Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

Fermi (Enrico)

Physicien italien, naturalisé américain (Rome 1901 - Chicago 1954).



Ses débuts

Fermi, qui passe son enfance à Rome, est le fils d’un agent de l’administration des chemins de fer et d’une institutrice. En 1918, il entre à l’école normale de Pise, fondée en 1810 par Napoléon sur le modèle de l’École normale supérieure de Paris. Il s’y consacre à la physique et obtient en 1922 son doctorat, avec une thèse sur la réfraction des rayons X par les surfaces cristallines. En même temps, il publie les résultats de recherches sur des problèmes d’électrodynamique et de relativité, faisant ainsi preuve d’une égale aptitude à la théorie et à l’expérience. L’hiver suivant, il se rend à Göttingen, avec une bourse du ministère de l’Instruction publique, pour étudier la mécanique quantique sous la direction de Max Born. Pendant l’année 1923-24, il est, sur la demande du sénateur Orso Mario Corbino (1876-1937), qui dirige l’Institut de physique de l’université de Rome, chargé, malgré son jeune âge, d’un cours d’initiation aux mathématiques. Puis il passe trois mois à Leyde auprès de Paul Ehrenfest (1880-1933), dont les travaux de statistique ont suscité son intérêt.


Professeur à Rome

Après avoir professé deux ans à Florence, il revient en 1926 à Rome, où lui est confiée la chaire de physique théorique. Il épouse, en 1928, une étudiante, Laura Capon, qu’il a souvent rencontrée au cours de vacances dans les Alpes.

À cette époque, s’appuyant sur le principe d’exclusion que vient d’énoncer Wolfgang Pauli*, il se fait connaître en créant la « statistique de Fermi-Dirac », applicable aux électrons, protons et neutrons. Aussi ces particules sont-elles aujourd’hui désignées par le terme général de fermions.

Il groupe autour de lui une équipe de jeunes physiciens (Edoardo Amaldi, Bruno Pontecorvo, Franco Rasetti, Emilio Segre) et donne à la science italienne un éclat qu’elle n’avait plus connu depuis le temps de Galilée. Il soumet à ses élèves les problèmes les plus divers, dont la solution est élaborée en commun. Ainsi sont traitées de nombreuses questions d’électrodynamique quantique, qui font l’objet de publications.

Dès 1932, l’activité de Fermi commence à s’orienter vers la physique nucléaire. Il établit une théorie de la radio-activité bêta, faisant appel à la transformation du neutron en proton, avec émission d’un électron et d’une particule hypothétique, le neutrino, dont l’existence est aussi postulée par Pauli, et qui sera identifiée par la suite.

C’est alors qu’il apprend, en 1934, la découverte, par Frédéric et Irène Joliot-Curie*, de la radio-activité artificielle. Estimant que les neutrons doivent constituer des projectiles beaucoup plus efficaces que les particules alpha, en raison de leur absence de charge, il soumet divers éléments à leur action et réussit à réaliser plusieurs types de réactions nucléaires. Irradiant avec des neutrons le plus lourd des éléments naturels, l’uranium, il observe la formation d’atomes radio-actifs, et l’on croit à tort avoir engendré des éléments transuraniens. Ce n’est qu’après la découverte, par Otto Hahn* et Fritz Strassmann, du phénomène de fission, que l’on pourra interpréter cette expérience. Toujours en 1934, Fermi et ses collaborateurs découvrent la possibilité de ralentir les neutrons par des chocs élastiques contre les éléments légers. L’étude de ces neutrons lents permet la découverte des niveaux de résonance et le calcul des sections efficaces.


Départ pour l’Amérique

Tous ces travaux valent à Fermi le prix Nobel de physique pour 1938. Mais, de Stockholm, où il a refusé de faire le salut fasciste et préféré serrer la main du roi, il ne retourne pas en Italie. L’atmosphère qui y règne lui semble irrespirable ; au surplus, sa femme, d’origine juive, y est menacée par les nouvelles lois raciales. Il s’embarque avec sa famille pour les États-Unis, où une chaire de physique lui a été proposée à l’université Columbia.

En collaboration avec Carl David Anderson*, Leo Szilard (1898-1964) et Walter Henry Zinn (né en 1906), il y entreprend des recherches sur la fission de l’uranium, dont Niels Bohr* vient de lui apprendre la découverte, au cours d’une visite aux États-Unis. Il démontre la possibilité d’une réaction en chaîne, et l’on commence à envisager la fabrication d’un explosif aux effets terrifiants.

Mais la guerre sévit en Europe et va bientôt gagner l’Amérique. La crainte qu’inspire le développement de la science allemande conduit nos chercheurs auprès d’Einstein*, le plus illustre des réfugiés, et celui-ci écrit au président Roosevelt pour lui signaler la possibilité de cette bombe. Les recherches nucléaires deviennent secrètes et passent sous le contrôle du gouvernement américain.


Le premier réacteur et la bombe atomique

Fermi s’installe à Chicago, pour travailler dans le Laboratoire métallurgique. Et c’est le 2 décembre 1942 qu’est mise en marche la première pile atomique, à uranium naturel et graphite, installée sous une tribune dans un stade sportif.

L’appartenance de Fermi à une nation ennemie des États-Unis lui vaut des vexations. C’est ainsi qu’il doit demander l’autorisation de se déplacer, ne peut employer de poste de radio à ondes courtes, ni posséder d’appareil photographique ou de jumelles. Il va même jusqu’à enterrer dans sa cave une provision d’argent et à envisager un départ précipité pour les îles du Pacifique. Mais, comme sa présence est jugée indispensable, il est naturalisé américain en 1944. C’est alors la préparation de la bombe atomique : Fermi va s’installer avec sa famille au fameux « site Y », c’est-à-dire à Los Alamos, dans le désert du Nouveau-Mexique. Il y retrouve une pléiade de transfuges européens, Niels Bohr, Emilio Segre, Hans Albrecht Bethe*, Edward Teller, groupés sous la direction de Robert Oppenheimer. Leur travail aboutit à l’explosion d’Alamogordo (16 juill. 1945).