Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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femme (suite)

Ces taux d’activité ne se répartissent pas non plus d’une manière égale suivant la situation de famille des femmes. Au 1er mars 1968, sur 100 femmes célibataires, 50 exerçaient une profession ; la proportion était de 34,2 p. 100 pour les femmes mariées, de 19 p. 100 pour les veuves, de 61,3 p. 100 pour les divorcées. On constate d’ailleurs que la courbe des taux d’activité féminins suivant l’âge est différente de la courbe des taux d’activité masculins. Le taux d’activité maximal se situe, pour les hommes, aux environs de l’âge de 27 ans et se maintient ensuite à un niveau élevé pour s’infléchir à partir de 50 ans. Pour les femmes, au contraire, le taux maximal se situe aux environs de 20 ans ; il décroît ensuite rapidement jusque vers l’âge de 36 ans pour remonter ensuite légèrement et décroître de nouveau à partir de 52 ans. L’influence de la maternité, qui contribue à éloigner les femmes du travail professionnel, est ici manifeste. Il est d’ailleurs caractéristique d’observer que les taux d’activité varient non seulement suivant le nombre d’enfants mais aussi suivant l’âge de l’enfant le plus jeune. Un fait doit cependant être souligné : quel que soit le nombre des enfants, les taux d’activité des femmes sont d’autant plus élevés que leur niveau d’instruction et de formation professionnelle est meilleur : au 1er mars 1968, sur 100 femmes de 25 ans ayant deux enfants de moins de 16 ans et n’ayant aucun diplôme, 18 exerçaient une profession ; on en comptait 48,2 p. 100 parmi celles qui avaient obtenu la première partie de baccalauréat ou un diplôme équivalent et 57,4 p. 100 parmi celles qui étaient titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur.

D’autre part, la comparaison entre les chiffres du recensement de 1968 et ceux du recensement de 1962 fait apparaître une hausse sensible des taux d’activité des femmes entre l’âge de 20 ans et l’âge de 50 ans, c’est-à-dire précisément pour la période au cours de laquelle on observe toujours les taux d’activité les plus bas. Une analyse plus détaillée montre qu’il s’agit aussi bien des femmes mariées que des femmes célibataires, veuves ou divorcées. Pour les femmes mariées ayant deux enfants dont l’un au moins est âgé de moins de deux ans, le taux d’activité est passé de 21,3 p. 100 en 1962 à 26 p. 100 en 1968, celui des femmes mariées mères de trois enfants dont un au moins a moins de deux ans est passé de 12,7 p. 100 à 14,1 p. 100. Cette augmentation des taux d’activité concerne donc même les femmes mariées ayant des enfants jeunes.

Un autre fait a été mis en lumière par le recensement de 1968, c’est l’augmentation, plus rapide parmi la population active féminine que parmi la population active masculine, du pourcentage de salariés. Celui-ci est passé en six ans de 72,1 p. 100 à 75 p. 100 du nombre des actifs pour les hommes et de 67 p. 100 à 72,6 p. 100 pour les femmes. Cela est important, car la condition de salarié implique, pour ces dernières, une dissociation plus fréquente entre la vie familiale et la vie professionnelle.

L’évolution de la participation des femmes à la vie professionnelle a joué un rôle important dans l’évolution de la condition féminine. L’histoire du mouvement syndical en offre un premier témoignage. C’est au cours du dernier quart du xixe s. que commence à se développer, en France, un mouvement syndical structuré. Pendant de longues années, l’appareil de direction syndicale reste presque exclusivement masculin, bien que les femmes soient déjà nombreuses dans les professions et malgré leur apport parfois important aux luttes ouvrières. Une évolution des esprits se fait toutefois jour. L’hostilité au travail des femmes — hostilité liée à la concurrence que les femmes, à cause de leurs bas salaires, opposent à la main-d’œuvre masculine —, très répandue dans la classe ouvrière avant 1914, s’estompe. L’évolution s’accélère par la suite et s’étend à tous les domaines de la vie sociale. Les dates clés des changements intervenus correspondent à des périodes pendant lesquelles les femmes ont eu un rôle important. C’est d’abord la Première Guerre mondiale, au cours de laquelle elles tiennent une place décisive tant dans la production que dans les mouvements qui marquent la fin de la guerre. C’est ensuite la période de 1936, à laquelle elles participent largement. C’est ensuite 1944 et la Libération. À ces mouvements correspondent des manifestations de l’évolution de la condition féminine : c’est après la Première Guerre mondiale que l’on voit, pour la première fois, en France, une femme responsable dans une fédération syndicale ; c’est après 1936 que se multiplie le nombre de femmes responsables dans les organisations ; c’est en 1945 que les femmes acquièrent le droit de vote et qu’elles peuvent, pour la première fois, être élues dans les assemblées politiques ; c’est en 1945 également que, pour la première fois, une femme est élue à un poste de secrétaire confédéral de la C. G. T. ; c’est en 1946 que l’arrêté du 30 juillet abroge tous les abattements, jusqu’alors autorisés, sur les salaires féminins. Ainsi, à partir de la participation des femmes à une activité professionnelle, se trouve posé le problème des droits que leur confère cette activité, en même temps que le problème des préoccupations d’ordre familial que la tradition leur assigne. Il y a donc passage, par l’intermédiaire de l’exercice d’une profession, à des droits, à des tâches et à des responsabilités nouvelles. Même s’il ne concerne pas toutes les femmes, il y a là un fait suffisamment important pour avoir amené des changements profonds dans l’image que la société se fait de leur rôle. Cette image ne peut plus être uniquement celle de la femme cantonnée dans des occupations ou dans des préoccupations d’ordre familial. Les femmes n’ont pas abandonné ces préoccupations ; elles les assument conjointement avec leurs tâches professionnelles. Il n’en reste pas moins qu’une transformation s’est opérée.