Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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fusée (suite)

Principes de la propulsion par fusée

Un moteur-fusée se réduit pratiquement à une chambre de combustion dans laquelle sont injectés un comburant et un carburant. La réaction de ces deux corps donne naissance à des gaz qui sont accélérés et éjectés à travers une tuyère en fournissant une poussée. L’ensemble du comburant et du carburant porte le nom de propergol. Le fonctionnement d’un tel moteur obéit, comme tout propulseur à réaction, au théorème des quantités de mouvement, qui permet d’exprimer la valeur de la poussée par le produit du débit-masse éjecté par la vitesse d’éjection. Dans le cas du moteur-fusée, le débit-masse éjecté est égal au débit de propergols. Mais la seule connaissance de la poussée ne permet pas de rendre compte du rendement énergétique du moteur, et plus particulièrement de ses propergols. Pour ce faire, on définit un second paramètre, l’impulsion spécifique, qui est le rapport de la poussée à la consommation spécifique ; ce paramètre, qui a les dimensions d’un temps, s’exprime en secondes et sert à comparer entre elles les diverses combinaisons propergoliques. Les meilleures sont évidemment celles qui présentent l’impulsion spécifique la plus élevée, puisque, pour une consommation donnée, elles créent la poussée la plus forte.


Classification des moteurs-fusées

On classe généralement les moteurs-fusées suivant la nature de leurs propergols ; c’est ainsi que l’on distingue les fusées à propergols liquides, les fusées à propergols solides et enfin les fusées à lithergols, dans lesquelles l’un des ergols est sous forme solide et l’autre sous forme liquide.


Les fusées à propergols liquides

Elles utilisent un comburant et un oxydant stockés dans des réservoirs séparés et introduits sous une pression élevée dans la chambre de combustion, où ils brûlent.

Le recours à l’hydrogène liquide est, cependant, limité par la très faible température d’ébullition de cet élément, qui nécessite un calorifugeage soigné des réservoirs, et par la faible densité de ce carburant, qui implique des réservoirs de grandes dimensions. Les moteurs à oxygène et hydrogène liquides, dits à propergols cryogéniques, ne se rencontrent donc que sur les étages supérieurs de lanceurs très puissants, comme « Saturn V ».

En revanche, la combinaison peroxyde d’azote-U. D. M. H. est très facile à mettre en œuvre et autorise le stockage des lanceurs une fois remplis, tout au moins pendant un temps limité.


Les fusées à propergols solides

Elles tirent leur énergie de la combustion d’un bloc de poudre dans lequel le comburant et le combustible sont intimement mélangés. On distingue en fait deux classes de propergols solides.

• Les propergols à double base, dans lesquels comburant et combustible sont associés à l’intérieur d’une même phase, sont généralement constitués d’un mélange en proportions variables de nitroglycérine et de nitrocellulose. Ils sont surtout adoptés pour les blocs de faible poussée.

• Les propergols composites sont constitués d’un mélange de deux phases distinctes. Le comburant est généralement un perchlorate alcalin (sodium, potassium ou ammonium), et le combustible un polyuréthanne. Dans les deux cas, on ajoute au bloc de poudre quelques additifs pour stabiliser la combustion.

Les blocs comportent la plupart du temps une cavité interne, et la propagation de la combustion s’effectue de l’intérieur vers l’extérieur, c’est-à-dire radialement et non pas longitudinalement comme dans une cigarette. La forme de la section détermine alors l’évolution de la poussée ; c’est ainsi que, pour avoir une poussée pratiquement constante, il faut une cavité à section en étoile. La coulée du bloc s’effectue directement à l’intérieur du propulseur, que l’on a préalablement revêtu sur sa paroi interne de protections thermiques destinées à limiter l’échauffement de la structure par les gaz de combustion. Les blocs de poudre les plus importants actuellement réalisés ont un diamètre de 6 m.


Les fusées à lithergols

Un lithergol est un mélange d’ergols dont l’un, généralement le comburant, se présente sous forme liquide et l’autre sous forme solide. Ces fusées ont, pour le moment, surtout donné lieu à des réalisations expérimentales. Elles combinent les avantages des deux types précédents, notamment une impulsion spécifique plus élevée et la possibilité d’extinction et de réallumage des fusées à liquides avec la mise en œuvre simplifiée des fusées à poudre. Les comburants sont l’acide nitrique ou l’oxygène liquide, et les combustibles des hydrures métalliques enrobés dans des matières plastiques.


Technologie des moteurs-fusées

Un problème général que l’on retrouve, quel que soit le type de moteur-fusée, est d’abord la protection thermique de la tuyère d’éjection, soumise au flux de chaleur élevé transmis par les gaz de combustion. Différentes techniques de refroidissement peuvent être utilisées. La plus simple consiste à faire s’écouler le long de la paroi un film liquide obtenu par injection, dans la région du col, d’un faible débit de carburant ou d’un liquide secondaire dans le cas de propulseurs à poudre ; ce film isole la tuyère du jet de gaz chauds tout en se vaporisant. Cette méthode n’est, cependant, pas suffisante pour les températures de combustion les plus élevées. On utilise alors la circulation du carburant à l’intérieur de la paroi même de la tuyère, constituée par un faisceau de tubes soudés les uns aux autres. Le carburant, après cette circulation, est introduit dans la chambre de combustion. Cette technique a été notamment adoptée sur le deuxième étage de la fusée « Saturn V ». Enfin, dans le cas de propulseurs à poudre, on utilise aussi le refroidissement par ablation, qui consiste en une décomposition progressive, avec absorption de chaleur, d’un revêtement spécial appliqué sur la paroi interne de la tuyère. Mais, même avec des techniques de refroidissement efficaces, il est intéressant d’utiliser des matériaux réfractaires pour la construction de la tuyère ; on a ainsi recours à des aciers spéciaux ou à du molybdène, cependant que le col, où les flux de chaleur sont les plus élevés, est généralement réalisé en graphite. Un autre problème, qui, cette fois, est spécifique des fusées à liquides, concerne l’alimentation en ergols de la chambre de combustion. Celle-ci peut se faire de deux façons : soit par pressurisation des réservoirs à une pression supérieure à la pression de combustion, soit par pompage à l’aide d’une turbopompe. La pressurisation s’obtient soit à l’aide de gaz froids comprimés, comme l’hélium, soit à partir de gaz chauds fabriqués dans un générateur utilisant la combustion de deux ergols liquides ou d’un bloc de poudre. La solution à turbopompes, assez complexe sur le plan technologique, ne s’impose que pour des débits d’ergols élevés. Dans ce cas, les pompes sont entraînées par des turbines alimentées par des générateurs auxiliaires utilisant les mêmes ergols que le moteur. Elles peuvent conduire à des puissances extrêmement élevées, comme sur le premier étage du lanceur « Saturn V », dont le groupe turbopompe développe 50 000 ch.