Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Giotto (suite)

En 1334, Giotto est nommé surintendant des bâtiments de Florence. Il dresse les plans de l’élévation du célèbre campanile. En 1335-36, nous savons qu’il décore le palais d’Azzone Visconti à Milan. À sa mort, en 1337, Giotto est enterré avec les plus grands honneurs dans la cathédrale de Florence. De cette dernière décennie de sa vie, quelques retables nous sont seuls connus. Ainsi, le polyptyque dispersé avec la Vierge et l’Enfant (Washington) et les volets de Saint Étienne (Florence) et de Saint Laurent et Saint Jean l’Évangéliste (Paris, musée Jacquemart-André) témoigne de l’assouplissement du style de Giotto. Dans le polyptyque Baroncelli (église Santa Croce), représentant le couronnement de la Vierge, il insiste sur l’élégance des figures et sur la délicatesse du coloris. L’attribution du polyptyque Stefaneschi (Vatican) à Giotto lui-même pose le problème de l’ultime évolution de l’artiste, qui tend alors vers le gothique* international, dans un style « courtois » dont s’inspireront ses élèves.


Les élèves de Giotto

Les premiers « giottesques », comme le Maître des Vele d’Assise, auteur des fresques de la chapelle de la Madeleine en l’église inférieure d’Assise, ou le Maître florentin du retable de sainte Cécile (Offices), paraissent archaïsants. Taddeo Gaddi (mort à Florence en 1366) évolue dans un sens plus original. Ses fresques de la chapelle Baroncelli à Santa Croce (1332-1338) présentent un ton plus gracieux et plus naturaliste, dans la perspective finale de Giotto. Gaddi dépasse même son maître par l’emploi d’effets lumineux très audacieux. Maso di Banco, inscrit à la corporation des peintres de Florence en 1343, s’exprime avec un sens narratif encore jamais atteint dans ses fresques de la chapelle Bardi à Santa Croce. Il découvre les graduations de la lumière et de l’ombre, et son chromatisme, d’une exceptionnelle richesse, influencera Bernardo Daddi. Ce dernier († 1348) excelle dans les représentations narratives et pittoresques sur des panneaux de petit format. Son triptyque de la Vierge à l’Enfant (Offices), signé et daté de 1328, et celui du Louvre, vers 1335, ont déjà oublié les leçons spatiales et monumentales de Giotto. Quant à l’artiste identifié au Maestro Stefano de Vasari* par le professeur Roberto Longhi, il prélude directement au gothique international. Une poésie inédite émane de son Couronnement de la Vierge en l’église inférieure d’Assise ; dans ses fresques de l’église Santa Chiara, il définit un canon de beauté très pure, qui laisse présager le style européen de la fin du xive s.


Les disciples de Giotto dans la seconde moitié du xive siècle

La grande peste noire de 1348 creuse un fossé profond entre les deux moitiés du siècle. L’esprit franciscain s’efface devant l’essor des Dominicains. De nouveaux thèmes religieux apparaissent : la mort, le châtiment. L’esthétique de Giotto se perpétue encore, mais le niveau artistique baisse profondément. Andrea di Cione, dit l’Orcagna*, fait figure de chef d’école. Les fragments de sa fresque du Triomphe de la mort, en l’église Santa Croce, traduisent bien le climat psychologique d’alors. De nombreux aspects archaïsants, la suppression des recherches spatiales apparaissent dans l’art de son frère Nardo di Cione (connu de 1343 à 1366), auteur des fresques de la chapelle Strozzi à Santa Maria Novella, ou chez Jacopo di Cione (cité de 1365 à 1398), le moins inspiré des trois frères. Enfin, l’académisme froid et artisanal d’un Niccolo di Pietro Gerini (actif de 1368 à 1415) n’est plus d’aucun apport pour la tradition florentine. Giovanni da Milano (cité de 1346 à 1366 à Florence, en 1369 à Rome) enrichit la sensibilité gothique d’apports lombards, siennois et avignonnais : ceux-ci, ennoblis par la grande leçon florentine de Giotto, serviront de base au style gothique international. Giottino, fils de Stefano, travaille avec G. da Milano à Rome. Andrea da Firenze (connu de 1343 à 1377), auteur des décors de la chapelle des Espagnols à Santa Maria Novella, épuise la tradition de Giotto dans un académisme médiocre. Agnolo Gaddi († 1396), fils de Taddeo, Spinello Aretino (v. 1350-1410) ou Antonio Veneziano (actif de 1369 à 1388) tentent vainement de renouer avec l’esprit de Giotto. Renonçant à l’esthétique du gothique international, qui, d’ailleurs, a peu marqué Florence, Masaccio, premier peintre de la Renaissance au début du xve s., étudiera les fresques de Giotto et retrouvera leur monumentalité.

P. H. P.

 B. Berenson, Italian Pictures of the Renaissance, Florentine School (Londres, 1936 ; 2e éd., 1963, 2 vol.). / E. Battisti, Giotto (Skira, Genève, 1960). / G. Vigorelli, L’Opera completa di Giotto (Milan, 1966). / G. Previtali, Giotto e la sua bottega (Milan, 1967). / J. F. Ruffy, les Fresques de Giotto à l’Arena de Padoue (Payot, 1969).

Giraud (Henri)

Général français (Paris 1879 - Dijon 1949).


Saint-cyrien de la promotion Marchand (1898-1900), Giraud fut avant tout un grand soldat, fourvoyé par les événements de 1943 dans un rôle politique qui n’était pas le sien et qui le dévora. Quelque romantisme, un total désintéressement, une foi simple et communicative dans le destin de son pays expliquent le rayonnement de sa personnalité sur une notable partie de l’armée française aux heures difficiles de sa rentrée en guerre, à l’automne de 1942.

Le premier sommet de sa vie militaire date, après son évasion d’Allemagne (il avait été fait prisonnier à Guise en 1914), de sa brillante reconquête du fort de la Malmaison à la tête d’un bataillon du 4e zouaves le 23 octobre 1917. Le deuxième se situe durant la guerre du Rif en 1925, où, commandant le 14e régiment de tirailleurs algériens, il défend Taza avec un sens tactique très prononcé. Grièvement blessé, il revient au Maroc en 1926 et participe à la capture d’Abd el-Krim. C’est alors un colonel aux moustaches floconneuses, à l’allure incomparable ; la canne à la main, au repos comme au combat, il incarne l’armée française d’Afrique, élégante et baroudeuse ! Après un bref séjour à l’École de guerre comme professeur d’infanterie, il retourne à Bou-denib, où il commande brillamment les confins algéro-marocains (1931-1933) et réduit les dernières poches de dissidence au Tafilalet. Commandant la VIe région à Metz en 1936, il est, en 1939, à la tête de la VIIe armée, qu’il pousse, le 10 mai 1940, jusqu’à Breda, aux Pays-Bas. Mais, après la percée allemande sur la Meuse, il est retiré du Nord et remplace Corap à la tête de la IXe armée, alors en voie de dislocation. Son dynamisme eût peut-être pu rétablir partiellement cette situation bien compromise, s’il n’avait été lui-même fait prisonnier à Wassigny le 18 mai. De la forteresse de Königstein (Saxe), où il est interné, Giraud s’évade audacieusement le 17 avril 1942 et parvient à regagner la France libre.