Giraud (Henri) (suite)
Très mal vu par Laval*, il prend contact avec les Américains et, croyant recevoir le commandement des forces alliées en Afrique du Nord, il s’embarque secrètement le 5 novembre pour Gibraltar, où il rencontre Eisenhower*, puis de là pour Alger, où l’amiral Darlan* le met à la tête des forces françaises qui, le 19, reprennent en Tunisie le combat contre celles de l’Axe. Après l’assassinat de l’amiral (24 déc. 1942), Giraud, seul « personnage » disponible reconnu par les Américains, doit assurer la fonction de commandant en chef civil et militaire de l’Afrique française. Lui, qui, ignorant le monde politique, a pour seule devise « Un seul but, la victoire ! », se trouve donc contraint d’endosser l’habit d’un chef d’État.
Le 30 mai 1943, après de nombreuses tractations conduites par le général Catroux, Giraud (dont la famille a été déportée en Allemagne) est rejoint à Alger par de Gaulle* et devient avec lui coprésident du Comité français de libération nationale. Les jeux ne sont pas encore faits, mais Giraud se montre aussitôt peu capable de jouer et tâtonne avec amertume dans un brouillard politique dont il ne sait se dégager. Au cours de l’hiver, notamment lors du procès Pucheu, il voit disparaître une popularité déjà déclinante. De Gaulle, qui l’a jaugé dès leur première entrevue à Casablanca (janv. 1943), l’écarté implacablement de tout rôle politique dès le 27 septembre 1943, tout en lui laissant les fonctions de commandant en chef.
À l’actif de Giraud, il est juste de retenir trois faits remarquables : psychologiquement, une certaine réconciliation entre les Français ; matériellement, le réarmement des divisions françaises, qu’il arrache difficilement aux Américains lors d’un voyage aux États-Unis (juill. 1943) ; tactiquement, la reconquête de la Corse, qu’il prépare et réussit brillamment en septembre 1943.
Le 8 avril 1944, Giraud résilie ses fonctions de commandant en chef et refuse le titre d’inspecteur de l’armée. Revenu en France après avoir échappé à un mystérieux attentat à Mostaganem (2 sept. 1944), il a la joie de rentrer dans Metz, libéré le 26 novembre suivant. Député de Metz durant quelques mois en 1946, il se retire ensuite à Dijon, et c’est à l’hôpital de cette ville qu’à la veille de sa mort il reçoit la médaille militaire. « J’ai eu la vie que j’avais rêvée, avait-il écrit. Ce serait à recommencer que je recommencerais avec la même foi, la même ardeur, la même folie... » Le général Giraud, qui a laissé deux livres de souvenirs (Mes évasions, 1946 ; Un seul but : la victoire, Alger 1942-1944, 1949), est inhumé aux Invalides.
J. E. V.
P. Croidys, le Général Giraud (Spes, 1949).