Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

forage (suite)

La complétion

Divers indices indiquent qu’un forage pénètre dans une zone productive. Si la pression du gisement est plus forte que le poids de la colonne de boue, le puits commence à débiter, et le niveau du bassin de stockage de la boue monte brutalement : on dit que le puits donne un sursaut, ou kick (coup de pied). Pour éviter l’éruption, il faut aussitôt fermer la vanne de sécurité, obturateur à mâchoires de caoutchouc ou d’acier que l’on actionne par des vérins hydrauliques et qui est installé immédiatement au-dessous de la table de rotation. En même temps, on alourdit la boue par un épaississeur (barytine).

Si, au contraire, la pression exercée par la colonne hydrostatique est trop forte, il se produit une perte de circulation à laquelle on remédie en allégeant la boue et en la chargeant de matières obturantes. C’est la période critique, où une fausse manœuvre peut conduire à un dégagement violent de pétrole ou de gaz à l’atmosphère, qui, parfois, s’enflamme. En plus du grave danger couru par les foreurs, un incendie de puits cause généralement la destruction totale de l’appareil et l’abandon du forage. Pour éteindre le feu, on souffle d’abord la flamme à l’explosif, puis on coiffe la tête de puits d’une vanne spéciale, que l’on ferme progressivement. Dans un forage bien contrôlé, la pression du gisement étant équilibrée par la boue, il est possible de procéder à la complétion, c’est-à-dire aux préparatifs de mise en exploitation, constitués par la succession d’opérations suivante :
1o mise en place du dernier cuvelage (tubage de production de 7 pouces) ;
2o cimentation très soigneuse ;
3o dernier carottage électrique permettant de situer très exactement le niveau pétrolifère ;
4o perforation du tubage, opération réalisée en descendant un fusil à la hauteur voulue et en tirant des balles à travers le tubage et le cimentage ;
5o installation des vannes de tête de puits (arbre de Noël) au sommet du cuvelage.

Dans la plupart des cas, il suffit alors d’ouvrir les vannes pour que le puits se mettre à débiter. Pour des gisements plus compliqués, on descend dans le puits une ou plusieurs colonnes de production, trains de tubes de 2 3/8 pouces (60 mm), jusqu’à hauteur des perforations, avec des packers (joints isolants) : on peut ainsi extraire simultanément, sans les mélanger, des gaz ou des pétroles provenant de niveaux différents du puits.


Forages particuliers

En dehors du forage rotary classique, il existe d’autres procédés, par exemple en remplaçant la boue par de l’air ou du gaz comprimés : on a recours à cette méthode dans les zones désertiques dépourvues d’eau, ou lorsque des pertes de circulation trop importantes sont à craindre. Bien entendu, une installation de boue reste branchée en parallèle, pour prévoir le cas d’éruption.

Entre le forage à l’air et à la boue s’intercalent toute une série de fluides intermédiaires.

• Le turboforage utilise pour l’entraînement de l’outil non plus la rotation du train de tiges, mais une turbine à multiétages installée juste au-dessus de trépan, auquel elle est directement accouplée. L’énergie est fournie parla circulation de la boue à travers la turbine, ce qui nécessite des pompes à boue plus puissantes que pour le rotary. Simultanément, il peut être intéressant d’effectuer une lente rotation du train de tiges, combinant ainsi les deux méthodes de forage. En turboforage, l’outil tourne à une vitesse de 500 à 700 tr/mn, ce qui assure une progression beaucoup plus rapide à travers les roches dures, au prix d’une usure accélérée des tricônes. Quoique plus onéreux, au total, que le rotary, le turboforage est néanmoins très utilisé en U. R. S. S., ainsi que dans le reste du monde, pour les forages en mer et pour les forages déviés.

• Dans le flexoforage, l’outil est entraîné par un moteur de fond de puits, turboforeuse ou électroforeuse, et le train de tiges est remplacé par un flexible continu en élastomère armé. Ce procédé a l’avantage de permettre une liaison continue et facile à réaliser entre la surface et les capteurs de mesures du fond (tachymètre, couplemètre, manomètre). Mis au point récemment par collaboration entre la France et l’U. R. S. S., le flexoforage a déjà permis d’atteindre des profondeurs de 4 000 m.


Le forage en mer

Du forage sur terre, on est passé insensiblement au forage dans des marécages ou des lagunes, avec des matériels et des méthodes classiques, puis au forage à des distances croissantes des côtes, par des fonds ne dépassant pas 50 m, limite d’utilisation des plates-formes reposant sur leurs jambes à hauteur réglable ; enfin, au forage à l’aide de navires de large permettant actuellement de travailler par des fonds de 200 m.

Comme les techniques de prospection marine explorent maintenant le fond de la mer à 4 000 m de profondeur d’eau, et qu’il existe même un projet pour aller à 8 000 m, il ne paraît pas douteux que les progrès du forage offshore*, dont le coût est beaucoup plus élevé qu’à terre, continueront bien au-delà du plateau continental. Ce dernier, partie submergée d’anciens continents, est déjà l’enjeu de recherches et de forages très actifs, car on estime qu’il ne recèle pas moins de 100 milliards de tonnes de pétrole, soit deux fois plus que la totalité des réserves prouvées connues actuellement pour l’ensemble des terres émergées.


L’industrie du forage

Le forage constitue une industrie propre, ayant ses structures et ses caractéristiques. À l’origine, les grandes sociétés pétrolières possédaient leurs équipes et leurs matériels de forage individuels, dont les méthodes de travail étaient tenues jalousement secrètes. Or, il s’agit d’une activité très difficile à organiser, car on ne peut jamais être certain à l’avance de la durée de la prospection préliminaire, de la durée et du prix du forage, de son résultat, du nombre de puits qui seront nécessaires avant que l’exploitation d’un gisement soit rentable, pas plus que de la conjoncture économique ou du ralentissement ou de l’accélération qui se produisent dans la recherche de nouvelles ressources pétrolières suivant que les réserves sont jugées surabondantes ou insuffisantes.