Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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fermentation (suite)

• La fermentation propionique donne à partir des sucres essentiellement de l’acide propionique, mais également de l’acide acétique, du CO2 et éventuellement de l’acide succinique. L’acide lactique constitue un substrat utilisable comme les sucres. La présence de bactéries propioniques est constante dans la panse des ruminants, où elles participent à la dégradation des glucides ; elles jouent également un rôle dans l’affinage du fromage de Gruyère. La fermentation acétique est due à l’action de bactéries aérobies strictes : les bactéries acétiques. Ces micro-organismes peuvent utiliser l’alcool éthylique, encore très riche en énergie, provenant de la fermentation alcoolique par une fermentation oxydative. Par double déshydrogénation, une molécule d’alcool éthylique et une molécule d’eau donnent, après des réactions intermédiaires, de l’acide acétique et de l’hydrogène : celui-ci entre dans la chaîne respiratoire et se combine à l’oxygène pour former de l’eau.

Cette fermentation est utilisée pour la fabrication du vinaigre, mais les bactéries acétiques sont aussi responsables d’accidents dans les boissons fermentées.

• La fermentation méthanique, due à un certain nombre d’espèces bactériennes, se produit dans les milieux très humides et en anaérobiose : marais, digestion de boues, rumen des bovins. Les substrats attaqués sont quelques acides organiques et quelques alcools, mais non les glucides.

La fermentation méthanique est caractérisée par le dégagement de gaz méthane, qui forme les bulles que l’on voit crever à la surface des eaux stagnantes. Certains groupes de bactéries sont capables de mettre en fermentation les produits azotés, avec production d’ammoniac et de produits organiques semblables à ceux qui sont formés lors de la fermentation des glucides.


Applications et fermentations industrielles

L’emploi des fermentations a été longtemps une activité artisanale d’importance économique considérable ; elle a pris un essor industriel important avec le développement de la production des antibiotiques.

Dans les industries alimentaires, la fermentation intervient dans la préparation des aliments fermentés : boissons (vin, bière, cidre...), pains, laits fermentés et fromages, choucroutes, ensilages, production de vinaigre et de levure aliment.

Pour le traitement des eaux résiduaires urbaines, des industries agricoles, de papeteries, contenant de nombreuses substances biodégradables, les procédés de fermentation sont couramment utilisés, soit en aérobiose, soit en anaérobiose (digesteurs).

Mais c’est surtout dans l’industrie chimique et pharmaceutique que les fermentations ont eu longtemps une très grande importance économique. Cette industrie, traitant tout d’abord les surplus et les déchets agricoles, a permis la préparation de l’alcool à partir des mélasses, des pommes de terre, du jus de betterave, de décoctions de grains, de marcs de pomme ou de raisin, mais aussi d’autres solvants grâce à l’action de bactéries (acétone, butanol...). Cette branche est cependant en voie de disparition, car ces produits simples sont fabriqués maintenant par synthèse chimique. Aussi les industries de fermentations se sont-elles orientées vers la production de molécules plus complexes.

De nombreux acides organiques sont issus de fermentations par des moisissures ou des bactéries : acide citrique, acide gluconique, acide fumarique par exemple. Des protéines et des acides aminés sont également produits : les protéines sous forme de corps microbiens, généralement des levures ; au contraire, certains acides aminés particuliers sont préparés grâce à un certain nombre de micro-organismes sélectionnés.

Les composés stéroïdes (cortisone) sont extraits de milieux de fermentation où se sont développés des moisissures ou des bacilles. Souvent, dans ce cas, la fermentation n’intervient qu’à un des stades de la production, stade qu’il serait difficile de franchir par une synthèse purement chimique.

Les enzymes utilisées dans l’industrie textile, dans l’industrie alimentaire ou celle des détergents — telles qu’amylases, enzymes pectolytiques, protéases, glucose-oxydase —, des vitamines et certains pigments — tels qu’ergostérol, riboflavine, vitamine B12 —, et les dextranes employés pour la préparation de sérums artificiels sont élaborés par la voie des fermentations industrielles.

Les antibiotiques sécrétés par certaines moisissures et bactéries, tels que la pénicilline, la streptomycine..., sont obtenus par fermentations industrielles et sont à l’origine du développement accéléré de cette branche de l’industrie. Après avoir été longtemps préparés en petits récipients et en culture superficielle, ils ont évolué vers la préparation en culture immergée ; c’est dans cette branche de l’industrie des fermentations que les progrès sur les techniques de stérilisation industrielle (milieux, récipients, air), dans la conception et la construction des fermenteurs, dans la conduite des opérations en discontinu ou en continu, dans le contrôle des mousses, ont été les plus rapides.

Dans l’avenir, les procédés de fermentation seront en concurrence avec ceux de la synthèse chimique, mais ils s’étendront à des composés de structure très complexe, notamment à ceux qui sont optiquement actifs.

P. B.

 L. A. Underkofler et R. J. Hickey (sous la dir. de), Industrial Fermentations (New York, 1953 ; 2 vol.). / R. Y. Stanier, M. Doudoroff et E. A. Adelberg, The Microbial World (Englewood Cliffs, N. J., 1957 ; 2e éd., 1963 ; trad. fr. Microbiologie générale, Masson, 1966). / I. C. Gunsalus et R. Y. Stanier, The Bacteria, t. II : Metabolism (New York, 1961). / F. C. Webb, Biochemical Engineering (Londres, 1964). / S. Aiba, A. E. Humphrey et N. F. Millis, Biochemical Engineering (New York, 1965). / A. R. Prévot, A. Turpin et P. Kaiser, les Bactéries anaérobies (Dunod, 1967). / J. C. Senez, Microbiologie générale (Doin, 1969). / P. Simon et R. Meunier, Microbiologie industrielle et génie biochimique (Masson, 1970).