Fielding (Henry) (suite)
« Plus d’un homme qui fait le mal n’est pas totalement mauvais et corrompu dans son cœur. »
Satiriste lucide, Fielding demeure néanmoins optimiste. Malgré leurs travers, leurs défauts, une moralité parfois élastique, ses héros sont avant tout des purs. Jeunes, naïfs, sans dissimulation malsaine, ils témoignent d’une belle innocence. Fielding l’a voulu ainsi, au point que, ses préoccupations de moraliste l’emportant vers la fin sur toute autre considération, le comique a totalement disparu de son dernier roman, Amelia (1751). Juge de paix au tribunal de Bow Street depuis 1748, il y a fait l’expérience de la puissance de l’argent, de la misère, des bas-fonds (Enquête sur les causes du récent accroissement des voleurs, 1751). Hanté par le problème de la réforme des mœurs qu’il poursuit dans The Covent Garden Journal (1752), il en arrive ainsi à écrire un ouvrage qui annonce en quelque manière l’ère du roman social victorien. Dans Amelia, son « enfant favori », Fielding a voulu peindre la Femme selon son cœur, en opposition — volontaire ou non — à celle de Richardson. Amelia Booth, c’est l’épouse modèle. Placée entre un mari trop faible et une vie trop dure, elle lutte, vertueuse et digne, sans céder à aucun calcul, à aucune tentation. Nous sommes loin de l’« épopée comique ». Déjà dans le roman domestique. Mais Amelia, malgré ses bonnes intentions, ne saurait faire oublier Tom Jones. Fielding part pour le Portugal afin de s’y soigner. Son Journal of a Voyage to Lisbon (1755), publié après sa mort prématurée, sera sa dernière manifestation littéraire. De toute façon, il avait déclaré dans The Covent Garden Journal qu’il n’écrirait plus de roman. Sans doute cet homme à principes, si différent du portrait qu’en a dessiné Thackeray, considérait que la boucle était bouclée et qu’il n’avait plus rien à dire.
D. S.-F.
A. Digeon, les Romans de Fielding (P. U. F., 1932). / J. Butt, Fielding (Londres, 1954 ; 2e éd., 1959). / I. P. Watt, The Rise of the Novel (Berkeley, 1957). / S. Sacks, Fiction and the Shape of Belief, a Study of Henry Fielding (Berkeley, 1964). / M. Irwin, Henry Fielding, the Tentative Realist (Oxford, 1967).