Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Flandre (suite)

Augmenté du Hainaut, qui lui est uni seulement dans la personne de ses comtes à deux reprises (1067-1070 et 1191-1280), mais amputé définitivement des riches comtés du Boulonnais, du Ternois et de l’Artois au profit de la couronne de France en 1191 et en 1212 au traité de Pont-à-Vendin, le territoire flamand ne subit plus que des mutations territoriales de faible importance à la fin du Moyen Âge : acquisition de Béthune en 1248 ; perte définitive du Tournaisis en 1304 et temporaire des châtellenies de Lille, Douai, Orchies et Béthune entre 1305-1312 et 1369 au profit du roi de France ; rupture totale du lien féodal en 1323 entre la Flandre et la Zélande au bénéfice des maîtres de cette dernière, les comtes de Hollande.

Malgré ces aléas et le conflit qui éclate en 1252 pour déterminer l’appartenance du pays de Waes à l’Empire ou au royaume, cette double vassalité des comtes de Flandre à l’égard du roi de France et de l’empereur leur permet d’assurer peu à peu une large autonomie à leur principauté, qu’ils ont dotée depuis le xie s. de nombreuses institutions.


Les institutions : le comte et le comté

La plus importante en est naturellement le comté. Qualifié de Flandrensium comes, puis de Flandriae comes à partir du règne de Charles Ier le Bon (1119-1127), celui-ci détient un pouvoir héréditaire par ordre de primogéniture, ce qui ne met pas le comté à l’abri des crises successorales : usurpation de Robert Ier le Frison (1071-1093) à la mort de son frère Baudouin VI, aux dépens de son neveu Arnoul III (1070-1071) ; assassinat de Charles Ier le Bon et choix par le roi de France de Guillaume Cliton pour lui succéder (1127-1128) ; déposition et mort de ce dernier au cours d’une révolte urbaine qui lui substitue son cousin Thierry d’Alsace (1128-1168) ; transmission de la dignité comtale, à la mort de Philippe d’Alsace (1168-1191), à sa sœur Marguerite (1191-1194) et au mari de cette dernière, Baudouin V de Hainaut, qui devient Baudouin VIII de Flandre. Le fils de Baudouin VIII et de Marguerite d’Alsace, Baudouin IX (1195-1205), faute d’héritier mâle, ne peut avoir d’autres successeurs que ses filles, Jeanne (1205-1244) et Marguerite (1244-1280). Une ultime querelle successorale éclate alors entre les maisons d’Avesnes et de Dampierre, issue de ses deux maris successifs, querelle qui est réglée dès 1246 par le roi de France Louis IX. Par le dit de Péronne, celui-ci attribue le Hainaut à la première d’entre elles et la Flandre à la seconde, dont la descendance se perpétue dans ce comté jusqu’à la mort de leur héritier direct, Louis II de Mâle (1346-1384). La fille de ce dernier, Marguerite (1384-1405), transmet enfin ses droits à son mari, le duc de Bourgogne Philippe le Hardi*, dans la descendance duquel le comté restera jusqu’en 1477, c’est-à-dire jusqu’à ce que son héritière Marie le fasse passer entre les mains des Habsbourg.


