Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

Ferrare

En ital. Ferrara, v. d’Italie, en Émilie, ch.-l. de province sur le Po di Volano ; 158 000 hab.


La ville devient commune indépendante au xie s. Elle passe en 1208 sous la domination des Este et connaît grâce à eux, jusqu’en 1598, un brillant développement économique et culturel. Le mécénat de cette famille, commencé par Nicolas III (seigneur de Ferrare de 1393 à 1441), protecteur de Pisanello, est poursuivi par Borso (seigneur, puis duc de Ferrare de 1450 à 1471) et surtout par Hercule Ier (duc de 1471 à 1505), qui fait de Ferrare un centre humaniste en réunissant autour de lui des artistes, des écrivains et des savants férus de symbolique, d’astronomie et d’astrologie. À partir d’Alphonse Ier (duc de 1505 à 1534), mari de Lucrèce Borgia, commence le déclin des Este, ruinés par d’énormes dépenses de guerre. Alphonse II (duc de 1559 à 1597) poursuit cependant la politique familiale ; il protège le Tasse et fait assécher, en creusant des canaux, les vastes marais qui cernaient la ville. Celle-ci est réunie au domaine de l’Église par Clément VIII, en 1598.

Le développement urbanistique de Ferrare comporte trois étapes principales. En premier lieu se constitue le noyau médiéval, dominé par la cathédrale. Commencée en 1135, celle-ci garde la structure originelle de ses murs et son portail roman orné de bas-reliefs par Niccolo (xiie s.) ; sont ajoutées une façade romano-gothique à trois rangs de galeries et, au xve s., une seconde galerie avec la « loge des marchands » sur le côté droit. En face s’élève le palais communal. Ce centre se double ensuite, sur la gauche, de la zone ajoutée par Borso en 1451. Elle comporte surtout le palais de Ludovic le More, construit à la fin du xve s. pour le duc de Milan, qui épousera Béatrice d’Este ; inachevé, il comprend une cour bordée de loggias sur deux côtés et abrite maintenant le musée archéologique national. Enfin, l’agrandissement décidé par Hercule Ier suivant un plan régulateur demandé à l’architecte Biagio Rossetti (v. 1447-1516) enferme ces deux centres dans une zone plus vaste, ceinte de murailles en 1492.

À l’intérieur se renouvellent ou se construisent palais et maisons avec corniches, fenêtres cintrées et pilastres aux angles. Les Este possédaient trois résidences dans la ville : le castello Estense, commencé en 1385 au centre de la ville, sur plan carré avec quatre tours d’angle ; le palais Schifanoia (« Sans-Souci »), ancienne maison de plaisance des xive et xve s., aujourd’hui musée, orné dans la salle des Mois de remarquables fresques des peintres de Ferrare, consacrées, en trois registres superposés, aux divinités mythologiques, aux signes zodiacaux et à des scènes de la vie à la Cour et aux champs ; le palais des Diamants, commencé en 1492 par B. Rossetti pour Sigismond d’Este, et qui doit son nom à un revêtement de marbre constitué de 12 000 bossages traités en pointes de diamant (actuellement pinacothèque). Le renouvellement de l’architecture religieuse se manifeste par la construction de l’église San Cristoforo, à une nef et chapelles latérales, et par la modification de San Francesco (1494-1515), par B. Rossetti, sur un plan à trois nefs avec décoration en terre cuite, caractéristiques que l’on retrouve à Santa Maria in Vado (1496-1518).

L’école de peinture ferraraise, apparue assez tardivement, à la fin du xive s., offre des témoignages parmi les plus insolites et les plus puissants de la peinture italienne.

Au xve s., des petits maîtres comme Galasso di Matteo Piva et Stefano da Ferrara travaillent dans l’esprit du gothique international, dont le principal représentant, Pisanello*, semble avoir résidé à Ferrare vers 1443-44. La monumentalité et la force expressive, caractères fondamentaux de l’école de Ferrare, apparaissent sous l’influence de Rogier Van der Weyden*, Mantegna* et Piero* della Francesca, présents à la Cour des Este aux alentours de 1450. L’enseignement de Piero est sensible dans la miniature, grande spécialité ferraraise (bible de Borso d’Este), comme dans les fresques d’un Bono da Ferrara (Saint Christophe portant le Christ, chapelle des Eremitani à Padoue, 1451).

Véritable fondateur de l’école, Cosme Tura cristallise son style irréaliste et pathétique par la synthèse de l’enseignement de Padoue, d’une part, et des leçons apprises de peintres tels que Rogier Van der Weyden, d’autre part. Élève de Tura, Francesco del Cossa développe sous son autorité un langage plastique dont témoignent les fresques qu’il entreprend en 1469 au palais Schifanoia. Ercole de’ Roberti travaille probablement sous les ordres de Cossa : il est le troisième représentant de la tradition formelle créée par Cosme Tura, dont il tempère cependant les accents âpres.

À la fin du siècle, Lorenzo Costa adoucit encore la manière de son maître Ercole et équilibre l’esthétique de Ferrare sous les influences de Giovanni Bellini* et d’Antonello* da Messina. Ce style délicat se transforme sous la poussée maniériste de la première moitié du cinquecento. Giovan Battista Benvenuti, dit l’Ortolano (connu entre 1512 et 1524), Benvenuto Tisi, dit il Garofalo (1481-1559), et Giovanni Luteri, dit Dosso Dossi (v. 1480-1542), tirent des effets larges et moelleux d’une polychromie suave, comme en témoigne la Vierge et les saints, polyptyque ferrarais du dernier de ces artistes. Autour d’eux se groupent bien des peintres de moindre envergure, tel Girolamo da Carpi (1501-1556). Au xviie s., l’école ferraraise perd son originalité ; elle adopte la manière vénitienne.

N. B.

 G. A. Scalabrini, Indice manuale delle cose piu rimarcabili in pittura, scultura e architettura della città e borghi di Ferrara (Ferrare, 1844). / S. Ortolani, Cosme Tura, Francesco Del Cossa e Ercole de’ Roberti (Milan, 1941). / L. Chiappini, Gli Estensi (Varèse, 1967). / R. Molajoli, Cosme Tura e i grandi pittori ferraresi... (Milan, 1974).


Les peintres de Ferrare


Francesco del Cossa

(Ferrare v. 1436 - Bologne 1478), fortement influencé par C. Tura, participe en 1469 à l’entreprise de décoration du palais Schifanoia ; il y peint, dans la salle des Mois, trois compartiments dédiés aux mois de mars, avril et mai. Il s’établit ensuite à Bologne, où il signe en 1474 la Vierge en trône entre saint Pétrone et saint Jean, monumentale et baignée dans un fort clair-obscur (Bologne, Pinacothèque). Il meurt dans cette ville, victime de la peste.


Lorenzo Costa