Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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France (suite)

Le temps des crises (1885-1899)

• 1885-1889 : la crise boulangiste. Autour du général Boulanger* se cristallise une opposition hétéroclite (« syndic des mécontents ») qui éclate en janvier 1889 quand le général, élu triomphalement à Paris, hésite à marcher sur l’Élysée. Les élections de 1889 marquent le triomphe des républicains.

• Début du ralliement des catholiques à la république (rôle du cardinal Lavigerie*) ; Léon XIII recommande le ralliement (1892). Le nombre des députés socialistes augmente (Jaurès*, Millerand*).

• Les modérés à la présidence de la République (Casimir-Perier, Félix Faure) et au gouvernement, presque sans interruption : politique d’apaisement dans la lutte anticléricale, protectionniste (loi Méline de 1892), hostile à tout programme social.

• Décembre 1888 - mars 1893 : affaire de Panamá*, qui élimine certains (Clemenceau provisoirement) et renouvelle le personnel au pouvoir (Poincaré, Barthou, Delcassé).

• Mars-juin 1894 : attentats anarchistes (assassinat de Sadi Carnot* à Lyon, en juin 1894).

• 1894-1899 : Affaire Dreyfus*. Conséquences : agitation nationaliste et antisémitique croissante ; formation du « Bloc des gauches ».

• Sur le plan extérieur, la France sort de son isolement grâce à l’alliance franco-russe (1891-1894).


Les idéologies

• Le nationalisme reçoit une doctrine avec Maurras* (Enquête sur la monarchie, 1900-1909).

• Le socialisme* s’unifie progressivement autour du marxisme, avec Jules Guesde* ; Jean Jaurès*, son leader après 1893, réfléchit sur la place historique du socialisme en France, par rapport à 1789, et analyse la lutte des classes en mettant l’accent sur l’effort humain.

• Le radicalisme* devient une doctrine avec Léon Bourgeois.

• Le second catholicisme* social — celui-ci des « gentilshommes » Albert de Mun et R. de La Tour du Pin — s’efforce, malgré ses faibles effectifs, de donner une solution chrétienne au problème social. La démocratie* chrétienne veut allier l’idéal évangélique aux principes républicains ; mais la condamnation du Sillon en 1910 lui porte un coup très dur.


La république radicale jusqu’en 1919

Le Bloc des gauches (1899-1905)
Dans un mouvement de défense républicaine après l’Affaire Dreyfus se forme le Bloc des gauches, qui a le pouvoir jusqu’en 1905 et pratique une politique résolument républicaine et anticléricale (ministères Waldeck-Rousseau [1899-1902] et Combes [1902-1905]).
Juillet 1901 : loi sur les associations ; les congrégations religieuses devront être autorisées ; seules celles qui le seront pourront enseigner.
Mai 1902 - juillet 1904 : série de mesures anticléricales, dont la dernière est l’interdiction de l’enseignement à toutes les congrégations. Rupture avec le Saint-Siège (juill. 1904).
Novembre 1904 : affaire des fiches, provoquant la chute de Combes (janv. 1905).
9 décembre 1905 : loi sur la séparation de l’Église et de l’État, votée sur le rapport d’A. Briand* ; refusée par Pie X et par les catholiques, elle est appliquée par Clemenceau.
En politique extérieure, l’événement capital est l’établissement, grâce à Delcassé*, de l’entente cordiale franco-anglaise (1904).

La rupture du Bloc et l’opposition socialiste (1906-1914)
Après la création du parti socialiste unifié (avr. 1905), les socialistes (Briand*, Jaurès) se séparent des radicaux (sauf pour les élections de 1906).
Octobre 1906 - juillet 1909 : ministère radical de Clemenceau.
1907 : grèves de fonctionnaires, agitations viticoles dans le Midi, que Clemenceau maîtrise par la force. L’opposition socialiste juge insuffisantes les réformes sociales (journée de 8 h pour les mineurs).
1909-1914 : instabilité ministérielle. La représentation proportionnelle n’aboutit pas. La loi militaire de trois ans (juill. 1913) remplace celle de deux ans (1905).
Sur le plan extérieur, la période est dominée par la menace pangermaniste (Guillaume* II), révélée par les deux crises marocaines (Tanger, 1905 ; Agadir, 1911). La France en profite d’ailleurs pour s’installer au Maroc* et parfaire ainsi son empire d’Afrique du Nord.


Quarante années de vie économique (1870-1914)

Agriculture
Elle est notablement améliorée par l’emploi des engrais chimiques et minéraux, un outillage modernisé ; la jachère et la vaine pâture disparaissent devant l’extension des cultures fourragères, des prairies artificielles. Les cultures se spécialisent.
Mais en 1914 — sauf dans certaines régions au nord de la Loire surtout — la « révolution agricole » est à peine commencée. La France reste la « grande fabrique à blé » ; le ruralisme, la routine, la peur du risque (incarnée dans la politique de Méline) ne modifient pas le visage de la France paysanne, encore que les progrès des communications (chemins de fer) sortent peu à peu les villages de leur isolement. En 1914, la part des paysans dans la population active de la France est encore de 45 p. 100, le pourcentage de l’Allemagne en 1882, celui des Pays-Bas en 1849.

Industrie
La révolution industrielle est plus avancée, grâce aux progrès techniques : développement de la production industrielle (production d’acier : 890 000 t en 1895 et 4 680 000 t en 1913, soit seulement 7 p. 100 de la production mondiale). Industrie textile (1er rang de l’exportation mondiale pour la soie ; 2e pour le coton ; 3e pour la laine). Importance de la « seconde révolution industrielle » (moteur à explosion, électricité, métaux légers) : premier rang pour l’industrie automobile et l’aéronautique.
En fait, si domine en 1914 la grande industrie, coexistent encore, en un puzzle complexe, toutes les formes historiques de la production : ruraux fabriquant eux-mêmes ce dont ils ont besoin, travailleurs à domicile, artisans.
En 1914, l’existence des travailleurs est toujours marquée par l’insécurité, les bas salaires, l’indigence, la surmortalité, l’absence de politique de l’habitat ouvrier.
D’où une dénonciation de plus en plus véhémente et efficace du paupérisme prolétarien dans trois directions : coopération*, socialisme* et syndicalisme* (création de la C. G. T., 1893-1902). À la veille de la Première Guerre mondiale, la grève est devenue une arme quasi permanente aux mains des ouvriers et de leurs mandants.