Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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France (suite)

Les reliefs les plus importants créent encore d’autres milieux climatiques. Les bassins d’effondrement se signalent par l’exagération des tendances continentales : rigueur des hivers (0,6 °C en janvier à Strasbourg), persistance de l’enneigement, même s’il est peu abondant, occurrence plus fréquente du gel et chaleur des étés accompagnée de manifestations orageuses (Alsace, Limagne, plaine de la Saône). On peut y ajouter la possibilité, en hiver, d’inversions de température du fait de la stagnation de l’air froid dans ces dépressions, pendant que les reliefs encadrants, exposés aux vents d’ouest, reçoivent de l’air moins froid. Dans les massifs montagneux, l’altitude accentue le froid hivernal (– 5 à 15 °C) dans les Alpes et réduit la chaleur de l’été (autour de 10 à 15 °C), car la diminution des températures est de l’ordre de 1 °C pour 200 m en moyenne. Cela n’exclut pas cependant un ensoleillement important, que dissimulent les chiffres moyens. L’exposition y multiplie les contrastes locaux, tels que ceux qui se manifestent entre les versants orientés au sud et à l’est (adrets, soulanes), ensoleillés et cultivés, et les versants tournés vers le nord et l’ouest (ubacs, ombrées), plus frais et plus boisés. Elle engendre, à l’échelle des montagnes entières, des nuances entre les secteurs accessibles les premiers aux vents pluvieux d’ouest (Vosges, Préalpes et Jura, ouest du Massif central et des Pyrénées) et l’intérieur du massif alpestre ou le centre et l’est des Pyrénées. L’altitude, de toute façon, régénère les conditions favorables aux précipitations. Dans cette augmentation des précipitations, une partie notable tombe sous forme de neige. Capitalisées ainsi (ou sous forme de glace), les eaux sont restituées en saison chaude aux rivières, qui, de ce fait, ont des régimes à fortes pulsations (selon la part de la neige et des pluies, ou les interférences de fonte et de pluies, les rythmes d’écoulement et les crues sont plus ou moins complexes). Abondants et rapides à cause des pentes, les cours d’eau acquièrent une puissance élevée d’érosion qui marque les paysages : importance des ravinements et des cônes de déjection, chenaux instables des rivières dans les fonds de vallée. Heureusement, l’humidité favorise un couvert végétal protecteur, étagé. Aux prés et aux champs des parties inférieures des versants succèdent les forêts, de feuillus d’abord, puis de conifères jusque vers 1 500 - 1 800 m. Au-dessus, une pelouse (les « alpages ») de plantes adaptées à la longueur et à la rudesse de l’hiver s’étend jusqu’aux pierrailles et aux neiges persistantes, qui commencent vers 3 000 à 3 500 m.

Climats et reliefs engendrent donc deux grands ensembles spatiaux, une France occidentale, où l’emportent les faibles altitudes, les contrastes de reliefs atténués, les traits océaniques du climat, la variété des sols, les rivières à régime pluvial ou pluvionival, et une France marquée par de forts contrastes de relief et de climats. Ici dominent les fortes dénivellations, et les volumes montagneux s’y étendent bien plus que les plaines : les climats se diversifient, prennent des caractères plus tranchés et ont des conséquences plus sensibles ; la circulation est rendue plus difficile. Les couloirs de plaine s’en trouvent valorisés.


Les familles de paysages


Les massifs anciens

Les vieilles terres des montagnes usées se signalent par des paysages profondément liés à la nature des roches. Celles-ci commandent parfois le modelé de détail ; mais en tout cas elles sont, par leur rigidité, responsables du comportement des terrains lors des mouvements du sol ; leur composition siliceuse se répercute sur les sols qui en dérivent, tout comme leur imperméabilité les prédispose aux landes et aux forêts.

Ces roches sont : des sédiments anciens, fortement redressés et plissés, où dominent les schistes, les grès et les quartzites (les calcaires sont parfois présents, mais dans de faibles proportions) ; des matériaux métamorphiques, c’est-à-dire partiellement « digérés » par les roches cristallines de profondeur (schistes, gneiss) ; ou encore des affleurements de terrains de la famille des granites. Cette composition, même lorsqu’elle est variée, atténue les aptitudes à l’érosion différentielle, qui n’est exploitée que de manière subordonnée. La cohérence des matériaux les a rendus aptes à conserver la trace des surfaces d’aplanissement qui les ont successivement retouchés après le démantèlement posthercynien, et leur résistance à l’incision fait alterner les interfluves lourds et les vallées en gorge, par l’intermédiaire de versants convexes.

Dans les secteurs les plus relevés des massifs et dans leurs parties les plus internes, les formes dominantes sont souvent des dômes lourds (« ballons vosgiens »), des éléments de plateau d’érosion hérissés seulement de quelques blocs résiduels ou de quelques crêtes plus résistantes, ou qui se creusent d’alvéoles dus à l’altération en surface des roches cristallines (Morvan « troué », Massif central). Une partie de ces altérations est d’ailleurs héritée de ce que l’on a appelé la « maladie tertiaire » (attaque chimique sous climat tropical). Les tourbières (fagnes, faings...) et la lande à bruyères et à fougères s’y étendent aisément. Vers l’extérieur et près des artères hydrographiques principales, le défoncement par les cours d’eau réduit ces formes à l’état de lambeaux. Les paysages deviennent ceux de « pays coupés » où les versants s’encombrent parfois de chaos de boules (Huelgoat, Sidobre) ou de débris fins (arènes) d’où suintent les sourcins en bas de pente. Les fonds de vallée, humides, portent des prairies verdoyantes.

En dehors de cas où les lignes du relief proviennent de la lithologie, l’essentiel de la trame des paysages découle des mouvements qui ont relevé des vieilles terres. Leur rigidité leur a fait répondre aux poussées par des gauchissements et des cassures, des basculements, des soulèvements ou effondrements de blocs entiers. D’où encore la possibilité de garder la trace des aplanissements qui les ont affectés.