Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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fossiles (suite)

Conservation et épigenèse

Une condition fondamentale pour que le cadavre se transforme en fossile est l’enfouissement : les squelettes de Vertébrés se détruisent très vite à l’air, et, de même, certaines coquilles marines (par exemple, les Moules) se dissolvent dans l’eau de mer, après la mort de ces Mollusques. Mais cette condition n’est pas suffisante ; certains sédiments acides peuvent détruire par exemple des coquilles calcaires, ou encore la putréfaction détermine la formation de bulles de gaz qui nuisent à une bonne fossilisation. La conservation, d’ailleurs exceptionnelle, d’un organisme implique donc un enfouissement dans un sédiment conservateur, mais l’animal mort doit aussi être à l’abri des carnivores ou des perforants : les Hyènes, par exemple, dévorent les os longs et ne laissent que des diaphyses ; elles mangent complètement les os courts ; des Algues et des Mollusques (Natica, Purpurea) perforent les coquilles.

D’après leur mode de conservation, on doit distinguer divers types de fossiles. Certains, très rares d’ailleurs, ont leurs parties dures conservées sans modification chimique ; ainsi, certaines Ammonites présentent de la nacre ; les parois des loges des Graptolites* (animaux coloniaux du Primaire) sont formées par une scléroprotéine qui n’a pas été modifiée au cours de la fossilisation. L’organisme lui-même — une coquille par exemple — peut aussi se dissoudre, et il n’en subsiste alors dans le sédiment qu’un moule externe. La dissolution d’une coquille peut aussi avoir lieu, mais après que l’intérieur du fossile se soit lui-même rempli de gangue ; le fossile est alors un moule interne de la coquille. Enfin, après dissolution de la coquille, le vide correspondant peut être rempli secondairement par d’autres sédiments ; dans ce cas, le fossile est une réplique différant essentiellement par sa nature chimique de l’organisme auquel il succède. On appelle épigenèse l’ensemble des processus de transformation chimique des organismes au cours de la fossilisation même et après celle-ci.


Diversité des fossiles

La nature chimique des fossiles est variée ; certains sont formés par des carbonates : calcite, rarement aragonite, très rarement dolomie, exceptionnellement smithsonite ZnCO3, azurite, malachite Cu2(CO3)(OH)2 ; d’autres par des sulfates (surtout gypse), des phosphates, de l’hématite, de la pyrite de fer, de la silice, etc.

Les fossiles peuvent avoir été affectés, dans les roches mêmes qui les contiennent, par des déformations qui en altèrent la forme (par exemple, certaines coquilles de Lamellibranches, des os longs de certains Dinosaures, etc.).

Par ailleurs, il est évident que la fossilisation conserve surtout les parties dures des organismes (os, coquilles, etc.), mais les fossiles peuvent aussi nous renseigner sur les organes mous des animaux qui leur ont donné naissance, soit que ces organes aient laissé des traces sur des parties dures, soit que des tissus mous soient effectivement conservés. On peut citer comme exemple des traces sur des parties dures les surfaces articulaires des muscles des Lamellibranches et les moulages naturels ou artificiels de cavités crâniennes fossiles. L’étude de ces moulages peut permettre de reconstituer dans une certaine mesure l’anatomie des encéphales contenus dans ces cavités ; elle fait l’objet d’une discipline spéciale, la « paléoneurologie ». Les tissus mous ne sont que rarement conservés par la fossilisation ; l’exemple le plus connu est la peau, retrouvée chez l’Iguanodon, le Trachodon (Dinosaures), le Neomylodon (Mammifères Edentés), les Acanthodiens.

Dans les lignites éocènes (début du Tertiaire) de la vallée de la Geisel, près de Halle, les structures histologiques des cellules de tissus mous sont de même conservées (des mélanophores et des noyaux ont pu être ainsi observés dans la peau d’un Batracien de ce gisement). La momification naturelle est un cas particulier remarquable de la fossilisation, concernant des momies de Trachodon dans les terrains de la fin du Secondaire (Crétacé supérieur du Wyoming). Nous avons déjà parlé des Mammouths et des Rhinocéros laineux de Galicie ; ces deux espèces ont été trouvées aussi momifiées dans la glace ; ainsi le Muséum national d’histoire naturelle montre-t-il à ses visiteurs une tête de Mammouth de Sibérie intégralement conservée avec ses parties molles, et le musée de zoologie de Leningrad présente-t-il un Mammouth empaillé entier et de nombreuses têtes momifiées de Rhinocéros laineux. Parfois, la fossilisation a conservé les organismes, en sorte qu’elle nous fournit des renseignements sur leur mode de vie : ainsi, la découverte d’un petit crâne de Thrinaxodon (Reptile mammalien) à côté du crâne d’une femelle de même espèce et de même genre semble bien prouver que ces animaux avaient déjà atteint un stade de comportement mammalien, les jeunes suivant la mère pendant un certain temps après la naissance, ce qui n’est jamais le cas chez les Reptiles. De même, dans un spécimen d’Ichtyosaure du musée de Stuttgart, on voit sortir du squelette d’un grand individu un petit squelette qui représente certainement un jeune ; ce fossile démontre péremptoirement que les Ichtyosaures étaient vivipares.

Dans d’autres cas, ce sont des pontes qui sont conservées : par exemple, les pontes fossiles de Sélaciens connues sous le nom de Fayolia ; des œufs fossiles de Dinosaures, à microstructure coquillière encore intacte, ont été trouvés dans la région d’Aix-en-Provence et en Mongolie ; de même, des œufs fossiles d’Oiseaux ont été recueillis à Saint-Gérand-le-Puy et à Madagascar (Æpyornis, fossile très récent). La fossilisation peut permettre aussi, dans certains cas, de reconstituer des stades de développement d’animaux disparus : on connaît ainsi des séries de croissance de Trilobites (Sao), de certains Dinosaures (Protoceratops du Crétacé du désert de Gobi), de divers Amphibiens fossiles (Benthosuchus du Trias russe). La logette initiale (prosicula) des Graptolites, sur laquelle bourgeonne peu à peu le reste de la colonie, est également souvent bien fossilisée.