Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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femme (suite)

On peut voir une preuve supplémentaire des changements intervenus dans le fait que le public féminin, autrefois ignoré, est devenu un public auquel on s’adresse, pour lequel a été créée une presse, auquel sont destinées des émissions de radio, de télévision. Quel que soit le jugement que l’on peut porter sur la valeur de ces messages, leur existence n’atteste-t-elle pas qu’on a pris conscience de l’importance grandissante du rôle des femmes dans la société ?

Parallèlement, les structures familiales se sont modifiées. Individu responsable en dehors de la famille, la femme tend, dans la famille, à abandonner sa position traditionnelle de subordination. Des études de sociologie de la famille ont montré que certaines responsabilités qui étaient autrefois celles de l’homme, comme la gestion du budget ou la direction des études des enfants, lui incombent dans de nombreux cas. Cet état de fait a d’ailleurs été reconnu, en 1970, par des modifications dans la législation française, laquelle a remplacé le principe de l’autorité paternelle par celui de l’autorité parentale, c’est-à-dire du père et de la mère.


Les obstacles à l’évolution et à l’amélioration de la condition de la femme

C’est un fait que, pour toutes les sociétés industrielles, la condition féminine continue de poser nombre de problèmes dans certaines institutions, sur les plans politique, juridique ou professionnel. Ailleurs, on observe des domaines où aucune discrimination n’est clairement exprimée, mais où les clivages de fait sont nombreux. On pourrait en citer de multiples exemples. En France, par exemple, l’égalité des salaires masculins et féminins est réalisée dans la fonction publique et dans certains emplois du secteur privé ; on voit cependant subsister des inégalités, notamment dans les professions industrielles. Les branches dans lesquelles prédomine la main-d’œuvre féminine sont généralement celles dans lesquelles le niveau des salaires est le plus bas. On note aussi des différences entre salaires masculins et féminins pour des postes de même qualification. À partir d’une enquête trimestrielle, le ministère du Travail et de l’Emploi calcule un écart moyen global entre les salaires horaires des hommes et ceux des femmes occupant des postes de qualification identique. Au 1er janvier 1970, cet écart s’élevait à 7,9 p. 100 du salaire moyen masculin correspondant. De telles différences ont pu se maintenir, avec des fluctuations, bien que l’arrêté du 30 juillet 1946 ait abrogé tous les abattements jusque-là autorisés et bien que la France ait ratifié deux accords internationaux concernant l’égalité des rémunérations masculines et féminines pour un travail de valeur égale : la convention no 100 adoptée par la Conférence internationale du travail dans sa 34e session, en 1951, et le traité instaurant la Communauté économique européenne, dans son article 119.

Un autre problème, celui de l’égalité d’accès aux emplois, mérite aussi quelques développements. Les femmes ne représentent encore qu’un peu plus de 19 p. 100 de la population active dans les professions libérales, 3,5 p. 100 seulement parmi les ingénieurs, 12,8 p. 100 parmi les cadres administratifs supérieurs, 11,2 p. 100 parmi les techniciens. Malgré une évolution importante, un certain nombre d’examens ou de concours leur restent encore totalement ou partiellement fermés, et certains emplois sont considérés, sans justification précise, comme typiquement masculins. On constate d’autre part que, dans les ateliers, la proportion d’ouvriers qualifiés dépasse 40 p. 100 parmi les hommes et n’atteint pas 15 p. 100 parmi les femmes. Les développements, entre les deux guerres mondiales, de la rationalisation et de la simplification du travail ont multiplié les tâches non qualifiées, répétitives, à forte exigence de rapidité, plus souvent que les autres rémunérées au rendement. Les femmes ont été appelées, en nombre important, à occuper ces postes, sur lesquels elles se sont montrées très efficaces et où leur emploi s’avère particulièrement avantageux.

Il est évident que l’accès des femmes à des postes ou à des tâches qualifiés est lié à des problèmes de formation professionnelle. Bien que la mixité de principe des établissements de formation professionnelle, en France, ait été rappelée à plusieurs reprises dans des textes officiels, cette mixité n’existe pas en fait. De nombreux établissements continuent à ne recruter que des garçons, tandis que d’autres ne recrutent que des jeunes filles. Aussi le déséquilibre entre la formation professionnelle des jeunes gens et celle des jeunes filles ne se résorbe-t-il que très lentement, entretenant une notion, souvent contestable, de métier masculin et de métier féminin et trouvant une justification dans cette notion. Les types de formation sont également très différents. Au niveau V, celui d’une formation courte, 70 p. 100 des jeunes filles contre 10 p. 100 des jeunes gens reçoivent une formation économique (professions des bureaux, de la vente, du secteur sanitaire et social, formation ménagère). On constate par contre que 23 p. 100 des jeunes filles seulement et 60 p. 100 des jeunes gens reçoivent une formation industrielle. Encore celle-ci est-elle, dans plus de 80 p. 100 des cas, une formation pour les métiers de l’habillement. Il s’ensuit que la répartition des jeunes filles suivant la formation professionnelle ne correspond pas à l’emploi des femmes dans les différentes branches de l’activité. L’exemple des industries des métaux, où le nombre et le pourcentage des femmes n’ont cessé de croître depuis plus de 50 ans et où le nombre de jeunes filles en cours de formation est insignifiant, est à cet égard caractéristique.

La question de la formation professionnelle est, dans la période actuelle, d’autant plus importante que les perspectives de l’évolution des techniques posent, en ce qui concerne les femmes, des problèmes qu’on ne saurait négliger. L’introduction de l’automation transforme le contenu des tâches et modifie l’organisation du travail. Dans la mesure où elle rend le travail moins pénible, dans la mesure où elle devrait logiquement entraîner une réduction de la durée du travail, elle devrait être, en principe, un élément favorable au développement du travail féminin. Cependant les études entreprises dans ce domaine montrent au contraire que les premiers développements de l’automation ont eu le plus souvent comme conséquence, dans les emplois de bureau comme dans les emplois d’atelier, d’aggraver le clivage entre travaux masculins et féminins. Les femmes, en effet, ont rarement accès aux postes nouveaux dans les processus automatisés : on assiste le plus souvent à leur transfert vers les secteurs non automatisés des entreprises et plus précisément vers les postes où la rapidité et la précision gestuelles constituent encore les exigences essentielles des tâches à accomplir. Il faut toutefois être prudent lorsqu’on envisage les incidences des changements techniques. Il est possible de penser qu’une extension importante de l’automation pourrait ouvrir des perspectives nouvelles aux femmes. La condition essentielle serait leur accession à une formation professionnelle dont le niveau et la diversité leur donneraient des chances d’être appelées à des postes qui leur sont actuellement fermés.