Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

génétique (suite)

La génétique moderne

À la suite des travaux de Mendel, principalement avec les études de T. Hunt Morgan (1866-1945) sur la Drosophile, on reconnaît que les caractères héréditaires sont sous le contrôle d’unités héréditaires que l’on appelle les gènes. Avec la découverte des chromosomes*, on admet que ces derniers sont les supports matériels des gènes, et, dès lors, le chromosome apparaît comme une structure constituée par une succession de gènes, un peu comme une succession de perles sur un collier. Dans la conception mendélienne du gène, il représente à la fois une unité de fonction, une unité de structure, une unité de mutation.

Unité de fonction, cela veut dire qu’il est responsable d’une fonction bien déterminée, c’est-à-dire d’un caractère génétique particulier, par exemple un groupe sanguin déterminé.

Unité de structure, cela veut dire que, lorsque le chromosome se casse pour se recombiner avec un autre chromosome, les cassures se produisent en dehors et non à l’intérieur des gènes.

Unité de mutation, cela veut dire que, lorsqu’un gène mute, il se transforme dans sa totalité.

Dès le début du siècle, en particulier avec les travaux de sir Archibald Garrod (1857-1936) en Angleterre, de Tatum et Beadle en Amérique, ainsi que d’Éphrussi en France, on est parvenu à la notion que la fonction du gène était d’assurer la synthèse d’une enzyme particulière. On sait qu’un organisme est formé essentiellement de protéines. Celles-ci constituent les structures fondamentales, qu’il s’agisse de l’os, du muscle, du nerf, etc. Mais on sait également que la vie dépend du métabolisme, c’est-à-dire de la transformation des aliments ingérés pour produire de l’énergie. Ainsi, lorsqu’un morceau de sucre est absorbé, il se transforme en eau et en gaz carbonique en libérant de l’énergie. Dans une bombe calorimétrique, cette combustion est possible directement, mais avec une libération de chaleur considérable. Elle est impossible dans un organisme vivant, qui pallie cette difficulté en dégradant le sucre par un grand nombre d’étapes successives. Or, ces étapes sont chacune sous le contrôle de protéines particulières qui sont les enzymes*. Celles-ci sont, elles-mêmes, sous le contrôle direct des gènes.

Les gènes sont donc, en définitive, responsables de la synthèse des protéines, qui comprennent deux types : les protéines de structure et les enzymes. Cette notion a été définie par la loi un gène - une enzyme.

Progressivement, au cours des vingt ou trente dernières années, la notion de gène mendélien a fait place à la notion du gène moderne. Cette évolution est due à la découverte de la structure de l’acide désoxyribonucléique, ou A. D. N., par Watson et Crick en 1954. On sait que l’A. D. N. représente le support du matériel héréditaire. Il est constitué par une longue chaîne spirale d’acide nucléique comparable à une échelle de corde enroulée autour d’un axe imaginaire (v. nucléique). Le gène unité de fonction devient un segment d’A. D. N. responsable de la synthèse d’une protéine donnée. Mais il n’est plus en même temps unité de structure et unité de mutation. En effet, lorsque le chromosome se casse pour se recombiner avec un autre chromosome, il peut se casser en n’importe quel point à l’intérieur du gène. De même, lorsqu’une mutation survient, elle peut survenir à n’importe quel site à l’intérieur du gène en affectant n’importe lequel des barreaux de l’échelle de corde.

Ces barreaux correspondent à des paires de bases puriques ou pyrimidiques : adénine-thymine, cytosine-guanine. Leur enchaînement constitue le message héréditaire. En effet, chaque gène est chargé d’assurer la synthèse d’une molécule protidique, ou, mieux, d’une chaîne polypeptidique donnée. Celle-ci est constituée par un enchaînement d’acides aminés qui sont au nombre de vingt : glutamine, lysine, arginine, etc. Les bases de l’A. D. N. sont au nombre de quatre. Comment un alphabet de quatre lettres peut-il spécifier vingt objets différents ? La réponse est fournie par le code génétique : chaque acide aminé est spécifié par une succession de trois paires de bases. Le message héréditaire est donc écrit avec un alphabet de quatre lettres et en mots de trois lettres.

La synthèse protidique proprement dite s’opère de la manière suivante. L’A. D. N. est contenu dans les chromosomes, donc à l’intérieur du noyau cellulaire ; or, la synthèse protidique a lieu dans le cytoplasme. L’A. D. N. synthétise donc « en contretype » un autre acide nucléique, ou A. R. N. messager. Celui-ci quitte le noyau, emportant inscrit dans sa structure le code génétique, et, dans le cytoplasme, il va servir de moule, de modèle à la synthèse protidique. Ce sont des structures cytoplasmiques particulières, les ribosomes, qui vont déchiffrer le code et assurer, par l’intermédiaire d’un A. R. N. de transfert, l’assemblage des acides aminés pour former la chaîne polypeptidique. Les chaînes polypeptidiques s’assemblent ensuite selon des structures secondaire et tertiaire pour constituer la molécule protidique proprement dite.

Si ce modèle permet de concevoir la synthèse de la structure des protéines, ce fut le mérite de François Jacob et de Jacques Monod de démontrer qu’il existe également un système de régulation génétique qui permet d’assurer cette synthèse « selon la demande cellulaire ». Les systèmes de régulation obéissent à des modèles complexes, faisant intervenir des groupes de gènes de structure ainsi que des gènes régulateurs et des gènes opérateurs. Ils agissent selon les lois, selon les principes de la cybernétique.

On peut, dès lors, concevoir le matériel héréditaire comme constitué par un message. Celui-ci est rédigé en mots de trois lettres assemblés en phrases, chaque phrase déterminant la structure d’une chaîne polypeptidique. Plusieurs phrases déterminent la structure d’une molécule protidique complète. Ces groupes de phrases ou de paragraphes sont, eux-mêmes, regroupés en chapitres qui correspondent aux systèmes de régulation. De nombreux chapitres, enfin, sont regroupés en volumes, et chaque volume correspond à un chromosome. On comprend dès lors comment des accidents peuvent survenir. Ils sont de deux ordres : 1o les mutations géniques ; 2o les aberrations chromosomiques. Les mutations géniques sont les erreurs de typographie ; elles correspondent à des erreurs portant sur des « lettres » ou sur des « mots » à l’intérieur des phrases qui spécifient la structure des protéines. Les aberrations chromosomiques sont, au contraire, des erreurs dues au relieur ; elles correspondent à des chapitres entiers qui ont été omis ou reliés en duplicata, ou bien à des tomes entiers qui ont été omis ou inclus en double ou en triple exemplaire. Leur connaissance date de la découverte fondamentale de J. Lejeune, en 1959, de la trisomie 21 (mongolisme). Elles constituent un chapitre nouveau de la pathologie humaine, la cytogénétique.

Les aberrations chromosomiques font l’objet d’un article particulier (v. chromosome) ; seules seront considérées ici les mutations géniques proprement dites.