Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

fécondation (suite)

La monospermie

On peut se demander pourquoi un seul spermatozoïde, et non plusieurs, pénètre le gamète femelle. Ce ne sont pourtant pas, en principe, les spermatozoïdes qui manquent. De fait, le gamète femelle devient imperméable aux spermatozoïdes, pour autant qu’il ait été activé, avant même qu’il n’émette le liquide périvitellin. Il se produit probablement une modification corticale de la cellule sexuelle, et l’on constate que les autres spermatozoïdes ne sont plus attirés. Toutefois, chez certains Oiseaux, Reptiles, Sélaciens et Insectes, plusieurs spermatozoïdes peuvent pénétrer (œufs à activation lente). Un seul donnera le pronucleus mâle ; quant aux autres, leur destin varie suivant le cas.


Fécondation et gémellité

Bien entendu, plusieurs cellules sexuelles femelles mûres simultanément peuvent être fécondées chacune par un spermatozoïde. On obtient alors ce que, dans l’espèce humaine, on appelle des faux jumeaux. Il s’agit, en fait, de l’ensemble de la « portée » d’un animal. On conçoit que le nombre de ces fécondations dépende surtout du nombre des gamètes femelles arrivés à maturité en même temps. Ce nombre dépasse rarement l’unité dans l’espèce humaine, ce qui explique le caractère exceptionnel des faux jumeaux.


À quoi correspondent les étapes de la fécondation ?

La question, une fois la fécondation observée, s’est posée de savoir quel était le déterminisme de chacune des étapes que nous avons décrites.

On a eu recours à des expériences (dites « de parthénogenèse* expérimentale ») en vue de provoquer le développement, sans réelle fécondation, de la cellule sexuelle femelle. On a pu ainsi montrer que, pour obtenir un œuf qui se développe, il fallait que la cellule sexuelle femelle :
— 1o soit activée : le gamète femelle subit des modifications structurales (émission, en particulier, du liquide périvitellin). Il est le siège d’un remaniement des potentiels de membrane, d’une mobilisation d’enzymes et, peut-être, d’une épuration ;
— 2o subisse une régulation dite « astérienne » : le spermatozoïde apporte un centrosome lors de la fécondation. Autour de lui se forme un aster. Sur la Grenouille (Rana temporaria), Eugène Bataillon a montré qu’il suffit, en parthénogenèse expérimentale, pour que l’œuf se divise, d’inoculer un aster ;
— 3o complète à 2 n son stock haploïde de chromosomes (régulation chromosomique), ce qui justifie la nécessité d’une fusion nucléaire.

En 1944, Charles Thibault refroidit les gamètes femelles à l’intérieur des trompes d’une lapine pendant quinze à vingt minutes avec de la glace. Il obtient une activation (100 p. 100) et une segmentation de certains des œufs ainsi formés. Ces derniers proviennent des gamètes femelles qui n’ont pas émis leur second globule polaire, mais se retrouvent, grâce à l’amorce de cette division, avec un double stock de chromosomes.

On obtient les mêmes résultats avec la brebis, mais pas avec la rate, chez laquelle seule l’activation se réalise (elle aboutit toujours à l’émission du second globule polaire).


Fécondation et cycle chromosomique

Le rétablissement du nombre diploïde de chromosomes représente en effet une étape logiquement indispensable au déroulement de ce qu’on appelle le cycle chromosomique.

Les gamètes sont généralement haploïdes. La fécondation, en additionnant les chromosomes paternels et les chromosomes maternels, rétablit donc la diploïdie. On ne peut concevoir méiose (c’est-à-dire réduction chromosomique conduisant aux gamètes) sans fécondation ou fécondation sans méiose, dans la mesure où est conservé le nombre 2 n de chromosomes.

Les chromosomes sont porteurs de gènes* qui déterminent les caractères spécifiques de chaque être vivant. Ainsi, le génome paternel et le génome maternel sont identiques dans la mesure où tous deux déterminent les caractères de l’espèce à laquelle appartiennent les deux conjoints (par exemple l’espèce humaine), mais ils peuvent différer dans le cas où le mâle ne ressemble pas à la femelle. Si l’on se souvient qu’un seul chromosome peut porter plusieurs millions de gènes et que, par exemple, dans l’espèce humaine, il existe quarante-six chromosomes, on conçoit que l’individu nouveau qui naît du développement de l’œuf a peu de chance, statistiquement, de ressembler identiquement à un individu quelconque de son espèce, y compris ses parents.

Nous voyons qu’ainsi nous venons d’aborder le problème de l’hérédité. Sans fécondation, pas d’hérédité. La multiplication végétative donne naissance à des individus identiques à celui dont ils sont issus : cette propriété peut être intéressante lorsqu’on veut maintenir identiques à eux-mêmes certains caractères d’une génération à l’autre (agriculture). Toutefois, si la fécondation permet la naissance d’individus nouveaux, elle autorise aussi le maintien de certains caractères (croisement à l’intérieur de lignées pures) et assure, de toute façon, la transmission des caractères spécifiques. Elle peut donc être soit conservatoire, soit novatrice et même à la fois conservatoire et novatrice.


Fécondation et hybridation

En génétique mendélienne, l’hybridation est le croisement entre deux parents de la même espèce ne se différenciant que par un seul caractère (monohybridisme). Mais elle peut être tout aussi bien le croisement de deux individus de variétés différentes dans une espèce donnée, et même de deux espèces différentes (Chien-Loup, Chien-Chacal, Chameau-Dromadaire, Mouton-Mouflon, Lion-Jaguar, Ane-Jument, ce dernier croisement étant généralement stérile). Comment la fécondation, qui réapparie les chromosomes du père et ceux de la mère, peut-elle se produire entre espèces différentes qui ne possèdent pas les mêmes chromosomes ? En fait, on s’est rendu compte que le déséquilibre de certains hybrides provient du nombre disparate de chromosomes entre les conjoints. De toute façon, au moment de la méiose, il semble que le phénomène soit à l’origine de la stérilité de certains de ces hybrides.

J. Ph.