Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

géomagnétisme (suite)

Signalons qu’une tendance actuelle est de mettre au point pour les observatoires ce que l’on a appelé un observatoire vectoriel, automatique, absolu, appareillage complexe construit autour d’un magnétomètre nucléaire absolu rendu « vectoriel », avec explicitation en « temps réel » de leurs indications, ce qui permet d’en analyser ultérieurement — grâce aux ordinateurs — tous les résultats.


Valeur, à une époque donnée, du champ fondamental ; cartes magnétiques

L’approximation du champ fondamental par le « doublet » de Gauss nous permet déjà de prévoir grosso modo sa répartition à la surface du globe terrestre et en altitude. Son module est environ deux fois plus grand aux pôles qu’à l’équateur, les valeurs absolues correspondantes — 0,630 gauss aux pôles (où le champ est alors supposé vertical) et 0,315 gauss à l’équateur (où il est horizontal) — déterminant le moment magnétique du doublet, donc de la Terre. On trouve ainsi pour ce moment M = 8 . 1025 u.e.m. C. G. S., soit 8 . 1022 A.m2 en unités M. K. S. A. Quand on s’élève en altitude, c’est la loi en 1/r3, r étant la distance au centre de la Terre, qui peut être appliquée si l’on néglige les anomalies pouvant exister au sol ou près du sol (elles s’estompent, pour la plupart, à quelques dizaines de kilomètres d’altitude), et si l’on ne s’approche pas trop des régions où des « effets externes » peuvent se manifester (ionosphère, magnétosphère).

Une approximation meilleure a été obtenue par les procédés de l’analyse sphérique.

Quoi qu’il en soit, les descriptions par la cartographie (cartes donnant les courbes d’« isovaleur » des principaux éléments — D [« isoclines »], H, Z, I, F — du champ) [fig. 4] ne sont valables que pour une époque déterminée, et la remise à jour de ces cartes se fait, en principe, tous les cinq ou dix ans, des corrections pouvant être faites par l’usager lui-même, entre-temps, grâce à des indications sur les « variations séculaires » de l’élément considéré, que portent la plupart de ces cartes.


Variations dans le temps

On consultera les articles archéomagnétisme et paléomagnétisme pour l’évolution ancienne du champ fondamental. Se rattachent également à ce champ la plupart des « variations séculaires » (d’une année à l’autre) mises à jour par les cartes. Par contre, la grande majorité des variations plus rapides sont attribuables à des causes extérieures à la surface du Globe. Citons-les sommairement :
— la variation diurne « Sq » (de l’anglais Solar quiet), qui est due aux effets de marées (solaire et lunaire) sur les portions de la haute atmosphère (couches D et E de l’ionosphère*), ionisées par les rayonnements solaires (elle peut atteindre 10′, 20′... sur la déclinaison, ce qui conduit à en tenir compte dans les « relèvements » magnétiques de précision) ;
— les variations transitoires accompagnant les « situations magnétiques perturbées », baies et orages magnétiques se traduisant par des courants et des perturbations ionosphériques, causées elles-mêmes par des perturbations solaires (faisant suite, notamment, à une ou plusieurs éruptions chromosphériques solaires) et de la magnétosphère* ;
— des variations plus rapides, représentées déjà dans les orages dont nous venons de parler, mais qui prennent souvent des formes pulsatoires plus ou moins régulières, d’où leur nom de pulsations magnétiques.

L’enregistrement et l’étude des divers types de pulsations constituent à l’heure actuelle un sujet important de recherche, conduite à la fois au sol et en satellites, car leur répartition dans l’espace qui nous entoure est en même temps assez cohérente et assez diverse pour pouvoir nous renseigner utilement sur certains des caractères physiques, stables ou instables, de cet espace.


Origine du champ magnétique terrestre ; champ magnétique d’autres « objets » célestes

L’idée de ramener cette origine aux propriétés des « pierres d’aimant » a dû être rapidement abandonnée : les roches douées d’aimantation peuvent être à la source des anomalies locales, mais ne sauraient expliquer ni les anomalies profondes (car les hautes températures détruisent l’aimantation) ni, surtout, la partie principale du champ fondamental (et ses variations séculaires). On s’est retourné vers l’hypothèse de courants électriques circulant dans le « noyau » du globe terrestre. Cette hypothèse a bénéficié des progrès faits dans l’étude des phénomènes hydromagnétiques, que l’on a alors appliqués à ce milieu très conducteur, et probablement dans un état physique (à pression et température très élevées) que l’on peut rapprocher d’un état liquide. Il en est résulté la théorie « dynamo » sur l’origine du champ terrestre, dans laquelle ce noyau est comparé à l’induit d’une dynamo « auto-excitée », un petit champ magnétique initial étant cependant nécessaire pour l’« amorçage » du système. Cette théorie, vérifiée par des expériences de laboratoire malheureusement schématisées à l’extrême, reste la voie suivie actuellement pour l’étude de ce sujet difficile (notamment si l’on veut rendre compte des variations séculaires, des renversements du champ dans les temps géologiques ou préhistoriques, etc.).

Rattachons à notre sujet quelques indications sur les champs magnétiques de la Lune (à peine décelables par les satellites lunaires), de Mars et de Vénus (tous les deux très faibles, ce qui surprend moins pour Vénus — dont la révolution est lente — que pour Mars), de Jupiter (dont l’aimantation paraît très forte) et enfin du Soleil*, dont il n’est pas toujours facile de distinguer le « champ d’ensemble » (qui serait d’une cinquantaine de gauss en surface) de l’action de l’ensemble de ses taches, dont chacune peut être le siège de champs de plusieurs milliers de gauss.

La découverte de la boussole

La vraie découverte n’est pas d’avoir construit l’instrument en rendant mobile autour d’un axe vertical un petit aimant (ou en le faisant flotter sur un peu d’eau), mais d’avoir reconnu la propriété générale, propre à notre Globe, d’orienter cet aimant. Cela ne semble s’être produit que vers la fin du Moyen Âge, alors que les aimants étaient connus depuis la plus haute antiquité. Ne soyons pas surpris qu’on n’ait pu déterminer les origines précises d’une découverte qui déroute par sa simplicité même : ni les légendes chinoises, ni l’étymologie du mot boussole (ital. bussola, « petite boîte »), ni ce que l’on sait des voyages lointains des navigateurs arabes du xiie s. ne permettent de l’attribuer avec quelque certitude aux contrées ainsi signalées à l’historien. Un point cependant reste sûr : le moine anglais Alexandre Neckam (1157-1217) en parlait vers la fin du xiie s. comme d’une chose déjà bien connue en Europe occidentale. En 1269, Pierre Le Pèlerin de Maricourt donnait la première description précise de l’instrument et de son fonctionnement. Taillant un aimant naturel en forme de sphère, il mettait en évidence ses pôles magnétiques (le mot est de lui). L’usage des boussoles s’est généralisé ensuite rapidement, mais la nécessité d’introduire un écart variable (déclinaison), suivant le lieu et l’époque, entre la direction donnée par l’aiguille aimantée et celle du « nord vrai » ne s’est dégagée que peu à peu, peut-être avec les voyages de Christophe Colomb ou les études, étonnamment rigoureuses pour l’époque, de William Gilbert (1544-1603), résumées dans son ouvrage De magnete... (1600). Avec lui commencèrent les mesures systématiques de la déclinaison, puis des autres composantes magnétiques. La première carte d’isogones, établie en 1703 (après quatre années d’un voyage entrepris dans ce dessein précis) par l’astronome anglais Edmund Halley, marque l’essor pris dans ce domaine.