Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

François de Sales (saint) (suite)

Comment saint François de Sales conçoit la dévotion

Ceux qui ont traité de la dévotion ont presque tous regardé l’instruction des personnes fort retirées du commerce du monde, ou au moins ont enseigné une sorte de dévotion qui conduit à cette entière retraite. Mon intention est d’instruire ceux qui vivent ès villes, ès ménages, en la cour, et qui, par leur condition, sont obligés de faire une vie commune quant à l’extérieur ; lesquels bien souvent, sous le prétexte d’une prétendue impossibilité, ne veulent seulement pas penser à l’entreprise de la vie dévote, leur étant avis que, comme aucun animal n’ose goûter de la graine de l’herbe nommée palma Christi, aussi nul homme ne doit prétendre à la palme de piété chrétienne tandis qu’il vit emmi la presse des affaires temporelles. Et je leur montre que, comme les mères perles vivent emmi la mer sans prendre aucune goutte d’eau marine, et que vers les îles Chélidoines il y a des fontaines d’eau bien douces au milieu de la mer, et que les pirautes volent dedans les flammes sans brûler leurs ailes, ainsi peut une âme vigoureuse et constante vivre au monde sans recevoir aucune humeur mondaine, trouver des sources d’une douce piété au milieu des ondes amères de ce siècle, et voler entre les flammes des convoitises terrestres, sans brûler les ailes des sacrés désirs de la vie dévote. Il est vrai que cela est malaisé, et c’est pourquoi je désirerais que plusieurs y employassent leur soin avec plus d’ardeur qu’on n’a pas fait jusques à présent : comme, tout faible que je suis, je m’essaye par cet écrit de contribuer quelque secours à ceux qui, d’un cœur généreux, feront cette digne entreprise.
Préface à l’Introduction à la vie dévote.

A. R.

 Œuvres de saint François de Sales (monastère de la Visitation, Annecy, 1892-1965 ; 27 vol.). / M. Henry-Couannier, Saint François de Sales et ses amitiés (Mulhouse, 1922). / F. Trochu, Saint François de Sales (Lyon, Vitte, 1941-42 ; 2 vol.). / R. Kleinman, Saint François de Sales and the Protestants (Droz, Genève, 1962 ; trad. fr. Saint François de Sales et les protestants, Éd. du Chalet, Lyon, 1967). / E. M. Lajeunie, Saint François de Sales et l’esprit salésien (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1962) ; Saint François de Sales, l’homme, la pensée, l’action (Guy Victor, 1966 ; 2 vol.). / R. Devos, François de Sales par les témoins de sa vie (Gardet, Annecy, 1967).

François Xavier (saint)

Missionnaire jésuite espagnol (château de Xavier, près de Pampelune, 1506 - île de Shangchuan [Chang-Tch’ouan], au sud de Canton, 1552).



Jalons historiques

Cadet d’une famille terrienne de petite noblesse basque, François Xavier fut témoin des luttes fratricides qui préludèrent à l’annexion de la portion espagnole de la Navarre au royaume de Castille. Par mesure de représailles, le castillo de son père, don Juan de Jaso, seigneur de Xavier et conseiller à la cour voisine du Français Jean d’Albret, fut démantelé sous ses yeux et réduit à l’état d’une gentilhommière campagnarde très modeste.

Destiné, suivant l’usage, à faire carrière ecclésiastique, François s’en vint à l’université de Paris pour y conquérir ses grades. C’est dans ce milieu agité par l’humanisme de la Renaissance qu’il rencontra le grand « mouleur d’hommes » basque, Ignace* de Loyola. Il en devint la conquête avec plusieurs autres (vœux à Montmartre, 15 août 1534).

Le 15 novembre 1536, ayant obtenu le grade de maître ès arts, François quittait Paris pour retrouver à Venise Ignace en vue d’un pèlerinage en Terre sainte. La guerre de Venise contre les Turcs y mit obstacle. Les dix compagnons se mirent alors à la disposition du pape Paul III, qui les fit ordonner prêtres (24 juin 1537). Après quelque temps de ministère spirituel dans le nord de l’Italie, François Xavier avait rejoint à Rome Ignace de Loyola quand celui-ci reçut d’un ancien principal portugais du collège parisien Sainte-Barbe la demande d’un auxiliaire pour une population de pêcheurs nouvellement baptisés dans le sud de la péninsule indienne. Comme le premier compagnon désigné pour cette mission était tombé malade, Xavier fut pressenti inopinément par Ignace pour le remplacer. « Eh bien, c’est bon », répondit-il sur-le-champ.

Ainsi débuta, comme par surprise, une période de grands déplacements. Embarqué à Lisbonne le 7 avril 1541 (le jour de ses trente-cinq ans), François Xavier arrive à Goa le 6 mai 1542. Dès octobre suivant, il est chez les Paravers de la côte indienne de la Pêcherie. Durant près de trois années, il se partage entre eux, Cochin et ses environs, le collège de Goa. En août 1545, il part pour Malacca, et de là pour l’île d’Amboine et la région des Moluques. En 1547, il revient à Malacca et, après un bref retour à Goa, il se risque jusqu’au Japon (15 août 1549, Kagoshima). À la fin de 1551, il revient à Goa pour préparer la nouvelle expédition de la Chine. Le 24 avril 1552, il est à Cochin, en mai à Malacca, le 21 juillet à Singapour. Dans les îlots proches de la Chine méridionale où s’abritent les navires portugais, il est surpris par le froid de la saison et, durant la nuit du 2 au 3 décembre, sur l’île de Sancian (auj. Shangchuan), au sud de Canton, il meurt de fièvre lente et de consomption, veillé par le seul Chinois qui l’a accompagné depuis Goa.


Ses méthodes d’apostolat

Les lettres de François Xavier, promptement diffusées par l’imprimerie, ne tardèrent pas à créer autour de lui une légende, amplifiée par le désir de trouver en Extrême-Orient une sorte de contrepartie à la sécession protestante du catholicisme : plusieurs centaines de milliers de baptêmes, un million même, lui attribuait-on, alors que l’on pouvait en compter quarante mille au maximum, ce qui est déjà énorme quand on défalque des dix années de son séjour en Extrême-Orient le temps considérable des voyages.

Ce qu’il convient de préciser, c’est que François Xavier ne perdit jamais de vue un double apostolat, à la fois auprès des marins ou commerçants portugais et chez les néophytes autochtones. Disposant d’un personnel missionnaire très réduit, il s’efforça d’organiser une œuvre durable sur tous les points.

Toutefois, à juger son action par certains aspects, on est tenté de lui adresser de fortes critiques, et l’on n’y a pas manqué.

Le reproche le plus grave serait d’avoir semblé condamner à l’enfer tous les hommes qui n’étaient pas baptisés. C’était la conviction de son temps. « Xavier enseignait en bon chrétien la doctrine classique du salut des infidèles, mais il était souvent indigné par la mauvaise conduite des gens qu’il rencontrait, d’où ses réflexions indignées » (X. Léon-Dufour).