géomorphologie (suite)
• Caractériser la dynamique actuelle des formes. La difficulté essentielle réside dans la lenteur des processus morphogénétiques, en dehors de quelques manifestations catastrophiques (glissements de terrain, crues violentes...). Leur étude nécessite donc de patientes et minutieuses observations au moyen, par exemple, de repères disposés avec précaution sur des parcelles témoins ou de marquages permettant de suivre les matériaux dans leur déplacement. On se heurte cependant au fait que l’intervention du matériel risque de troubler les phénomènes naturels. D’autre part, les observations faites peuvent-elles être considérées comme significatives, dans la mesure où, les études portant sur un laps de temps nécessairement réduit à l’échelle géologique, il est peut-être hasardeux d’en déduire une appréciation à long terme ? En particulier, on accorde une grande importance aux seuils au-delà desquels les processus acquièrent une efficacité particulière : sera-t-on sûr, après des années d’observation, d’avoir atteint ces seuils ? C’est pourquoi on a recours aux expériences de laboratoire qui permettent d’accélérer les phénomènes et d’isoler l’influence d’un facteur dont on peut faire varier l’intensité. Toutefois, ces méthodes exigent encore plus de précautions pour que leurs résultats puissent être transposés à la réalité ; il est en effet très difficile de respecter les conditions naturelles, particulièrement la similitude des rapports entre phénomènes. Les méthodes de corrélation statistique, enfin, ont été appliquées avec un certain succès à l’étude des réseaux hydrographiques.
La meilleure expression synthétique de l’ensemble de ces recherches est la carte géomorphologique détaillée. Dressée avec l’aide de photographies aériennes sur un fond topographique précis, elle fournit tous les éléments propres à interpréter la genèse et la dynamique des formes. Elle constitue de ce fait un document d’un intérêt pratique évident pour les applications possibles de la géomorphologie.
La géomorphologie appliquée
Les catastrophes naturelles attirent de temps à autre l’attention sur les contingences du milieu. Peut-on les prévoir ? Peut-on s’en préserver ? Pour être moins perceptibles, les processus qui modifient insensiblement la surface du sol sont tout aussi importants ; en les méconnaissant, l’homme a parfois ruiné le potentiel mis par la nature à sa disposition (érosion des sols). Peut-on y remédier ? Peut-on définir les formes d’une exploitation raisonnée du milieu ?
À toutes ces questions, la géomorphologie peut apporter une réponse. Sa contribution est de plus en plus recherchée, aussi bien pour concevoir les aménagements ruraux et les techniques agricoles que pour choisir le tracé des voies de communication et en prévoir les infrastructures, ou pour maîtriser les eaux. Le recours à la géomorphologie est aussi souhaitable dans les études d’urbanisme et le choix des sites industriels. Enfin, en apportant la compréhension génétique des reliefs, elle fournit une aide efficace à d’autres sciences (pédologie par exemple) ainsi qu’à la prospection de gîtes miniers alluvionnaires.
Sans doute n’a-t-on pas attendu la géomorphologie pour procéder à des études dans tous ces domaines. Mais elle peut « combler une lacune des méthodes usuelles et apporter de nouveaux résultats qui accroissent la précision qu’on en peut espérer en ne les utilisant qu’à bon escient » (Jean Tricart).
R. L.
➙ Aplanissement / Aride (domaine) / Bassin sédimentaire / Calcaire (relief) / Chaîne de montagnes / Érosion / Glaciaire (relief) / Littoral / Périglaciaire (relief) / Socle / Structural (relief) / Tropicales (relief des régions).
P. Birot, les Méthodes de la morphologie (P. U. F., 1955). / M. Derruau, Précis de géomorphologie (Masson, 1956 ; 6e éd., 1971). / J. Tricart, l’Épiderme de la Terre. Esquisse d’une géomorphologie appliquée (Masson, 1962) ; Principes et méthodes de la géomorphologie (Masson, 1965). / R. W. Fairbridge (sous la dir. de), The Encyclopedia of Geomorphology (New York, 1968). / A. Reynaud, Épistémologie de la géomorphologie (Masson, 1971).
