Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

fusion (suite)

Surfusion

Quand on refroidit un liquide, il n’est pas rare de dépasser la température de solidification sans que celle-ci se produise : il y a retard à la cristallisation, et le liquide est en état de surfusion. C’est un état métastable, qui peut cesser par agitation ou par introduction d’un cristal du solide ; la température peut alors remonter jusqu’à tf. La surfusion est un phénomène général (alors qu’à l’inverse on n’observe pas de retard à la fusion), mais la tendance à garder l’état surfondu est variable suivant les corps : l’eau, le soufre, le phosphore blanc peuvent présenter une surfusion de plusieurs dizaines de degrés ; le glycérol (tf = 18 °C) peut, en l’absence de germes, rester indéfiniment en surfusion. Un liquide dont la surfusion est importante prend à basse température l’aspect d’un verre, par suite d’un énorme accroissement de sa viscosité ; dans cet état vitreux, le liquide surfondu contient de très petits germes cristallins, mais ceux-ci ne peuvent se développer ; un relèvement rapide de la température à une valeur peu inférieure à tf amène en général, par grossissement de ces germes, la dévitrification, c’est-à-dire la cristallisation.

R. D.


La fusion en métallurgie

Pour les métaux purs et certains alliages de compositions précises, tels que les eutectiques et les composés définis, ce changement de phase au chauffage se produit à une température constante (point de fusion) à la pression atmosphérique normale. Pour les alliages métalliques, la fusion apparaît progressivement dans un intervalle de températures. Des diagrammes d’équilibre des phases solides et liquides, pour des alliages binaires ou ternaires, ont été établis sous la forme de deux courbes : l’une, dite du solidus, définit le début de fusion, et l’autre, dite du liquidus, définit la fin de fusion. Suivant les objectifs métallurgiques, la fusion est conduite soit avec modifications chimiques, soit sans modification chimique.


Opérations de fusions avec modifications chimiques

Elles constituent la base de nombreux traitements d’élaboration des métaux à partir de leurs minerais. La fusion réductrice gouverne l’essentiel de la marche du haut fourneau en sidérurgie, par l’action de réducteurs, l’oxyde de carbone et le carbone (coke), sur le minerai de fer, ce qui conduit à l’obtention de la fonte, alliage de fer et de carbone, à l’état liquide. En aciérie, la conversion de la fonte en acier, par élimination de la majeure partie du carbone, est réalisée par la fusion oxydante. Suivant divers procédés, le carbone est oxydé et éliminé sous forme gazeuse d’oxyde de carbone : dans les convertisseurs Thomas ou Bessemer, la fonte liquide est oxydée par un courant d’air violent à la base des appareils ; dans les nouveaux procédés de convertissage, un courant d’oxygène pur est insufflé par une lance dans le bain de fonte ; dans les procédés sur sole, type Martin-Siemens, ce sont des produits oxydants tels que minerais ou battitures qui réalisent la conversion de la fonte.

De nombreuses métallurgies d’élaboration font appel à des procédés de fusion particuliers, tels que la fusion scorifiante (séparation de la gangue du minerai par formation de scorie siliceuse), la fusion sulfurante (formation de sulfure métallique par addition de gypse), la fusion carburante et la fusion avec réaction mutuelle entre deux composés (obtention du cuivre brut par réaction entre l’oxyde et le sulfure de cuivre).


Opérations de fusions sans modification chimique ou avec modification chimique mineure et secondaire

Elles sont utilisées dans l’élaboration et l’affinage des métaux soit pour enrichir un minerai dont la gangue plus fusible peut être éliminée, soit pour séparer dans un alliage deux phases de fusibilité différentes (procédé de liquidation ou de ressuage) ou deux métaux non miscibles à l’état liquide.

C’est en fonderie, pour la coulée des métaux purs ou pour l’élaboration des alliages à l’état liquide et la coulée des lingots ou des pièces moulées, que se pratiquent le plus couramment les fusions sans modification chimique. La préparation du lit de fusion, c’est-à-dire la constitution des charges à fondre, doit tenir compte de la nature des métaux et des alliages, de leur forme (lingots, gueuses, chutes, pièces récupérées, copeaux) ainsi que de leur état de propreté (absence de corps gras, de sable, de minéraux, d’humidité). Les quantités et les proportions de métaux dans les charges doivent compenser la « perte au feu » par réactions secondaires d’oxydation, de scorification et de volatilisation.

L’ordre de chargement des constituants et la conduite du cycle de chauffage jusqu’à la fusion obéissent à des impératifs parfois contradictoires : obtention d’une fusion rapide pour éviter ou limiter l’oxydation ou l’altération des charges ; chauffage progressif et maintien en fusion un temps suffisant avant la coulée pour permettre la diffusion des éléments et l’homogénéisation du bain ; souci de ne pas polluer le bain par réaction avec l’atmosphère (air, flammes), le garnissage de la sole du four, le creuset de fusion et la poche de coulée.

L’obligation de respecter toutes ces précautions pour l’élaboration d’alliages de qualité (aciers spéciaux pour roulements) ou de métaux réactifs (titane, zirconium, uranium) a conduit à la réalisation de procédés particuliers de fusion, tels que la fusion sous atmosphère protectrice d’azote ou d’argon, sous atmosphère raréfiée ou sous vide (basse pression de 0,01 à 3 mm de mercure) dans des fours à induction. La fusion à arc sous vide ou sous atmosphère est pratiquée par le procédé à électrode consommable, dans lequel l’électrode est constituée par le métal ou l’alliage à fondre, l’arc jaillissant entre cette électrode et la surface du bain.

R. Le R.

➙ Alliage / Coulée / Élaboration / Fonderie / Four.

 L. Guillet, Traité de métallurgie générale (J.-B. Baillière, 1922). / H. Le Breton, Pour le fondeur d’alliages légers (Dunod, 1955) ; Manuel pratique du fondeur de fonte (Dunod, 1966). / J. Boucher, A. Namin et J. Lainé, Initiation à la fonderie (Dunod, 1967).