Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Alsace (suite)

Les conditions climatiques

Grâce à sa situation d’abri, l’Alsace connaît des précipitations plus faibles que le plateau lorrain. Certaines zones de la moyenne Alsace reçoivent même moins de 500 mm et forment des îlots de sécheresse. Celle-ci peut être inquiétante, certaines années, pour l’agriculture.

L’été, grâce aux fréquents orages, est la saison la plus arrosée, mais printemps et automne présentent encore des chiffres notables, indiquant des possibilités agricoles réelles. Le nombre moyen de jours de pluie est de 178 à Strasbourg et de 143 à Colmar. Le Haut-Rhin, dans son ensemble, à cause de la barrière des hautes Vosges, est plus sec que la basse Alsace. Si la répartition des précipitations indique déjà une tendance continentale, il en va de même pour le nombre de jours de gel : 73 à Strasbourg, 61 à Colmar. La neige est fréquente en Alsace ; rares sont cependant les hivers où son épaisseur dépasse 10-15 cm. L’Alsace est caractérisée plus par les types de temps que par les conditions moyennes exprimées par les chiffres. Les étés peuvent être chauds, étouffants, les hivers, par contre, très froids, marqués par des journées lumineuses, les basses températures pouvant durer plusieurs jours. Le printemps éclate brusquement, en avance sur la Lorraine voisine. L’automne peut être ensoleillé, assurant de bonnes vendanges, mais, certaines années, il est marqué par des pluies prolongées, qui se répercutent sur les récoltes. Par bien des aspects, l’Alsace annonce l’Europe centrale.


La population

Avec une densité de 183 habitants au kilomètre carré (Bas-Rhin : 184 ; Haut-Rhin : 181), l’Alsace dépasse largement la moyenne française (95), présentant ainsi des caractères propres aux pays rhénans.

La population féminine est numériquement plus importante : 106 femmes pour 100 hommes. Les moins de 20 ans groupent 32,5 p. 100 de la population totale, ceux de 20 à 65 ans 56,5 p. 100, et les personnes de plus de 65 ans 11 p. 100. La population active ne s’accroît que faiblement.

Si l’Alsace a passé pour une riche région agricole, la part de la population travaillant la terre ne cesse de diminuer (moins de 15 p. 100 dans le Bas-Rhin, 11 p. 100 dans le Haut-Rhin). L’industrie occupe 46 p. 100 de la main-d’œuvre. Le Haut-Rhin est nettement plus industrialisé, puisque la population active industrielle s’y monte à 53 p. 100, contre seulement 42 p. 100 pour le Bas-Rhin. Malgré l’importance du secteur industriel, les services sont bien représentés. Par bien des aspects structuraux, l’Alsace rappelle les pays voisins de Bade-Wurtemberg et de Suisse.


La vie agricole

L’étude de l’agriculture alsacienne ne peut guère être dissociée de celle de l’ensemble de la Rhénanie. Par les conditions physiques et les vicissitudes historiques, elles sont très voisines. Le fossé rhénan a connu une vie agricole précoce. Les riches terres à lœss ont été tôt cultivées en céréales, les collines sous-vosgiennes étant colonisées par la vigne. Seuls le Ried et la Hardt se sont éveillés tardivement à l’agriculture. L’assolement triennal classique a été battu en brèche dès le xviiie s. Le Kochersberg et l’Outre-Forêt l’abandonnèrent en partie, cette dernière pour un assolement biennal à base de froment. Cette spécialisation permettait d’obtenir de plus gros rendements. Luzerne, trèfle, sainfoin, betteraves, choux, pommes de terre, navets, mais commencèrent à être plantés sur la sole habituellement laissée en jachère. L’élevage des bovins, qui reposait jusque-là sur le pacage des communaux, des chaumes et des jachères, se fit désormais à l’étable. La fumure de ferme, soigneusement recueillie, permit d’améliorer les terres. Cette révolution agricole plaça l’Alsace parmi les provinces françaises les plus avancées au xviiie s. Il est vraisemblable que les progrès agricoles remarquables furent la conséquence d’un rapide accroissement démographique à partir du xviiie s. Les innovations incombèrent à une paysannerie moyenne, propriétaire de ses terres ; l’emprise bourgeoise et nobiliaire a toujours été moindre en Alsace qu’en Lorraine.

La surcharge démographique des campagnes alsaciennes est à mettre en relation avec le morcellement des parcellaires et la prédominance de la petite propriété. Le Kochersberg est la seule région à avoir pratiqué le droit d’aînesse ; jusqu’à une date récente, la moyenne des propriétés y était plus grande qu’ailleurs.

L’agriculture alsacienne est marquée par la prédominance d’une polyculture intensive, orientée vers la production de plantes commerciales : betterave à sucre, houblon, tabac. Seules les collines sous-vosgiennes sont spécialisées exclusivement dans la viticulture.

La forêt, qui occupe environ 35 p. 100 de la superficie totale, est confinée dans deux régions : Vosges et basse vallée du Rhin (Ried et Hardt). Ailleurs, dans la plaine, le paysage ouvert, ou openfield, domine. Les labours occupent plus de 60 p. 100 de la surface agricole ; ils sont principalement consacrés aux céréales (blé, orge, maïs). Toutefois, plantes sarclées, cultures fourragères et industrielles occupent une surface presque égale à celle de l’ensemble des céréales. Par les revenus, les cultures commerciales jouent un rôle essentiel. Les assolements traditionnels sont remplacés par des assolements plus complexes (rotations quinquennales, prairies temporaires, etc.). L’élevage bovin ne cesse de progresser. Les races autochtones disparaissent au profit des grandes races européennes (pie rouge, pie noire, charolaise). La sécheresse de la moyenne Alsace, cependant, est un frein à cette évolution et fait que le Bas-Rhin est davantage tourné vers l’élevage que le Haut-Rhin.

Cependant, la polyculture alsacienne est en rapide voie de régression. La culture de la betterave à sucre se maintient grâce à la présence de la raffinerie de sucre d’Erstein. Mais elle n’échappe pas à l’évolution des cultures commerciales, qui ont fait l’originalité de l’Alsace. Le houblon souffre de la concurrence des houblons bavarois et tchèque, à laquelle tente de remédier le groupement des producteurs en une coopérative au niveau régional (COPHOUDAL), pour maintenir une production qui a été à l’origine d’une branche industrielle importante : la brasserie. Le tabac est enfin la culture qui a le plus reculé.