Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

fatigue (suite)

En fait, le plus grand nombre de cas de fatigue nerveuse relève d’affections mentales névrotiques. Il peut s’agir de névroses caractérisées, comme l’hystérie, l’hypochondrie, la psychasthénie et la névrose obsessionnelle, mais, plus fréquemment, ce sont des états névrotiques plus ou moins définis et complexes ou des affections psychosomatiques diverses. L’école psychanalytique a bien montré les mécanismes de l’asthénie névrotique. Il s’agit d’un symptôme directement issu des processus de défense inconscients contre l’angoisse. Freud a souligné le caractère épuisant de cette lutte que mènent les malades contre l’anxiété qui les dévore. Les névrosés sont aux prises avec des conflits psychologiques internes qu’ils ne parviennent pas à résoudre. Les conflits permanents non surmontés entraînent une asthénie nerveuse intense.

Mais il est encore d’autres catégories de malades qui souffrent de fatigue neuropsychique à la suite d’événements extérieurs pénibles ou traumatisants. Il s’agit de personnes normales ou simplement un peu fragiles qui sombrent dans un état dépressif asthénique à la suite d’un surmenage, d’un surcroît de responsabilités, d’activités trop nombreuses et dispersées, d’une tension psychologique continue dans le cadre d’un conflit professionnel, scolaire ou conjugal, d’un choc affectif brutal, d’un échec grave, d’une situation d’abandon, etc. Toutes ces causes extérieures peuvent engendrer un état acquis d’asthénie psychique que l’on nomme réactionnel. Outre ces causes psychologiques, des causes physiques sont aussi à l’origine d’états d’épuisement nerveux : il en est ainsi des traumatismes du crâne, des grossesses trop rapprochées, de certains traitements médicamenteux (neuroleptiques, tranquillisants), etc.

Quelles que soient ces causes psychologiques ou physiques, le résultat est une variété d’état dépressif appelée dépression nerveuse de type asthénique, ou dépression d’épuisement.

La thérapeutique des états d’asthénie neuropsychique varie suivant leurs causes. On fait appel, selon les cas, à la chimiothérapie (psychotoniques, toniques généraux, antidépresseurs, anxiolytiques) ou à la psychothérapie d’inspiration psychanalytique.

Tous les états réactionnels à des causes extérieures doivent être l’objet de mesures simples visant à aménager des conditions de vie différentes ou à agir sur les causes déclenchantes.

G. R.

 P. Chauchard, la Fatigue (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1956 ; 4e éd., 1968). / P. Bugard, la Fatigue. Physiologie, psychologie et médecine sociale (Masson, 1959) ; l’Usure par l’existence : bruit, rythme de vie, automation, ergonomie (Masson, 1964). / L. Chertok et M. Sapir (sous la dir. de), la Fatigue (Privat, Toulouse, 1968). / L. Petrescu, le Surmenage (Éd. universitaires, 1970). / F. Frisch, l’Homme fatigué (Privat, Toulouse, 1973).

Fāṭimides

Dynastie musulmane qui régna en Afrique du Nord au xe s., puis en Égypte de 973 à 1171.



La fondation

La dynastie fāṭimide tire son nom de Fāṭima, fille de Mahomet et femme du quatrième calife ‘Alī, lui-même cousin du Prophète. Ses origines remontent aux Ismaéliens, chī‘ites dont les partisans croient à l’apparition d’un mahdī — descendant de Mahomet par ‘Alī et Fāṭima dans la lignée d’Ismā‘īl — qui réalise la rénovation de l’islām et rétablit la justice parmi les hommes.

C’est précisément le chef de cette secte chī‘ite, ‘Ubayd Allāh Sa‘īd, devenu ‘Ubayd Allāh al-Mahdī après la prise du pouvoir, qui fonde la dynastie fāṭimide en 909 en Ifrīqiya. Le terrain lui a été préparé par les missionnaires de son organisation, appelés dā‘īs. L’un d’entre eux, Abū ‘Abd Allāh al-chī‘ī, envoyé en Afrique du Nord, sait gagner à la cause de son maître les Berbères Kutāmas, grâce auxquels il parvient à saper la domination arhlabide dans le Maghreb. Il occupe Raqqāda, de laquelle il chasse, en mars 909, le dernier arhlabide, Ziyādat Allāh III, pour y installer, le 5 janvier 910, ‘Ubayd Allāh Sa‘īd, qui prend le titre de mahdī et d’amīr al-mu’minīn (« prince des croyants »). Par ce dernier titre ‘Ubayd Allāh se pose déjà en rival du calife ‘abbāsside, considéré comme usurpateur par les Fāṭimides, qui estiment que le pouvoir doit revenir aux seuls descendants du Prophète. La conquête du Maghreb n’est d’ailleurs considérée par cette dynastie que comme une étape vers la domination de tout le monde musulman. Aussi, les Fāṭimides doivent-ils profiter de leur situation en Afrique du Nord pour se constituer une armée et une marine, et se préparer à la conquête de l’Orient. Ils parviennent à leur fin en 969, en établissant leur domination sur l’Égypte, qui devient très vite le centre de leur empire. Le quatrième calife, al-Mu‘izz, quitte l’Ifrīqiya en 972 pour s’installer au Caire (973), nouvelle capitale fondée par les Fāṭimides sur les rives du Nil.

La dynastie fāṭimide connaît donc deux périodes : une période africaine, qui va de 909 à 973, et une période orientale, qui va de 973 à 1171.


La période africaine

La nouvelle dynastie trouve un Maghreb partagé entre diverses idéologies musulmanes. Terre de refuge, l’Afrique du Nord abrite alors, outre le sunnisme sous sa forme malékite, le khāridjisme sous sa forme ibādite et sufrite, et aussi le chī‘isme sous une forme non ismaélienne. Ces deux dernières sectes sont même représentées par deux dynasties : les Rustémides Khāridjites de Tāhert et les Idrīsides ‘Alīdes de Fès.

Dans ces conditions, l’apparition des Fāṭimides ne peut qu’aggraver les contradictions idéologiques, provoquer des troubles et engendrer des difficultés. En outre, la division des Berbères en deux groupes — les Zénatas à l’ouest et les Ṣanhādjas, qui comprennent les Kutāmas, à l’est — constitue un facteur de perturbation. Ces difficultés sont encore accrues par les Omeyyades d’Espagne, qui, sunnites et contrôlant une partie du territoire maghrébin voisin de la péninsule, représentent une menace pour la nouvelle dynastie. À cela s’ajoute la lourde succession des Arhlabides en Sicile, où les Fāṭimides affrontent l’Empire byzantin.

Pour faire face à toutes ces difficultés, les nouveaux maîtres du Maghreb doivent consolider leurs assises dans ce pays. Mais cette entreprise est rendue difficile par l’application d’une politique fiscale très lourde, destinée à constituer un trésor de guerre pour assurer la conquête de l’Égypte et préparer l’installation de la dynastie sur les rives du Nil.