Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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franc (suite)

Face à une telle situation, l’or et l’argent gardaient tout leur prestige. À la fin de novembre 1795, de nouvelles pièces avaient été frappées, mais elles avaient reçu un accueil très modéré, car elles ne correspondaient pas exactement à l’ancienne livre et, par conséquent, aux anciennes pièces toujours en circulation ; on en revint au système de la monnaie de compte et du change des monnaies ; il y eut un tarif de conversion, aux termes duquel les pièces de 5 francs d’argent devaient être reçues pour 5 livres, 1 sou, 3 deniers. Malgré la loi, l’usage de la monnaie de compte et des appellations royales persistait. Les termes de francs, de décimes et de centimes furent, certes, rendus obligatoires et remplacèrent les anciennes appellations de livres, de sous et de deniers dans les contrats privés comme en comptabilité publique. Mais les pièces anciennes continuèrent à circuler, même après leur démonétisation (an XI) : louis, écus et sous de Louis XV gardèrent force libératoire encore une trentaine d’années.


Le franc de germinal (1803) : une exceptionnelle stabilité

La loi fondamentale du 17 germinal an XI (7 avr. 1803) instituait en France le bimétallisme intégral : celui-ci devait durer trois quarts de siècle. La monnaie de compte, le franc, était, cette fois, identifiée avec une pièce de monnaie réelle, formée de 5 g d’argent au titre de 9/10, soit 4,5 g d’argent pur. L’histoire du franc de germinal est exemplaire.


Un système monétaire bimétalliste

Cette définition n’impliquait pas, comme on pourrait le croire, le monométallisme-argent : la loi prévoyait la frappe de monnaies d’argent et de monnaies d’or, les deux monnaies ayant force libératoire illimitée, et il résultait de la loi que 1 kg d’argent au titre de 9/10 valait 200 francs, tandis que 1 kg d’or au même titre valait 3 100 francs, soit 15,5 fois plus : les deux métaux se trouvaient donc liés par un rapport légal de valeur, rapport qui n’avait pas été choisi arbitrairement par le législateur, puisqu’il était le rapport commercial de l’époque. Le système instauré consistait à donner à la fois à l’or et à l’argent le caractère de numéraire et de monnaie légale à pouvoir libératoire illimité, les deux monnaies bénéficiant de la frappe libre.

Jusqu’à la découverte des mines d’or de Californie et d’Australie, ce bimétallisme fonctionna sans difficulté. Certes, à plusieurs reprises, l’un des deux métaux, bénéficiant de conditions de production plus favorables, pouvait être offert en plus grande quantité. L’équilibre se rétablissait sans qu’une différence sensible apparaisse entre « cours commercial » et « cours légal ». Avec la découverte des mines d’or de Californie (1848) et d’Australie (1851), la production de métal jaune fut augmentée, si bien que 1 kg d’or s’échangeait, cette fois, contre un peu moins de 15,500 kg d’argent ; dès lors, la monnaie d’argent, « bonne monnaie », tendait à disparaître de la circulation, disparition manifestée par une pénurie de pièces d’argent dites « divisionnaires ». On tenta d’y remédier en abaissant le titre de ces pièces à 0,835 au lieu de 0,9 et en supprimant la frappe libre (loi de 1864). Un peu plus tard, on estima que le système gagnerait en stabilité s’il était généralisé ; ce fut l’origine de l’Union monétaire latine, issue de la convention monétaire du 23 décembre 1865 entre la France, la Belgique, l’Italie, puis la Grèce.


La fin du bimétallisme (1873)

Après 1870, la situation se renversa, la production de l’argent augmentant, à son tour, dans le Nevada, à l’ouest des États-Unis. D’autre part, plusieurs pays, notamment l’Allemagne et les États-Unis, adoptaient le monométallisme-or, ce qui diminuait les débouchés offerts à l’argent ; celui-ci affluait sur les places de l’Union monétaire latine ; 1 kg d’or se mit à valoir plus de 16,500 kg d’argent. Les pièces d’or disparaissaient à leur tour de la circulation. L’or étant devenu en quelque sorte la monnaie internationale, le gouvernement français décida de supprimer la frappe libre des pièces d’argent en 1873 et le pouvoir libératoire illimité pour les pièces divisionnaires. Comme la pièce de 5 francs conservait celui-ci et comme le rapport légal n’était pas modifié, on continua à appeler le système bimétallisme, mais, pour le distinguer du bimétallisme véritable, on précisa « bimétallisme boiteux ». En fait, c’était presque le monométallisme-or. Devenu assez abondant dès la seconde moitié du xixe s., l’or, en somme, pouvait servir seul de monnaie, l’argent lui-même n’étant plus assez apprécié pour être autre chose qu’une monnaie d’appoint. Quant à l’Union monétaire latine, elle devait cesser d’exister au mois de janvier 1927.

Jusqu’en 1914 a fonctionné en France un monométallisme-or de fait. L’or ne disparaissait pas, pour deux raisons : d’une part, la thésaurisation (c’est-à-dire l’accumulation de pièces d’or) par les particuliers était peu répandue ; d’autre part, les créances de la France sur l’étranger dépassaient chaque année ses dettes envers lui. Par la loi du 25 juin 1928, le monométallisme-or sera consacré définitivement. Ce sera un monométallisme officiel, mais non effectif, puisque, depuis la Première Guerre mondiale, le règne des monnaies métalliques a pris fin.


Heurs et malheurs du franc (1914-1969)

En 1914, pour faire face aux besoins créés par la guerre, la plupart des gouvernements suspendirent la convertibilité de leurs billets en or. Le gouvernement français, ayant décrété l’inconvertibilité des billets en circulation, eut alors la possibilité de demander à la Banque un nombre illimité d’« avances », sous forme de billets nouveaux, avec lesquelles il put régler ses fournisseurs et créanciers comme lors des dévaluations de la livre tournois au Moyen Âge ou sous l’Ancien Régime. Le public, au début, continua de parler en francs, alors que les prix évalués en cette unité s’élevaient.

L’inflation* ne devait pas se terminer avec la fin de la guerre : par rapport à la période 1900-1910, l’indice moyen des prix* sera multiplié par sept en 1925. Cette inflation fut attribuée, de la part de l’opinion publique, à l’augmentation des billets en circulation provoquée par le déficit du budget* de l’État. Théoriquement, le franc officiel valait toujours 322,5 mg d’or, base sur laquelle le billet était convertible avant 1914 et depuis germinal an XI. À l’époque, tout le monde poursuivait la chimère d’un retour du franc de germinal avec l’unique concours des transferts (réparations) espérés de l’Allemagne !