Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

géologie (suite)

Les grandes étapes du développement de la géologie

La géologie n’a commencé à trouver sa doctrine propre qu’à la fin du xviiie s. Pendant longtemps, on n’a pas songé à chercher une évolution dans les paysages qui nous entourent et qu’on ne voit pratiquement pas évoluer à l’échelle humaine. Pendant longtemps, la Terre a été considérée comme une scène immuable.


De l’Antiquité au xviiie s.

Certes, quelques esprits curieux avaient été frappés dès l’Antiquité par certains faits, classiques maintenant. Xénophane avait bien remarqué la présence de débris de coquilles marines à des altitudes bien supérieures à celle du niveau actuel de la mer, mais s’était arrêté à la constatation du fait brut. Un peu plus tard, Hérodote* décrivait des éruptions volcaniques, des tremblements de terre et notait l’agrandissement du delta du Nil ; il semble qu’il fut le premier à évoquer le facteur temps pour expliquer l’ampleur des phénomènes naturels. À l’époque de la Renaissance, Léonard* de Vinci réaffirma que les fossiles* étaient les restes d’anciens organismes marins et que leur présence dans les terres émergées indiquait une certaine instabilité de l’écorce terrestre. Mais tout cela n’était qu’ébauches sans cohésion.


À l’époque de la révolution industrielle

L’éclosion de la géologie est liée au développement industriel. À ce moment, en effet, s’édifient les premiers hauts fourneaux à charbon, et la machine à vapeur devient d’un emploi courant. Il s’avère alors nécessaire de rechercher en grandes quantités des substances aussi utiles que le charbon ou les minerais métalliques.

C’est à cette époque que la géologie prend forme. En 1785 est publié un mémoire de James Hutton (1726-1797) intitulé Theory of the Earth. Ce médecin et chimiste d’Édimbourg y expose l’origine des roches : anciens sédiments marins accumulés par la destruction des continents et par l’accumulation de coquilles, mais aussi par les produits du volcanisme. Laissant de côté toute force inconnue, mystérieuse ou surnaturelle, il impute l’origine des roches à des causes naturelles observables, pas essentiellement différentes de celles que nous connaissons.

En 1801, Abraham Gottlob Werner (1750-1817), professeur à l’école des mines de Freiberg, en Saxe, écrit une Géognosie qui est la première ébauche de la géologie historique. Il définit en effet pour la première fois une échelle des temps géologiques avec la distinction par ordre d’ancienneté des « terrains primitifs », des « terrains de transition », des « terrains de sédiments » et des « terrains d’alluvions » ; cette classification ne s’éloigne pas tellement de notre division géologique en ères.

De 1815 à 1819, William Smith (1769-1839), qui réalisait en Angleterre le canal des houillères pour transporter le charbon de Cardiff à Londres, observe les superpositions de couches et les fossiles qu’elles contiennent.

À peu près à la même époque, Alexandre Brongniart (1770-1847), directeur de la Manufacture nationale de Sèvres, fait paraître avec Georges Cuvier* une série de mémoires consacrés aux formations (terrains tertiaires) de la région parisienne, qu’il sépare de la craie. Tous trois (Smith, Brongniart et Cuvier) ont sur des séries différentes reconnu que les faunes fossiles permettaient de définir les formations géologiques ; la stratigraphie était née.

Le début du xixe s. voit le développement de l’enseignement de la géologie avec la création de chaires dans les universités. Parallèlement se fondent en Angleterre d’abord (1807), puis en France (1830) des sociétés géologiques. Le premier traité de géologie (Principles of Geology) est publié en 1833 sous la signature du professeur anglais Charles Lyell.

Des levés géologiques systématiques sont ensuite entrepris en Europe et en Amérique du Nord, de nombreuses monographies régionales sont publiées, la pétrographie se développe avec l’emploi du microscope polarisant. Cet essor est dû aux grands travaux qui sont entrepris un peu partout à l’occasion de l’édification des réseaux de chemins de fer. Des tranchées profondes et des tunnels sont creusés, des sondages de recherches de minerais ou des exploitations de mines sont entrepris : ils font ainsi progresser la connaissance du sous-sol. C’est l’époque des géologues complets, qui connaissent aussi bien la paléontologie que la pétrographie (Edmond Hébert [1812-1890], Charles Lory [1823-1889], Jules Gosselet [1832-1916]). Quelques spécialistes de grand renom s’intéressent plus particulièrement à la paléontologie (Alcide Dessalines d’Orbigny [1802-1857]), à la pétrographie (Alfred Lacroix [1863-1948]), à la stratigraphie (Émile Haug [1861-1927]), à la tectonique avec Marcel Bertrand (1847-1907) [qui définit le premier les nappes de charriage], Pierre Termier (1859-1930), Émile Argand (1879-1940).


À l’époque actuelle

Actuellement existent deux types de géologues : les géologues de terrain et les géologues de laboratoire. Le terrain reste toujours la base et le fondement de tout travail et de toute recherche en géologie. Cependant, dans les pays civilisés, la masse de documents recueillis est considérable, et les pays industrialisés sont maintenant bien connus. Par contre, dans les pays en voie de développement, la géologie classique continue à progresser, et un effort considérable est fait pour établir des cartes géologiques. Cet effort devrait aboutir à une connaissance à peu près complète de tous les continents à la fin du siècle. Aussi, un effort de spécialisation a-t-il été entrepris, utilisant les techniques des autres sciences et des moyens d’investigation nouveaux ; ils permettent d’explorer plus à fond l’écorce terrestre. Par exemple, les séries sans fossiles apparents sont maintenant datées par la micropaléontologie ; la physique moderne permet de dater les roches éruptives et métamorphiques ainsi que celles qui sont antérieures à l’apparition des êtres vivants ; la géochimie permet de connaître les conditions de genèse des roches et de suivre leur évolution ; les progrès des méthodes géophysiques fournissent de nouveaux moyens d’exploration en permettant en particulier de découvrir des structures cachées sous les formations superficielles. Ainsi, le géologue généraliste se double souvent d’un spécialiste, et la géologie tend à passer d’une science individuelle à une science d’équipe.