Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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forage (suite)

Vers 1850, le dispositif est mécanisé grâce à l’introduction d’une machine à vapeur entraînant par une manivelle un levier de tête de puits qui imprime au câble son mouvement de va-et-vient vertical. Les débris de roche sont périodiquement extraits en envoyant au fond du puits une « cuillère », remontée ensuite par le treuil de la machine grâce à un palan accroché au sommet de la tour de forage, constituée par une charpente en bois.

C’est avec un appareil de ce genre que, en 1859, Edwin Laurentine Drake (1819-1880) découvre les gisements de Pennsylvanie, événement considéré comme le point de départ de l’industrie du pétrole moderne. Perfectionné pendant cinquante ans, le forage par percussion permet la découverte des grands champs pétrolifères situés jusqu’à une profondeur de 2 000 m : Californie, Roumanie, Pologne, Russie et Moyen-Orient. Détrôné, après 1930, par le procédé rotatif, plus rapide, le forage par percussion survit encore assez longtemps, puisqu’en 1953 on l’utilise aux États-Unis pour un puits abandonné à 3 600 m de fond, après deux ans et demi de travail.


Le forage rotatif

L’idée de forer à l’aide d’un outil rotatif continu en faisant circuler un fluide pour éliminer les débris, technique empruntée à la perceuse d’atelier classique, est mise en application pour la première fois au Texas, vers 1900, dans des terrains trop tendres pour le forage par percussion : le puits, en effet, s’éboulait constamment et exigeait la descente de cuvelage et une cimentation trop fréquentes pour être rentables.

Le forage « rotary » est bientôt consacré par les prolifiques découvertes effectuées autour du golfe du Mexique.

L’appareillage de surface est essentiellement constitué par une tour en charpente métallique, ou derrick, et par une centrale énergétique : à l’origine machine à vapeur, aujourd’hui moteur Diesel et parfois turbine à gaz actionnent le tambour du treuil sur lequel s’enroule le câble du palan et, simultanément, entraîne la table de rotation, située au niveau de la plate-forme de service. L’outil, appelé trépan ou tricône, comporte trois rouleaux dentés de forme tronconique, s’emboîtant comme des engrenages, munis de dents en carbure de tungstène, matériau choisi pour son exceptionnelle dureté, et éventuellement incrustés de diamants industriels. Le mouvement de rotation est transmis à l’outil par l’intermédiaire des tiges de forage, tubes d’acier creux que l’on visse les uns après les autres au fur et à mesure que le puits descend et dont le dernier, au niveau de la surface, est la tige carrée, qui s’emboîte au passage dans la table de rotation. Suivant la consistance de la couche rocheuse traversée par le forage, il faut modifier non seulement la vitesse de rotation, mais la force avec laquelle l’outil avance dans le terrain qu’il traverse : au besoin, le poids des tubes de forage, ou train de tiges, est augmenté en remplaçant les derniers tubes inférieurs, juste au-dessus du trépan, par des barres pleines en acier appelées masses-tiges.

Le foreur peut également régler le poids appuyant sur l’outil en ajustant le palan pour abaisser plus ou moins la moufle mobile porte-crochet : pour forer une roche dure, il faudra, par exemple, appliquer une force de 40 t sur un outil de 300 mm de diamètre, ce qui s’obtient en disposant des masses-tiges sur une hauteur de 250 m ; la vitesse de pénétration ne dépasse pas 1 m/h. En revanche, dans un terrain tendre, il n’est pas rare d’obtenir un avancement de 100 m/h, la vitesse de rotation atteignant 250 tr/mn.

La puissance de la machinerie sur un appareil lourd moderne est de l’ordre de 2 000 ch.


La circulation

Le forage rotatif n’est possible que grâce à l’envoi continu au fond du puits d’un fluide de lavage qui a pour but de :
1o entraîner les débris et les remonter à la surface ;
2o refroidir le trépan tout en le lubrifiant ;
3o humidifier la roche, ce qui facilite le travail de l’outil ;
4o déposer un gâteau d’argile, appelé cake, sur les parois du puits, ce qui contribue à éviter les éboulements ;
5o maintenir dans le puits une pression hydrostatique positive empêchant les entrées intempestives d’eau en provenance des nappes aquifères souterraines et permettant de contrôler toute arrivée inopinée de gaz ou de pétrole.

Le fluide, qui joue un rôle si important, est généralement une boue, mélange d’eau, d’argile et de divers produits chimiques, dont la composition est très variable suivant l’opération en cours.

À tout moment, on doit maintenir à une valeur comprise entre 0,5 et 1 m/s la vitesse de circulation de la boue dans le circuit suivant :
— bassins de stockage situés à côté du derrick ;
— pompes ;
— conduite de refoulement, colonne montante et flexible ;
— tête d’injection suspendue au crochet de la moufle mobile ;
— descente à l’intérieur des tiges de forage ;
— sortie par trois évents spéciaux ménagés dans le tricône de manière à balayer les dents de chaque rouleau ;
— entraînement des déblais ;
— remontée à la surface par l’espace annulaire compris entre les tiges de forage et la paroi du puits ;
— retour au bassin de stockage.

En arrivant à la surface, la boue est envoyée à l’aide d’une goulotte d’évacuation sur un tamis vibrant où sont retenus les déblais, source précieuse de renseignements sur la roche forée.

Un incident fréquent au cours d’un forage est la « perte de circulation » qui peut se produire lorsqu’on traverse une roche poreuse ou caverneuse où s’engouffre la boue. Il est alors nécessaire d’adjoindre à cette dernière des matières obturantes telles que des fibres ou de la sciure de bois, des serpentins de Cellophane ou même du ciment.

Le fluide de forage doit être constamment adapté à la nature du terrain traversé, ce qui se fait en y incorporant des additifs variés tels que :
— du sel marin coagulé à l’amidon ou au gel de silice pour éviter de dissoudre les couches salifères ;
— des biocides comme les phénols chlorés pour lutter contre la corrosion bactériologique ;
— des dilueurs et des abaisseurs de viscosité comme le tanin, les lignites ou les phosphates.

La viscosité de la boue doit être particulièrement bien surveillée, car elle augmente spontanément lors de la traversée de bancs d’argile ou de marne. De même, si le forage vient à être perturbé par des venues intempestives de pétrole ou de gaz, il faut immédiatement alourdir la boue en y ajoutant de la barytine (sulfate de baryum BaSO4).