géosynclinal (suite)
Ce type de sédiments rythmiques a d’abord été interprété comme un mouvement discontinu, mais certains ont pensé qu’il pouvait être continu, chaque rythme des cyclothèmes étant étroitement lié à des phénomènes climatiques, les périodes pluvieuses favorisant l’érosion nécessaire an dépôt des termes inférieurs du cyclothème. Quant à la cause de cet enfoncement, on a d’abord cru que le seul poids des sédiments était suffisant, mais on sait aujourd’hui qu’il n’en est rien ; il faut donc penser à une certaine mobilité du fond des bassins sédimentaires.
La notion de géosynclinal a d’abord été fondée sur des arguments d’ordre sédimentaire et orogénique, mais rapidement s’y sont ajoutées des considérations ayant trait au métamorphisme et au magmatisme.
L’évolution des idées
À l’origine, on pensait que les géosynclinaux correspondaient à des sortes de fosses au fond desquelles les sédiments étaient métamorphisés et granitisés, mais Émile Armand a montré que certaines chaînes pouvaient se former en dehors de telles zones par simple déformation des niveaux profonds (socle) et glissements disharmoniques des terrains sédimentaires superficiels (couverture). Hans Stille devait encore préciser leur organisation en distinguant un domaine miogéosynclinal, adjacent à un avant-pays sur lequel la chaîne était déversée, et un domaine eugéosynclinal, situé en arrière, ces deux domaines correspondant à ce que l’on a l’habitude d’appeler dans les chaînes alpines les zones externes et les zones internes. François Ellenberger a mis en évidence que, dans les Alpes françaises, le métamorphisme ne précédait pas la tectonique. Jean Aubouin enfin a essayé, dans les Hellénides d’abord, puis dans les chaînes alpines et dans les chaînes plus anciennes, de codifier toutes ces données éparses pour élaborer un cadre évolutif logique.
Les caractères des géosynclinaux
Pour J. Aubouin, un géosynclinal se compose de rides (zones de hauts-fonds allongées appelées aussi géanticlinaux) et de sillons, ou bassins allongés plus profonds, développés entre un avant-pays externe (aire continentale) et une aire océanique interne.
En partant de l’intérieur vers l’extérieur, on rencontre successivement : une ride tectonisée très tôt et charriée vers l’extérieur ; un sillon interne comportant des ophiolites (roches éruptives) et un flysch (sédiment rythmique constitué par la répétition sur de grandes épaisseurs de bancs alternativement gréseux et argileux) précoce, charrié, sur le domaine externe ; une ride externe charriée vers l’extérieur ; un sillon externe contenant un flysch tardif, plissé tardivement et s’étant peu déplacé.
Ainsi, dans les Alpes occidentales françaises, le sillon externe correspond à la zone dauphinoise, la ride externe à la zone briançonnaise et le sillon interne à la zone piémontaise.
L’évolution d’un géosynclinal comprend : une période géosynclinale, caractérisée d’abord par une sédimentation différenciée suivant les rides et les sillons, puis par une orogenèse progressant de l’intérieur vers l’extérieur ; une période tardigéosynclinale, pendant laquelle se déposent des faciès de comblement (les molasses) ; une phase postgéosynclinale, pendant laquelle jouent des failles généralement verticales.
Toutefois, ce schéma, établi à partir des Hellénides, n’a sans doute qu’une signification régionale. En effet, si ce schéma s’applique encore assez bien aux Alpes franco-italiennes, il est déjà très différent au niveau des Alpes suisses, où dans la paléogéographie s’ajoute un second sillon de schistes lustrés ; de même, certaines chaînes alpines, comme les cordillères Bétiques ou les chaînes d’Afrique du Nord, sont dépourvues des ophiolites caractéristiques du sillon interne.
Pour expliquer les chaînes dites « géosynclinales », il ne suffit plus aujourd’hui de l’étude de leurs caractéristiques pétrographiques et structurales, il faut tenir compte aussi des données apportées par la géophysique et les replacer dans un cadre plus vaste que celui, trop étroit, des zones continentales ; toute modification se produisant dans les océans se répercute en effet à la surface des continents et réciproquement.


P. C.
➙ Chaîne de montagnes / Orogenèse.
E. Argand, Tectonique de l’Asie (Congrès géologique internat., Liège, 1924). / J. Aubouin Géosynclines (Amsterdam, 1965).
