Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Goncourt (les) (suite)

Depuis le 2 décembre 1851, les frères Goncourt tenaient un journal. Le soir même, au plus tard le lendemain, ils notaient ce qu’ils avaient fait, senti, entendu dans la journée (Journal, t. V, préface). Leur but était de « portraiturer ces hommes, ces femmes, dans leurs ressemblances du jour et de l’heure... en un mot, de représenter l’humanité dans sa vérité momentanée » (Journal, t. I, préface). Le Journal est rempli de croquis brillants, d’un style sténographique très moderne, sur la société parisienne du second Empire et de la IIIe République, société que les Goncourt connaissaient bien, car ils sortaient beaucoup et étaient d’une insatiable curiosité. Il ne faut pas demander aux Goncourt de sonder les reins et les cœurs. Ils ne s’intéressent qu’à la surface, d’où bien des commérages, des médisances qui attireront à Edmont de Goncourt quelques ennuis, car, tout en faisant de nombreuses coupures, il a publié neuf volumes du Journal de 1887 à 1896. Le texte complet ne sera connu qu’en 1956 (éd. Robert Ricatte, Monaco).

Par son testament du 14 juillet 1874, Edmond de Goncourt créait une académie portant son nom, et qui devait décerner tous les ans un prix de cinq mille francs « au meilleur ouvrage d’imagination, en prose, paru dans l’année ».

Les frères Goncourt avaient également tenté leur chance au théâtre : Henriette Maréchal (1865), la Patrie en danger (1873, montée en 1889 par Antoine au Théâtre libre)... Ils ont été de bons critiques d’art ; leur bel ouvrage sur leur ami Gavarni fait autorité (1873), et leur temps doit beaucoup à leur goût pour l’art du xviiie s. et le japonisme (Outamaro, 1891, Hokousaï, 1896). Esthètes raffinés les Goncourt, comme Janus, ont joué un rôle double : d’une part, ils ont inventé le roman « naturaliste », avec Germinie Lacerteux ; de l’autre, ils ont mis à la mode une certaine manière de voir le monde : « Une chose très caractéristique de notre nature, c’est de ne rien voir dans la nature qui ne soit un rappel et un souvenir de l’art. Voici un cheval dans une écurie, aussitôt une étude de Géricault se dessine dans notre cervelle... » (Journal, 7 juin 1860.) Plus que leur œuvre, leur influence a sa place dans l’histoire de la littérature et du goût français, influence que perpétue, à juste titre, le plus grand prix littéraire français.

J. B.

 A. Delzant, les Goncourt (Charpentier, 1889). / P. Sabatier, l’Esthétique des Goncourt (Hachette, 1920) ; « Germinie Lacerteux » des Goncourt (S. F. E. L. T., 1948). / R. Ricatte, la Création romanesque chez les Goncourt (A. Colin, 1953) ; la Genèse de « la Fille Elisa » (P. U. F., 1960). / A. Billy, les Frères Goncourt. La vie littéraire à Paris pendant la seconde moitié du xixe siècle (Flammarion, 1954). / M. Sauvage, Jules et Edmond de Goncourt, précurseurs (Mercure de France, 1970). / E. Caramaschi, Réalisme et impressionnisme dans l’œuvre des frères Goncourt (Nizet, 1971).

Les prix Goncourt

1903

John-Antoine Nau, Force ennemie

1904

Léon Frapié, la Maternelle

1905

Claude Farrère, les Civilisés

1906

Jérôme et Jean Tharaud, Dingley, l’illustre écrivain

1907

Émile Moselly, Terres lorraines

1908

Francis de Miomandre, Écrit sur de l’eau

1909

Marius-Ary Leblond, En France

1910

Louis Pergaud, De Goupil à Margot

1911

Alphonse de Châteaubriant, Monsieur des Lourdines

1912

André Savignon, les Filles de la pluie

1913

Marc Elder, le Peuple de la mer

1915

René Benjamin, Gaspard

1916

Henri Barbusse, le Feu

Adrien Bertrand, l’Appel du sol

1917

Henri Malherbe, la Flamme au poing

1918

Georges Duhamel, Civilisation

1919

Marcel Proust, À l’ombre des jeunes filles en fleurs

1920

Ernest Pérochon, Nêne

1921

René Maran, Batouala

1922

Henri Béraud, le Martyre de l’obèse

1923

Lucien Fabre, Rabevel ou le Mal des ardents

1924

Thierry Sandre, le Chèvrefeuille ; le Purgatoire ; le Chapitre XIII d’Athénée

1925

Maurice Genevoix, Raboliot

1926

Henri Deberly, le Supplice de Phèdre

1927

Maurice Bedel, Jérôme 60° latitude Nord

1928

Maurice Constantin-Weyer, Un homme se penche sur son passé

1929

Marcel Arland, l’Ordre

1930

Henri Fauconnier, Malaisie

1931

Jean Fayard, Mal d’amour

1932

Guy Mazeline, les Loups

1933

André Malraux, la Condition humaine

1934

Roger Vercel, Capitaine Conan

1935

Joseph Peyré, Sang et lumières

1936

Maxence Van der Meersch, l’Empreinte du dieu

1937

Charles Plisnier, Faux Passeports

1938

Henri Troyat, l’Araigne

1939

Philippe Hériat, les Enfants gâtés

1940

prix réservé à un prisonnier ou à un déporté politique et décerné en juin 1946 à Francis Ambrière, les Grandes Vacances

1941

Henri Pourrat, Vent de mars

1942

Marc Bernard, Pareils à des enfants

1943

Marius Grout, Passage de l’homme

1944

Elsa Triolet, Le premier accroc coûte deux cents francs

1945

Jean-Louis Bory, Mon village à l’heure allemande

1946

Jean-Jacques Gautier, Histoire d’un fait divers

1947

Jean-Louis Curtis, les Forêts de la nuit

1948

Maurice Druon, les Grandes Familles

1949

Robert Merle, Week-End à Zuydcoote

1950

Paul Colin, les Jeux sauvages

1951

Julien Gracq, le Rivage des Syrtes

1952

Béatrice Beck, Léon Morin, prêtre

1953

P. Gascar, le Temps des morts, les Bêtes

1954

Simone de Beauvoir, les Mandarins

1955

Roger Ikor, les Eaux mêlées

1956

Romain Gary, les Racines du ciel

1957

Roger Vailland, la Loi

1958

Francis Walder, Saint-Germain ou la Négociation

1959

André Schwarz-Bart, le Dernier des justes

1960

prix non attribué après le refus de Vintila Horia (Dieu est né en exil)

1961

Jean Cau, la Pitié de Dieu

1962

Anna Langfus, les Bagages de sable

1963

Armand Lanoux, Quand la mer se retire

1964

Georges Conchon, l’État sauvage

1965

Jacques Borel, l’Adoration

1966

Edmonde Charles-Roux, Oublier Palerme

1967

André Pieyre de Mandiargues, la Marge

1968

Bernard Clavel, les Fruits de l’hiver

1969

Félicien Marceau, Creezy

1970

Michel Tournier, le Roi des Aulnes

1971

Jacques Laurent, les Bêtises

1972

Jean Carrière, l’Épervier de Maheux