’il perd à l’âge de trois ans, Alekseï Maksimovitch Pechkov est élevé à Nijni-Novgorod, par son grand-père Vassili Kachirine, propriétaire d’une teinturerie, dans l’esprit austère et autoritaire des mœurs patriarcales de la vieille Russie, adouci par la religion souriante de sa grand-mère Akoulina Ivanovna. La ruine de son grand-père lui fait connaître la misère. Orphelin à onze ans, Gorki est mis en apprentissage comme commis de magasin, puis comme plongeur sur un bateau fluvial (où un cuisinier autodidacte lui donne le goût de la lecture), puis dans un atelier de peintres d’icônes. À seize ans, il essaie en vain d’entrer à l’université de Kazan, où, tout en gagnant sa vie comme ouvrier boulanger, il s’instruit en fréquentant des cercles d’étudiants révolutionnaires, qui orientent ses lectures et le font participer à des actions de propagande dans l’esprit du socialisme populiste. En 1887, après une tentative de suicide, il part travailler dans les pêcheries de la mer Caspienne ; revenu à Nijni-Novgorod, où il change plusieurs fois de métier, il en repart en 1891 pour vagabonder le long de la Volga et du Don, en Ukraine, en Bessarabie, en Crimée, dans le Caucase. Ces pérégrinations lui inspirent ses premiers récits, qui commencent à paraître à partir de 1892 dans la presse de province et qui mettent en scène des personnages colorés de tziganes ou de vagabonds déracinés, en révolte contre la routine ou l’ordre social.

Publiés à partir de 1895 dans les grandes revues de la capitale, réunis en 1898 et en 1899 en deux, puis trois volumes, ces Esquisses et récits (Otcherki i rasskazy), bientôt traduits dans les principales langues européennes, lui apportent une célébrité universelle, confirmée en 1899 et en 1900-01 par les romans Foma Gordeïev et Troïe (les Trois), et surtout en 1902 par le triomphe des drames Mechtchane (les Petits Bourgeois) et Na dne (les Bas-Fonds) sur la scène du théâtre d’Art de Moscou. La critique salue en Gorki un néo-romantique dont les poèmes allégoriques (Pesnia o sokole [le Chant du faucon], 1895) et les récits mettant en scène des personnages exotiques ou légendaires (Makar Tchoudra, 1892 ; Staroukha Izerguil [la Vieille Izerguil], 1895) réagissent contre le pessimisme des réalistes tels que Tchekhov ; elle note pourtant l’aspect social et révolutionnaire de ce romantisme, qui va chercher ses héros dans les bas-fonds, parmi les victimes de l’ordre établi. Sans doute Gorki se tourne-t-il avec intérêt vers la classe des kouptsy (marchands) traditionnels, en train de se muer en une grosse bourgeoisie d’affaires pleine de vitalité ; mais, là encore, il prend pour héros des insatisfaits, des inadaptés, des rebelles, dont la forte personnalité étouffe dans les cadres figés d’une société dominée par l’argent. Vagabonds ou marchands, ses héros s’opposent aux « petits-bourgeois », satisfaits d’une vie stérile et sans horizons. C’est cet esprit petit-bourgeois d’avidité égoïste et de repliement craintif qu’il incrimine aux paysans (par exemple dans le récit Tchelkach, 1895) et surtout aux intellectuels, dont la démission sociale devient le thème central de son théâtre (Mechtchane [les Petits Bourgeois], 1902 ; Datchniki [les Estivants], 1904 ; Deti solntsa, [les Fils du soleil] et Varvary [les Barbares], 1905). À cette démission s’oppose pour la première fois dans les Petits Bourgeois l’assurance tranquille d’un Nil, représentant de la classe ouvrière, qui apparaîtra chez Gorki comme l’héritière légitime des valeurs de culture que l’intelligentsia a trahies.