Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

allumette (suite)

La première allumette d’utilisation commode fut inventée à Dole, en janvier 1831, par un jeune étudiant français, Charles Sauria, né à Poligny en 1812 et mort complètement ignoré dans la plus grande misère. Celui-ci eut l’idée d’introduire dans la pâte du phosphore blanc : d’où le qualificatif phosphorique. Le bouton s’enflammait au moindre frottement sur une surface quelconque. Mais le phosphore blanc a des inconvénients. Trop spontanément inflammable, il est de plus un poison violent, et sa manipulation fréquente provoque une très grave affection osseuse.

Une légère antériorité de Sauria est maintenant hors de doute. Mais sans connaître ses travaux, dès 1832, l’Allemand Jakob Friedrich Kammerer (1796-1857) songea aussi au phosphore blanc ; il eut le mérite d’être le premier à commercialiser les allumettes qu’il prépara (1833). En Autriche-Hongrie, à la même époque, furent considérés comme inventeurs des allumettes phosphoriques von Römer, Preshel et Ironyi (1805-1885), qui, eux aussi, les diffusèrent.

Si c’est sous forme de phosphore blanc que ce corps se produit par réduction ignée de ses composés naturels minéraux ou organiques, il est aisé de le transformer ensuite en une autre variété allotropique, le phosphore rouge, qui s’enflamme moins aisément, ne le fait pas spontanément et n’est pratiquement pas toxique. Ce n’est pourtant qu’en 1844 que le Suédois Gustaf Erik Pasch (1788-1862) fit breveter la substitution du phosphore rouge au phosphore blanc pour les allumettes. Mais il le faisait dans la pâte du bouton, et le résultat n’était guère satisfaisant. En 1852, son compatriote Johan Edvard Lundström (1815-1888), avec qui collabora son frère, Carl Frans (1823-1917), eut l’idée de ne mettre dans le bouton que le chlorate de potassium et ses adjuvants, tels que le sulfure d’antimoine, et d’incorporer le phosphore rouge à une autre pâte déposée sur un frottoir, une addition de produits inertes empêchant, en le divisant, qu’une ignition s’y propage. Le frottement du bouton détache du frottoir des particules de phosphore, que le chlorate enflamme, allumant le sulfure d’antimoine du bouton, qui, seul, prend feu. Ainsi naquit l’allumette dite « suédoise » ou « de sûreté », puisque sans danger, ne s’enflammant qu’à l’aide d’un frottoir spécial. La nouvelle allumette, toujours en usage, ne put être brevetée d’emblée en Suède. Carl Frans intervint judicieusement en venant la présenter à l’Exposition universelle de Paris en 1855. Les récompenses du jury l’amenèrent à prendre un brevet en France, ce qui fit accorder par la Suède le brevet sollicité par son frère. Dès 1856, le brevet français fut cédé à la Maison Coignet frères à Lyon, premiers fabricants après l’usine montée à Jönköping. Quand l’État monopolisa en France les allumettes, Coignet demeura longtemps son fournisseur de phosphore rouge, ainsi que de sesquisulfure de phosphore, utilisé aussi plus tard en France, ses propriétés et avantages étant assez analogues, mais avec l’inconvénient d’une nette allergie pour quelques personnes. Les perfectionnements de détail ont été principalement les suivants depuis 1856. Du verre en poudre a été ajouté comme abrasif aux deux pâtes. Celle du bouton a été améliorée par l’introduction de bioxyde de manganèse, de bichromate de potassium et d’oxyde de zinc. Les tiges, primitivement soufrées sous le bouton, ont été de plus en plus exclusivement paraffinées, vu l’odeur piquante de l’anhydride sulfureux.

La Compagnie Kreuger et Toll de Jönköping, qui contrôla un moment les trois quarts de la production mondiale des allumettes sous l’impulsion d’Ivar Kreuger (1880-1932), fit breveter une allumette offrant une sécurité suffisante, tout en s’enflammant sur toute surface rugueuse. Elle a un double bouton. Le classique était partiellement recouvert par seconde trempe dans une pâte de frottoir. À la limite des deux, tout frottement fort l’enflamme. Un moment importée en France, elle ne l’est plus.

Des fabrications françaises ont disparu deux variantes d’allumettes de sûreté : l’allumette-tison, à manchon de pâte à base de phosphore rouge et de sciure donnant une combustion vive et prolongée résistant aux courants d’air ; l’allumette-naïade, pour la marine, où la gomme de la pâte était remplacée par de la bakélite insoluble et inaltérable à l’eau.


Fabrication

Pour la tige, un bois d’une essence assez combustible, s’imprégnant bien de soufre ou de paraffine et pouvant bien se trancher ou se dérouler fut le premier élément employé, et il l’est toujours abondamment. On peut utiliser le tremble nordique, bon nombre de peupliers européens ou américains, ou, à défaut, le pin d’Alep et quelques essences tropicales. Les billes sont débitées en tiges par déroulage, suivi du passage dans des hachoirs à lancettes (section carrée, système français), ou par rabotage par gouges emporte-pièce (section en croissant, système américain). Pour les boîtes à tiroirs et coulisses, on peut employer les mêmes essences, plus le tilleul. Mais, en France comme ailleurs, le bois est progressivement remplacé par le carton ou des matières plastiques. Le déroulage et le hachage sont complétés par l’incision de rainures pour le pliage. On confectionne aussi des allumettes plates en bois en pochettes, où se superposent des rangées d’allumettes incomplètement séparées au-dessus d’une souche commune, au ras de laquelle on les casse pour l’usage. En France ont été abandonnées les allumettes-bougies en cire, enrobant une mèche de coton. De plus en plus se répandent les allumettes plates en carton. Le carton se traite comme du bois déroulé pour allumettes plates. Dans certains pays, il existe des cigarettes dont une extrémité forme allumette. En extrayant une cigarette d’un alvéole formant frottoir ou en la frottant, après extraction, sur le fond du paquet, qui porte un petit frottoir, on enflamme le bout de la cigarette.