Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

franc (suite)

Le franc Poincaré (1928) : un redressement temporaire

Or, l’inflation qui sévissait après la guerre entamait de façon drastique le pouvoir d’achat du franc. Seule la méconnaissance des problèmes monétaires retardait la décision d’une dévaluation, rendue inévitable par un déficit budgétaire persistant, la spéculation internationale et la crise des changes. Finalement, devant la baisse de la valeur effective de l’unité monétaire, le 25 juin 1928, le gouvernement Poincaré reconnaissait officiellement que le franc ne valait plus 322,5 mg d’or. Il lui donnait la nouvelle définition de 65,5 mg à 900/1 000. Ce monométallisme de 1928 était un monométallisme composite-or. La loi réservait, en effet, le pouvoir libératoire illimité aux pièces d’or de 100 francs à 9/10, les seules dont elle prévoyait la fabrication. La monnaie d’argent devait, elle, se composer de pièces de 10 francs et de 20 francs, mais ces pièces ne devaient pas être librement frappées, et leur puissance libératoire était limitée à 250 francs par paiement entre particuliers. Toutefois, le nouveau système monétaire ne pouvait exister en France que d’une façon théorique tant que la frappe libre des pièces d’or, qui aurait été un de ses caractères essentiels, n’était pas reprise ; or, elle ne l’a jamais été depuis.

Avec la grande crise* économique de 1929, tout allait être, d’ailleurs, remis en question. On assista à l’abandon de l’étalon-or, et la monnaie devint un instrument de politique économique, notamment avec la technique de la dévaluation (celle, en septembre 1931, de la livre sterling avec abandon de l’étalon-or, puis celle du dollar en janvier 1934).


La déflation Laval (1934-35)

En France, la situation devint préoccupante en 1934-35, lorsque les effets de la crise mondiale se firent sentir. Alors que la plupart des autres pays avaient déjà dévalué leurs monnaies afin de relancer leurs économies par un accroissement de leurs exportations, la France tenta, elle, d’aligner les prix de ses produits sur les prix internationaux au moyen d’une politique rarement pratiquée, une déflation de stricte orthodoxie (décret-loi Laval de 1935, diminuant uniformément tous les paiements de 10 p. 100).

Cette politique, socialement très sévère, se révéla en fait insuffisante pour relancer l’économie : l’indice de la production industrielle tomba de 1930 à 1936, de 140 à 98. La valeur des exportations, qui atteignait presque 43 milliards de francs en 1930, dépassait à peine 15,5 milliards en 1936. L’indice de leur volume (qui représente, mieux que la valeur des produits, le mouvement réel des ventes à l’étranger, parce que indépendant de la variation des prix) avait diminué de 131 à 78 ; la balance commerciale accusait un déficit de 10 milliards de francs en 1936 ! D’autre part, une dette* publique de plus de 350 milliards de francs à la fin de 1935 grevait lourdement le revenu national, et les déséquilibres répétés entre les recettes et les dépenses budgétaires inspiraient de graves inquiétudes.


Les dévaluations de 1936-1940

Dès lors, devant l’échec de la politique déflationniste, le gouvernement, en 1936, se résolut à dévaluer le franc (loi du 1er octobre 1936). Les causes immédiates de cette dévaluation étaient la diminution du stock d’or et la hausse des prix intérieurs. Le franc était désormais défini comme la valeur d’un poids d’or compris entre 43 et 49 mg, donc indéterminé entre ces limites. Un fonds d’égalisation des changes était créé avec une somme provenant de la réévaluation de l’encaisse (10 milliards sur 17). En même temps, le gouvernement prenait des mesures pour empêcher la hausse des prix. Cette politique fut compromise par la préparation de la guerre. Le franc fut autorisé à « flotter » davantage, si bien que la livre sterling, qui, en 1932, valait 90 francs, était montée à 180 francs. Cela conduisit le gouvernement français à décider de réévaluer le stock d’or sur la base de 24,57 mg d’or fin pour 1 franc (convention du 12 novembre 1938). Pendant la guerre de 1939-40, après que le contrôle des changes eut été institué le 9 septembre, une nouvelle réévaluation de l’encaisse or eut lieu, sur la base de 21,006 mg d’or fin pour 1 franc (dévaluation du 29 février 1940).


1945-1958 : érosions successives

Pendant les années 1940-1944, un certain nombre de mesures déflationnistes avaient évité une augmentation trop massive de la circulation monétaire et des prix (politique du circuit, blocage des salaires, rationnements, restrictions du crédit* bancaire). Mais, dès la Libération, les effets de l’inflation, contenus pendant les quatre années de guerre, devaient se faire sentir si fortement qu’une nouvelle fois la parité du franc fut révisée. Une loi du 26 décembre 1945 ratifia la signature des accords de Bretton Woods par la France et l’enregistrement par le Fonds monétaire international de la parité de 7,461 mg d’or fin. Un dollar égalait 119,10 F.

La reconstruction, puis la modernisation de l’économie française ne manquèrent pas de se répercuter sur la valeur de la monnaie. Le déficit budgétaire, la hausse des prix, le déséquilibre des échanges extérieurs devaient conduire le gouvernement à dévaluer, une fois encore, le franc, le 26 janvier 1948, d’environ 44,45 p. 100. En même temps, la France adopta un système de taux de change multiples, échelonnés, pour le dollar, de 214,39 francs (cours officiel pour la moitié du produit des exportations) à 305 francs (cours libre pour le solde des exportations). Ce système ne fut pas reconnu par le Fonds monétaire international. Aussi, à partir du 17 octobre 1948, les devises furent-elles cotées en référence au cours moyen du dollar. En avril 1949, le taux du dollar était porté à 330 francs (cours libre).

Après la dévaluation de la livre sterling, le gouvernement français procéda, le 20 septembre 1949, à une dévaluation et à un regroupement des taux de change : un franc représentait 2,539 mg d’or, et le dollar équivalait à 350 francs. Ce taux se maintint jusqu’en août 1957 : à la suite de diverses circonstances (guerre d’Algérie, déséquilibre des échanges extérieurs), le gouvernement institua une taxe à l’importation de 20 p. 100, ce qui revenait à une dévaluation déguisée, portant le dollar à 420 francs.