Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

génie militaire (suite)

Dès le règne de Louis XIII, l’amorce de l’« arme » du génie était apparue sous la forme d’un certain nombre de mineurs mis à la disposition des ingénieurs pour les travaux de siège et la guerre des mines. Bientôt s’établit la distinction entre ces mineurs et les sapeurs, qui assuraient les travaux d’approche, mais la formation d’unités de sapeurs-mineurs ne remonte qu’à 1720, et il fut prévu, en 1729, qu’une compagnie de ce genre serait attachée à chaque bataillon d’artillerie. En 1755, on décréta que l’armée disposerait de deux compagnies de sapeurs et de six compagnies de mineurs, toujours rattachées à l’artillerie. Vingt ans plus tard, l’arme acquiert enfin son autonomie : le corps royal du génie est formé en 1776 ; ses ingénieurs ont alors rang d’officiers, c’est-à-dire droit au commandement. Il ne restait plus qu’à matérialiser la différence entre l’arme et le service : elle interviendra en 1828, et les lois militaires de 1875 achèveront de fixer une organisation qui n’a plus subi depuis de profonds changements.

La logique avait en outre voulu qu’on affecte au génie les matériels nouveaux, dont la mise en œuvre exigeait des aptitudes scientifiques. C’est ainsi que la compagnie d’aérostiers, créée en 1794 par Jean Marie Joseph Coutelle (1748-1835), fut rattachée au génie en 1798 : celui-ci conservera la responsabilité de l’aérostation, puis de l’aviation* naissante jusqu’à la Première Guerre mondiale. Les transmissions par fil, et plus tard sans fil, ainsi que les autres moyens de liaisons (optique, pigeon voyageur...) furent incorporés au génie jusqu’à la constitution, en 1942, de l’arme des transmissions*. Enfin, la mise en œuvre ou la création de voies ferrées, comme leur rétablissement en cas de destruction, amenèrent la création dans le génie d’unités spécialisées, dites « de sapeurs de chemin de fer » (il en existait dix-neuf en 1914).

Jusqu’à cette date, les autres formations du génie répondaient seulement à la qualification de sapeurs-mineurs, exception faite de quelques unités chargées de la mise en œuvre des ponts d’équipage. Mais les exigences de la guerre de tranchée, la généralisation de la guerre des mines, la nécessité de disposer de ponts capables de supporter les colonnes d’artillerie lourde et les chars de combat, l’importance prise par l’aménagement des communications routières à l’arrière du front, bref la complexité croissante des missions exigea la constitution de nouvelles unités spécialisées. Il leur manquait cependant un outillage mécanique susceptible d’économiser la main-d’œuvre et de gagner du temps.

C’est seulement entre les deux guerres mondiales qu’apparurent les groupes électrogènes et les compresseurs avec l’outillage de forage et d’abattage correspondant. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, le génie bénéficia des puissants matériels conçus par l’industrie américaine pour les travaux publics. On vit alors apparaître dans les formations les engins de terrassement (pelles mécaniques, dozers, scrapers, niveleuses, creuse-tranchées, etc.) et les appareils de levage et de transport de matériaux. On trouve aussi des engins mécaniques conçus à des fins spécifiquement militaires, tels que les chars lance-flammes, ou crocodiles, certains véhicules amphibies et les engins blindés spéciaux du génie destinés soit à faire des brèches dans les champs de mines, soit à rompre les murs en béton ou les réseaux antichars.

Les engins conçus par le colonel Jean Gillois (né en 1909) depuis 1960 constituent un ensemble de matériels capables d’assurer le franchissement discontinu ou continu de plans d’eau pour tous les véhicules et engins blindés de combat. Construits autour d’une même cellule, ce sont des véhicules automoteurs montés sur roues mais susceptibles de flotter et de naviguer. Ils peuvent donc se déplacer en tous terrains et passer directement en milieu aquatique, ce qui leur confère les qualités d’un ponton pourvu d’ailleurs de rampes d’accès. Ils se différencient seulement par leurs superstructures et comprennent des bacs automoteurs, qui, accouplés, peuvent porter les chars les plus lourds, et des engins « pont » (type travure ou rampe travure), qui permettent de construire très rapidement, soit un pont, soit des portières pour assurer un franchissement discontinu.

Reste à mentionner la création, dès 1935, du génie de l’air, qui assure l’aménagement de bases pour l’aviation militaire. Dissous en 1940, réorganisé en 1950, ce corps est commandé par un officier général de l’armée de l’air, mais est encadré par le génie. Mis en permanence à la disposition du service des bases aériennes, il effectue tous les travaux d’entretien, d’amélioration (terrassement, revêtement de pistes, parkings et taxiways), voire de création de bases. À cet effet, il est doté d’un outillage de terrassement et de stabilisation des sols particulièrement efficace. On notera enfin que la brigade de sapeurs*-pompiers de Paris a été rattachée au génie en 1965.

L’organisation moderne du génie

L’organisation du génie a évolué depuis 1945 dans le sens d’une diversification de plus en plus poussée, et ceci est la conséquence des progrès techniques.

• En tant qu’arme, il comprend des unités affectées organiquement soit aux forces de manœuvre, soit à celles du territoire. Les premières sont entièrement mécanisées comme les unités qu’elles appuient ; elles sont de plus capables d’agir en ambiance nucléaire dans de larges espaces. Elles comportent :
— les compagnies de génie de brigade, dotées de deux chars poseurs de ponts (avec 4 passages de 20 m pour des charges de 50 t) et de six véhicules de combat du génie (leur mission est notamment d’ouvrir ou d’interdire des itinéraires) ;
— les régiments de génie de division, qui disposent de deux compagnies analogues aux précédentes et d’une compagnie d’appui dotée d’engins mécaniques et d’engins Gillois pouvant constituer soit un pont flottant de 48 m pour des charges de 50 t, soit une portière de même classe ;
— le génie de corps d’armée, fort de quatre régiments (un de combat, un d’appui, doté de matériel lourd, et deux mixtes, rassemblant des unités de combat et des unités de franchissement).

D’autre part, l’arme du génie concourt largement à la défense du territoire tant par le réseau de ses organismes régionaux (au niveau de la division et de la région militaire) que par certaines formations (régiments ou bataillons) affectées aux zones de défense ou aux divisions militaires.