Économie, société et politique

Ces difficultés d’ordre successoral sont aggravées par des difficultés d’ordre politique et social, elles-mêmes filles de l’expansion économique du comté. À celle-ci travaillent à la fois les cisterciens et les paysans libres (transformation des marécages en polders, développement des cultures légumières et de l’élevage) et les marchands flamands, notamment de Bruges, de Gand, d’Ypres, de Douai, et qui, de la mer du Nord à la Méditerranée (à Gênes notamment), assurent la diffusion des produits de la draperie locale, de plus en plus consommatrice de laines anglaises, et l’importation et la redistribution des produits méditerranéens au xie et surtout au xiie s. Regroupés en gildes, contribuant à la formation de patriciats puissants, les plus riches d’entre eux accaparent les institutions urbaines et favorisent l’essor du mouvement communal qui impose à Guillaume Cliton d’importantes concessions politiques pour prix de sa reconnaissance en 1127-28. En même temps, le développement de la draperie, faisant appel à une main-d’œuvre de plus en plus nombreuse, est à l’origine des troubles sociaux qui se multiplient à la fin du xiiie et au cours du xive s., les tisserands et les foulons, notamment, se révoltant contre le patriciat urbain, ce qui facilite l’intervention croissante du roi de France en Flandre au détriment du pouvoir comtal. Déjà atteint par l’humiliant emprisonnement infligé à son détenteur. Ferrant de Portugal († 1233), au lendemain de Bouvines, par Philippe II Auguste*, qui ne lui pardonne pas son alliance avec l’empereur Otton IV en 1214, ce pouvoir se trouve considérablement affaibli lorsque Philippe IV le Bel, à l’appel des échevins « leliaerts », fait occuper la Flandre en 1297 pour briser l’opposition du commun, soutenu par le comte Gui de Dampierre († 1305). Victime des Matines de Bruges dans la nuit du 17 au 18 mai 1302, vaincu à Courtrai par les milices communales peu après, le roi prend sa revanche à Mons-en-Pévèle le 18 août 1304 et annexe les châtellenies de Lille, Douai, Orchies et Béthune par le traité d’Athis-sur-Orge en juin 1305 et, sous le règne de Philippe V le Long, par le traité de Paris en juin 1320.

Dès lors, la Flandre n’est plus qu’un enjeu dans le conflit qui oppose la France à l’Angleterre, la première soutenant naturellement le comte et le patriciat urbain, la seconde les villes et, surtout, dans leur sein, les travailleurs du textile, grands consommateurs de laine d’outre-Manche. Vainqueur à Cassel le 23 août 1328 des communes flamandes révoltées contre leur comte Louis Ier de Nevers (1322-1346), Philippe VI ne peut empêcher par contrecoup les villes drapantes de se révolter en 1338 sous la direction de Jacob Van Artevelde (v. 1290-1345), qui accueille à Gand Édouard III d’Angleterre en tant que roi de France et suzerain du comté de Flandre, dont il achève la conquête par la prise de Calais en août 1347.


Du xive au xxe s. : déclin et renouveau

Ayant fait retour au parti français, le comte Louis II de Mâle (1346-1384) ne peut triompher à Rozebeke en 1382 d’une nouvelle rébellion de Gand et de son chef, Filips Van Artevelde (1340-1382), que grâce à l’intervention militaire de Charles VI. Mais, à la mort de Louis II de Mâle en 1384, le comté se trouve intégré dans le vaste État bourguignon constitué par son gendre le Valois Philippe le Hardi*, dont la descendance assure la transmission à la maison de Habsbourg après le décès de Charles le Téméraire* en 1477. Affranchie de tout lien de vassalité à l’égard de la couronne de France par le traité de Madrid en 1526, la Flandre fait dès lors partie des Pays-Bas espagnols. Reconquise progressivement par Louis XIV au xviie s. (Gravelines et Bourbourg en 1659, Dunkerque en 1662, Douai et Lille en 1668, Bailleul et Cassel en 1678), la Flandre française se détache de la Flandre espagnole, transférée à l’Autriche en 1713-14. La Flandre autrichienne est divisée en deux départements, celui de la Lys et celui de l’Escaut, par les révolutionnaires victorieux en 1794 ; elle est province du royaume des Pays-Bas de 1815 à 1830, puis forme deux provinces (Flandre-Occidentale, Flandre-Orientale) du royaume de Belgique* : c’est là que naîtra le mouvement flamingant. Quant à la Flandre française (de langue flamande ou gallicane), elle constitue, sous l’Ancien Régime, un gouvernement, avant d’être intégrée (1790) au département du Nord.

P. T.