Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Franche-Comté (suite)

Si beaucoup de villages de Franche-Comté ne peuvent se soustraire à la mainmorte, d’autres obtiennent leur affranchissement. Les villes aussi : Besançon, longtemps cité impériale et épiscopale entre 1220 et 1435. Des institutions se mettent en place : bailliages, états, parlement, mais Philippe II d’Espagne et les archiducs-gouverneurs introduisent des habitudes d’absolutisme qui pèsent sur une population d’environ 80 000 feux en 1632.

La conquête française se fait en trois temps, dont l’effroyable guerre de Dix Ans (1635-1644). En 1678, à Nimègue, la Franche-Comté est réunie à la France. L’envahissent plus tard : les coalisés de 1814-15, les Prussiens de 1870-71 (désastre de l’armée de l’Est), les Allemands de 1940, que chassent les Américains en 1944 (à signaler un important maquis franc-comtois). La Révolution, d’abord bien accueillie, y exaspère les passions religieuses (la « Petite Vendée ») et suscite dans le Jura une insurrection girondine. Au pays, elle vaut sa division en trois départements — Doubs, Jura, Haute-Saône et l’annexion de Montbéliard (1793) —, à nos armées des chefs, à tous Rouget de l’Isle.

Sous l’Ancien Régime, la métallurgie au bois connaît un essor national. L’horlogerie, importée de Suisse, demeure un élément sûr de prospérité dans le haut Doubs et à Besançon (Lip, Kelton, etc.). Les manufactures Peugeot, au pays de Montbéliard, évoluent vers la mécanique. Des centres comme Tavaux (produits chimiques) et d’autres non négligeables s’y ajoutent. Elevage bovin et industrie fromagère font reculer l’agriculture. Des routes et des chemins de fer modifient les axes de circulation, dont la voie Paris-Milan. Au xviiie s., les villes ont grandi et se sont embellies, mais leur croissance ne s’est poursuivie qu’à un rythme assez lent jusqu’à 1950. Dans les campagnes, on assiste à une dépopulation (871 000 en 1950 contre 912 000 en 1861). De la vie de l’esprit favorisée par une université, des sociétés savantes, des musées et diverses initiatives témoignent C. F. Jouffroy d’Abbans, Cuvier*, Pasteur*, Désiré Dalloz, Théodore Jouffroy, le philosophe, les frères Lumière*, Chardonnet de Grange, Gustave Courbet*, Albert Mathiez et Lucien Febvre (Victor Hugo ne fut qu’accidentellement bisontin), sans parler de Pierre Weiss, d’Édouard Clerc, d’Auguste Castan, de Xavier Marmier, de Louis Pergaud, de Marcel Aymé. La politique a toujours été ardente en Franche-Comté. Si la montagne vote de préférence à droite, le Jura a donné Jules Grévy* ; et il faut penser aux premiers socialistes d’origine franc-comtoise, Charles Fourier* et son émule Victor Considérant, Joseph Proudhon* surtout.

M. R.


La constitution de la région

Comme beaucoup de provinces françaises, la Franche-Comté est née à la fois d’un relatif isolement et du carrefour des grandes voies qui la traversaient — voies qui mènent des pays de la Meuse ou de la Seine au Plateau suisse et en Italie, voies qui mettent en relation le monde rhénan et le monde rhodanien. La cité des Séquanes correspond assez bien à la région actuelle, qui a gardé durant presque tout le Moyen Âge son autonomie en tant que comté de Bourgogne, cependant que la date tardive de l’annexion par la France renforçait le sentiment d’unité.

La région de programme actuelle incorpore, au-delà de l’ancienne province, l’ancien comté de Montbéliard, très vite gagné à la Réforme et qui constitue le seul pays luthérien de langue française, et Belfort, détaché de l’Alsace au moment du traité de Francfort (1871).

Dans le cadre de l’économie traditionnelle, la région souffrait de la médiocrité de ses sols et de la rigueur de son climat. Les dévastations de la guerre de Trente Ans en ont fait une zone démographiquement déprimée. L’ensemble ne manquait cependant pas d’atouts : la diversité climatique due à l’altitude et à l’exposition permettait le développement d’activités complémentaires, et les grains de la plaine, les vins de la bordure de la chaîne s’échangeaient contre les produits d’élevage de la montagne. Le sel du Saulnot, de Salins, de Lons constituait une richesse essentielle, cependant que les minerais de fer superficiels et l’abondance du bois avaient fait naître une métallurgie active en Haute-Saône et dans la région de Montbéliard. Malgré de vieilles traditions urbaines, les villes étaient assez médiocres, à l’exception de Dole et de Besançon.

Il est peu de régions françaises dont l’équilibre ait été aussi considérablement perturbé par l’ouverture sur l’extérieur et la révolution industrielle. Dès l’époque de la Restauration, la voie fluviale et le canal agissent pour renforcer des spécialisations (la plaine de Gray vend ses grains au Midi) ou ruiner certaines cultures (le vignoble bisontin par exemple). Après 1850, l’évolution se précipite : la sidérurgie au bois périclite ; la baisse des prix des grains fait triompher partout l’élevage. Ce qui sauve la région est le succès de ses industries nouvelles, qui naissent de l’exemple suisse. Cela explique la fortune de Montbéliard, vite ouverte, grâce au protestantisme, sur le monde helvétique, et celle des régions frontalières proches des foyers de transformation du pays neuchâtelois et du Genevois. L’industrie textile vient de Mulhouse. La défaite de 1871 se traduit par l’installation de milliers d’Alsaciens, qui renforcent dans le nord-est de la région (Belfort et Montbéliard en particulier), et dans les villes importantes comme Besançon, les impulsions antérieures.

Ainsi s’est créé le visage économique classique de la province : l’agriculture est marquée par la prédominance d’un élevage laitier, dont le produit est vendu sous forme de fromages, fabriqués dans les fruitières qui ont essaimé de la montagne vers les plateaux périphériques. La forêt complète les ressources du monde rural et constitue, en altitude, un des plus beaux boisements d’Europe occidentale. Pour le Franc-Comtois, l’image de la province est associée à celle des futaies de résineux, des pâturages, où se pressent des vaches montbéliardes, et des clochers-bulbes, qui rappellent l’ampleur des destructions et des reconstructions au moment de la guerre de Trente Ans. L’industrie est présente sur la couronne périphérique : légère, tournée vers des produits de qualité, elle est surtout connue par l’horlogerie ou les produits du haut Jura (lunetterie et travail du diamant et des pierres).