Franche-Comté (suite)
En revanche, l’architecture civile, qui s’ébauchait au xve s. (maison du cardinal Jouffroy à Luxeuil), adopte très vite au xvie un italianisme classique, lui aussi, plutôt sévère. En dehors de Besançon* (palais Granvelle, etc.), plusieurs villes comtoises, Dole, Luxeuil, Montbéliard et surtout Gray (avec l’hôtel de ville de l’architecte Pierre Arnoux), offrent de bons exemples de cette Renaissance comtoise, qui ne pénètre qu’exceptionnellement dans les églises (bel ensemble du sculpteur Claude Arnoux, dit Lulier, de Gray, à la chapelle d’Andelot dans l’église de Pesmes).
Le xviie s. est dans une large mesure, en Franche-Comté comme en Lorraine, l’ère des calamités. C’est seulement la réunion définitive à la France qui ouvre une ère de reconstruction, et l’on peut considérer le xviiie s. comme un second âge d’or. Sans négliger l’importance et souvent la beauté des ouvrages d’architecture militaire destinés à la défense de la nouvelle province (citadelle de Besançon, fort de Joux près de Pontarlier), on doit insister sur une double activité : reconstruction des églises et développement de l’urbanisme.
Les trois quarts des églises comtoises actuelles appartiennent à la période qui s’étend de la fin du xviie s. au début du xixe. Le baroque y succède presque sans transition au gothique, et la série des églises de Besançon permet de suivre son évolution jusqu’au néo-classicisme Louis XVI. On relève quelques notes caractéristiques : fréquence des églises à trois nefs égales, du type des Hallenkirchen allemandes (Mouthe) et des façades entre deux tours (Saint-Christophe de Belfort) ou à clocher-porche élancé (Saint-Georges de Vesoul) ; vogue d’une sorte de dôme polygonal, parfois bulbeux, coiffant les clochers carrés ; enfin et surtout qualité exceptionnelle des décors intérieurs de bois, dus à des ateliers locaux comme celui des Rosset à Saint-Claude et s’échelonnant du rococo du milieu du siècle (Champagnole) au néo-classique de la Restauration (Fort-du-Plasne).
Une grande partie de ces églises appartiennent au haut Jura, à des localités périodiquement détruites par l’incendie, et qui furent restaurées et urbanisées au cours du xviiie s. Le cas le plus spectaculaire est celui de Pontarlier, avec sa Grande-Rue dotée d’un arc de triomphe en l’honneur de Louis XV. Mais, dans toute la Comté — sans parler bien sûr de Besançon —, des villes principales (Lons, Poligny, Baume-les-Dames) et des bourgades anciennes (Moirans, Arinthod, etc.) prennent à cette époque un style homogène. Rues larges, parfois sinueuses, bordées souvent de maisons à arcades (Lons) et à hautes toitures de tuiles brunes : ensembles harmonieux que rehaussent en général des édifices publics, fontaines, hôtels de ville (Salins, Montbéliard, etc.), hôpitaux souvent précédés de grilles monumentales (Besançon, Lons), salines et établissements thermaux (Luxeuil). Une curieuse tentative d’urbanisme fut, d’autre part, celle de la « ville des salines » en forêt de Chaux (aujourd’hui Arc-et-Senans), conçue par l’architecte Ledoux (v. visionnaires [architectes]) : leur récente restauration permet d’apprécier toute la majesté des quelques bâtiments dont la construction fut menée à bien.
Au xixe s., la Comté devait inspirer l’un des plus grands peintres français : le sévère paysage des côtes qui dominent Ornans et la vallée de la Loue sert de fond au chef-d’œuvre de Courbet*, cet Enterrement (Louvre) où revit, avec une grandeur triste, toute la société d’une bourgade provinciale de la Comté en 1850.
P. G.
➙ Belfort (Territoire de) / Belfort-Montbéliard / Besançon / Bourgogne / Doubs / Jura / Saône (Haute-).
A. Rousset, Dictionnaire géographique, historique et statistique des communes de Franche-Comté (Besançon, 1853 ; réimpr. libr. Guénégaud, 1969). / L. Febvre, Philippe II et la Franche-Comté (Champion, 1911 ; nouv. éd., Flammarion, 1970) ; Histoire de la Franche-Comté (Boivin, 1912). / L. Renard, la Franche-Comté : histoire et civilisation (Impr. Jacques, Besançon, 1943). / L. Cornillot, M. Piquard, G. Duhem et G. Gazier, Visages de la Franche-Comté (Horizons de France, 1945). / M. Chevalier, Tableau industriel de la Franche-Comté, 1960-1961 (Les Belles Lettres, 1962). / R. Tournier, les Églises comtoises et leur architecture (Picard, 1954) ; l’Architecture de la Renaissance et la formation du classicisme en Franche-Comté (Les Belles Lettres, 1964). / M. Grosperrin, l’Influence française et le sentiment national français en Franche-Comté, de la conquête à la Révolution (Les Belles Lettres, 1967). / L. Lerat, J. Brelot et R. Martin, Histoire de la Franche-Comté (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1969). / Colonel Rémy, Histoires de Franche-Comté (Perrin, 1969). — On peut également consulter les revues Économie et réalités franc-comtoises et Présence de la Franche-Comté.