Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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fusée (suite)

Performances des moteurs-fusées

Les poussées des moteurs-fusées varient, dans une très large gamme, en fonction des propergols et des débits massiques. L’un des plus puissants existant actuellement est le « Rocketdyne F-I », de 680 t de poussée, dont cinq exemplaires propulsent le premier étage du lanceur « Saturn V » ; ce moteur utilise comme propergols l’oxygène liquide et le kérosène. Dans le domaine des moteurs-fusées à poudre, on peut citer les boosters du premier étage d’un autre lanceur spatial américain, le « Titan III C », qui développent une poussée unitaire de 545 t ; ces moteurs comportent un bloc de poudre en plusieurs segments, dont la longueur est de l’ordre de 7 m.

Dans l’avenir, on peut encore espérer améliorer les performances des moteurs-fusées à propergols chimiques en recourant à des combinaisons plus énergétiques, comme celles qui utilisent le fluor en tant que comburant, avec par exemple de l’hydrogène liquide ou du lithium. L’emploi du fluor est malheureusement limité pour l’instant par sa toxicité élevée et par le fait qu’il attaque la plupart des matériaux constituant les réservoirs, les tuyauteries et autres organes. Les moteurs-fusées sont également utilisés sur les avions pour fournir un appoint de puissance lors du décollage ou pour permettre au cours du vol l’accélération nécessaire à un intercepteur dans l’accomplissement de sa mission. Dans le premier cas, il s’agit de moteurs à propergols solides comme les fusées J. A. T. O., largement employées dans l’aviation de transport militaire ; dans le second cas, ce sont plutôt des fusées à liquides, qui utilisent comme comburant de l’acide nitrique ou de l’eau oxygénée et comme combustible des alcools ou du kérosène.

Enfin, les moteurs de stabilisation de satellites ou de véhicules spatiaux ont souvent recours à la décomposition par la chaleur d’un composé chimique unique, appelé monergol.


Moteurs-fusées nucléaires et électriques

L’impulsion spécifique et par conséquent le rendement énergétique d’un moteur-fusée à propergols chimiques sont limités par l’énergie massique que peuvent libérer les meilleures combinaisons propergoliques. Aussi a-t-on cherché à concevoir de nouveaux propulseurs dans lesquels l’énergie de propulsion est distincte des fluides chargés de la véhiculer.


Propulseurs nucléaires

L’énergie calorifique dégagée par un réacteur nucléaire est transférée à un fluide, généralement de l’hydrogène, qui peut ainsi être porté à des températures très élevées et animé d’une vitesse nettement plus grande que celle des gaz d’éjection des fusées classiques, de l’ordre de 6 000 à 7 000 m/s. La firme américaine Aerojet développe le moteur « Nerva », qui délivre une poussée de 25 t pour une dépense d’énergie de 1 100 MW ; ce moteur pourrait être employé comme troisième étage du lanceur « Saturn V » à partir de 1977.


Propulseurs électriques

Ils utilisent comme fluide propulsif des particules électrisées qui sont accélérées par des champs électriques ou magnétiques. La vitesse d’éjection peut alors être très grande, mais le poids du générateur d’énergie électrique, nécessaire à l’accélération des particules chargées, en limite pour le moment les possibilités d’application. Celles-ci devraient s’accroître avec la mise en service de générateurs nucléaires de rendement amélioré. Les propulseurs électriques appartiennent à trois types : les propulseurs électrothermiques, les propulseurs ioniques et les propulseurs magnétohydrodynamiques ou à jet de plasma.

• Les propulseurs électrothermiques utilisent un fluide que l’on chauffe à très haute température à l’aide d’un arc électrique ; la décharge de l’arc entraîne une ionisation des atomes du gaz, l’énergie électrique étant transformée en énergie cinétique des particules ionisées, puis en énergie propulsive par l’intermédiaire d’une tuyère comme dans une fusée classique. Les vitesses d’éjection que l’on peut ainsi atteindre sont de l’ordre de 10 000 à 15 000 m/s avec des puissances électriques de plusieurs kilowatts. Les principaux problèmes technologiques portent sur la résistance thermique de la tuyère et sur la tenue des électrodes de l’arc électrique.

• Les propulseurs ioniques fonctionnent par l’éjection d’ions positifs obtenus par arrachement d’un ou de plusieurs électrons aux atomes d’un fluide propulsif, généralement de poids atomique moyen, comme celui du césium. Ces ions sont ensuite accélérés par des champs électriques. L’ionisation est obtenue en faisant traverser aux atomes une plaque de tungstène poreux chauffée à haute température. La poussée produite est théoriquement proportionnelle au carré du champ électrostatique accélérateur, mais, en fait, elle est limitée par le phénomène de charge d’espace, c’est-à-dire par la charge négative acquise par le moteur lorsqu’il émet des ions positifs ; cette charge crée un champ électrique opposé au champ accélérateur et contrecarre donc son action. On peut y remédier partiellement en injectant en arrière de la tuyère, dans le faisceau des ions, des électrons qui le neutralisent. Deux moteurs expérimentaux de ce type ont été placés sur orbite aux États-Unis par une fusée « Scout » et ont donné des résultats satisfaisants.

• Les propulseurs magnétohydrodynamiques utilisent un fluide éjecté entièrement ionisé et constitué par un mélange globalement neutre d’ions et d’électrons ; il n’y a donc plus de problème de charge d’espace. L’ionisation se fait par un champ électrique, et l’accélération par un champ magnétique perpendiculaire au précédent. Les forces accélératrices sont proportionnelles à la charge des particules, à leur vitesse et à l’intensité du champ magnétique. Les courants d’ions et d’électrons circulent en sens inverse sous l’effet du champ électrique, mais ils sont éjectés dans le même sens par le champ magnétique du fait de leurs charges contraires. Des vitesses d’éjection de plusieurs dizaines de kilomètres par seconde sont théoriquement possibles avec ce type de moteur, mais les problèmes technologiques à résoudre sont encore nombreux.

J. L.

➙ Astronautique / Carburant et comburant / Missile / Réaction / Turbine à gaz.

 J. Pellandini, les Fusées (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1958 ; 3e éd. Fusées et missiles, 1970). / C. Rougeron et J. Bodet (sous la dir. de). Fusées et astronautique (Larousse, 1965).