Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

générative (grammaire) (suite)

Forme d’une grammaire générative et transformationnelle

La grammaire est formée de trois parties ou composantes :
— une composante syntaxique, système des règles définissant les phrases (grammaticales) permises dans une langue ;
— une composante sémantique, système des règles définissant l’interprétation des phrases générées par la composante syntaxique ;
— une composante phonologique et phonétique, système de règles réalisant en une séquence de sons les phrases générées par la composante syntaxique.

La composante syntaxique, ou syntaxe, est formée de deux grandes parties : la base, qui définit les structures fondamentales par des règles de réécriture de la forme A → φ B ψ, où φ et ψ sont nuls ; et les transformations, qui permettent de passer des structures profondes, générées par la base, aux structures de surface des phrases, qui reçoivent alors une interprétation phonétique pour devenir les phrases effectivement réalisées. Ainsi, la base permet de générer les deux suites (1) la + mère + entend + quelque chose, (2) l’ + enfant + chante (les mots ne sont ici que les représentants des symboles). La partie transformationnelle de la grammaire permet d’obtenir la mère entend que l’enfant chante et la mère entend l’enfant chanter. Il s’agit encore de structures abstraites, qui ne deviendront des phrases effectivement réalisées qu’après application des règles de la composante phonétique.

La base est formée de deux parties. La composante (ou base) catégorielle est l’ensemble des règles définissant les relations grammaticales entre les éléments qui constituent les structures profondes et qui sont représentés par les symboles catégoriels. Ainsi, une phrase est formée de la suite SN + SV, où SN est le symbole catégoriel du syntagme nominal et SV le symbole catégoriel du syntagme verbal ; la relation grammaticale est celle de sujet et de prédicat. Le lexique, ou dictionnaire de la langue, est l’ensemble des morphèmes lexicaux définis par des séries de traits les caractérisant (un complexe sémantique) : ainsi, le morphème mère sera défini dans le lexique comme un nom féminin, animé, humain, etc. Si la base définit la suite de symboles : Art + N + Prés + V + Art + N (Art = article, N = nom, V = verbe, Prés = présent), le lexique substitue à chacun de ces symboles un « mot » de la langue : la + mère + t + finir + le + ouvrage, les règles de transformation convertissent cette structure profonde en une structure de surface : la + mère + finir + t + le + ouvrage, et les règles phonétiques réalisent la mère finit l’ouvrage.

On a donc obtenu, à l’issue de la base, des suites terminales de formants grammaticaux (comme nombre, présent, etc.) et des morphèmes lexicaux ; ces suites sont susceptibles de recevoir une interprétation selon les règles de la composante sémantique. Pour être réalisées, elles vont passer par la composante transformationnelle.

Les transformations sont des opérations qui convertissent les structures profondes en structures de surface sans affecter l’interprétation sémantique faite au niveau des structures profondes. Les transformations, déclenchées par la présence dans la base de certains constituants, comportent deux étapes : l’une consiste en l’analyse structurelle de la suite issue de la base, afin de voir si sa structure est compatible avec une transformation définie ; l’autre consiste en un changement structurel de cette suite (par des opérations d’addition, d’effacement, de déplacement, de substitution) ; on aboutit alors à une suite transformée correspondant à une structure de surface. Ainsi, la présence du constituant « passif » dans la suite de base entraîne des modifications qui font que la phrase le père lit le journal devient le journal est lu par le père.

Cette suite va être convertie en une phrase effectivement réalisée par les règles de la composante phonologique (on dit aussi morphophonologique) et phonétique. Ces règles définissent les « mots » issus des combinaisons de morphèmes lexicaux et de formants grammaticaux, et leur attribuent une structure phonique. C’est la composante phonologique qui convertit le morphème lexical enfant en une suite de signaux acoustiques

La théorie générative doit fournir une théorie phonétique universelle permettant de dresser la liste des traits phonétiques et les listes des combinaisons possibles entre ces traits ; elle repose donc sur une matrice universelle de traits phoniques. La théorie doit fournir une théorie sémantique universelle susceptible de dresser la liste des concepts possibles ; elle implique donc une matrice universelle de traits sémantiques. Enfin, la théorie doit fournir une théorie syntaxique universelle, c’est-à-dire dresser la liste des relations grammaticales de la base et des opérations transformationnelles, capables de donner une description structurelle de toutes les phrases. Ces tâches de la grammaire générative impliquent donc l’existence d’universaux linguistiques à ces trois niveaux.

M. K. et J. D.

 N. Chomsky, Syntactic Structures (La Haye, 1957 ; trad. fr. Structures syntaxiques, Éd. du Seuil, 1969) ; Current Issues in Linguistic Theory (La Haye, 1964) ; Aspects of the Theory of Syntax (Cambridge, Mass., 1965 ; trad. fr. Aspects de la théorie syntaxique, Éd. du Seuil, 1971) ; Cartesian Linguistics. A Chapter in the History of Rationalist Thought (New York, 1966 ; trad. fr. la Linguistique cartésienne, Éd. du Seuil, 1969). / K. R. Popper, The Logic of Scientific Discovery (New York, 1959). / E. Bach, An Introduction to Transformational Grammars (New York, 1964). / N. Ruwet (sous la dir. de), la Grammaire générative, numéro spécial de Langages (Larousse, 1966) ; Tendances nouvelles en syntaxe générative, numéro spécial de Langages (Larousse, 1969). / N. Ruwet, Introduction à la grammaire générative (Plon, 1967). / S. A. Schane (sous la dir. de), la Phonologie générative, numéro spécial de Langages (Larousse, 1967). / J. Lyons, Introduction to Theoretical Linguistics (Cambridge, 1968 ; trad. fr. Linguistique générale. Introduction à la linguistique théorique, Larousse, 1970). / J. Dubois et F. Dubois-Charlier, Éléments de linguistique française (Larousse, 1970). / F. Dubois-Charlier, Éléments de linguistique anglaise. Syntaxe (Larousse, 1970) ; Éléments de linguistique anglaise. La phrase complexe et les nominalisations (Larousse, 1971).