Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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fantastique (le) (suite)

Mais les cinéastes français semblent avoir un goût des plus modérés pour le surnaturel. Après ce riche début, le fantastique ne donne naissance en France qu’à très peu d’œuvres majeures. Une exception : les films de Jean Cocteau* qui sont tous visités par l’ange du bizarre et baignent dans un climat profondément onirique. Dès 1946, dans la Belle et la Bête, Cocteau manie avec virtuosité le fantastique poétique. Dans une œuvre où l’on traverse volontiers les miroirs et où la mort fait de fréquentes apparitions, Orphée (1949) et le Testament d’Orphée (1960) sont particulièrement significatifs.

Le groupe surréaliste français s’est intéressé également au cinéma fantastique. De ce courant sont nés de nombreux courts métrages expérimentaux et deux essais célèbres de Luis Buñuel* (Un chien andalou, 1928) et l’Âge d’or (1930).


Scandinavie

La Scandinavie, riche d’une longue tradition de littérature fantastique, produit, dans la période 1910-1920, quelques chefs-d’œuvre du genre, comme : le Navire spatial (1917) de Holger Madsen, premier récit de voyage sur Mars ; la Charrette fantôme (Körkarlen, 1920) de Victor Sjöström*, où apparaît une utilisation nouvelle de la surimpression ; la Sorcellerie à travers les âges (Häxan, 1921) de Benjamin Christensen.

La Sorcellerie à travers les âges constitue à la fois une recherche historique d’une surprenante richesse, un réquisitoire courageux contre la religion et, chose plus intéressante encore pour ces années où la psychanalyse se développe avec ampleur, une tentative pour mettre en parallèle les phénomènes de possession et d’hystérie. Mais le cinéma scandinave de cette époque est surtout marqué par Carl Dreyer, dont l’œuvre, de Feuillets arrachés au livre de Satan (1920) jusqu’à Dies irae (1943) et Ordet (1954), est imprégnée de la plus noble conception qui soit du fantastique et de l’indicible. Vampyr (1931) constitue dans ce domaine un des chefs-d’œuvre du genre.


Allemagne

Le cinéma allemand propose une tout autre notion du surnaturel. Dès 1912, Paul Wegener écrit le scénario de l’Étudiant de Prague. Il confie la réalisation de cette histoire (où un jeune homme a vendu au diable son reflet dans un miroir) à Stellan Rye, en se réservant le rôle principal.

En 1914, Paul Wegener et Henrik Galeen réalisent le Golem, d’après le roman de Gustav Meyrink. Homunculus, serial de six épisodes réalisés par Otto Rippert en 1916, prend pour thème essentiel la lutte du Bien et ses forces maléfiques. En 1919, c’est le Cabinet du Dr Caligari de Robert Wiene qui marque la véritable naissance de l’expressionnisme allemand.

Utilisant toutes les ressources des jeux d’ombre et de lumière, l’expressionnisme* donne au fantastique quelques-uns de ses sommets. En 1921, F. W. Murnau* tourne Nosferatu le vampire ; en 1924, Paul Leni réalise le Cabinet des figures de cire (Das Wachsfigurenkabinett), où apparaît notamment Jack l’Eventreur. Enfin, l’un des maîtres du fantastique de l’époque, Fritz Lang* signe successivement les Trois Lumières (Der müde Tod, 1921) et le Docteur Mabuse (Dr. Mabuse der Spieler, 1922). Mabuse, personnage très original de criminel fantastique, hantera Fritz Lang, qui le reprendra à trois reprises dans sa carrière. En racontant les méfaits de cet être hors du commun, Fritz Lang réussit à dépeindre avec minutie la grande confusion politique et sociale de l’Allemagne hitlérienne.


États-Unis

Aux États-Unis, le fantastique avait suivi de près l’apparition du cinéma. En témoignent un premier Frankenstein en 1910 (de J. Searle Dawlev), un Dr. Jekyll et Mr. Hyde en 1912 (de Lucius Henderson) et bien d’autres exemples. Après une période où les Américains se contentent de plagier l’avant-garde française, c’est la grande époque des films d’horreur et la première vague d’interprètes célèbres : John Barrymore, Conrad Veidt, Lon Chaney.

Les plus grands des réalisateurs ne dédaignent pas le genre. Ainsi, Griffith*, après avoir adapté plusieurs nouvelles d’Edgar Poe dans la Conscience vengeresse (The Avenging Conscience, 1914) tournera en 1922 One Exciting Night et en 1927 les Chagrins de Satan (The Sorrows of Satan). C’est encore en 1925 que Rupert Julian réalise son Fantôme de l’Opéra (The Phantom of the Opera), qui influencera très profondément la production américaine des années 30.

On attache volontiers l’étiquette « d’âge d’or du fantastique américain » à la période suivante, qui coïncide avec les débuts du cinéma parlant. La firme Universal va produire une série impressionnante de chefs-d’œuvre. Les noms les plus prestigieux sont ceux des réalisateurs James Whale et Tod Browning et des acteurs Boris Karloff et Bela Lugosi.

En 1931, c’est le Dracula de Tod Browning, d’après l’œuvre de Bram Stoker. Le même Tod Browning donnera ensuite la Monstrueuse Parade (Freaks) en 1932, la Marque du vampire (Mark of the Vampire) en 1935, les Poupées du diable (The Devil Doll) en 1936.

James Whale, de son côté, réalise successivement Frankenstein en 1931, l’Homme invisible (The Invisible Man) en 1933, la Fiancée de Frankenstein (The Bride of Frankenstein) en 1935 et l’Homme au masque de fer (Man in the Iron Mask) en 1939.

E. B. Schoedsack tourne deux films devenus classiques : les Chasses du comte Zaroff (The Most Dangerous Game en collab. avec Irving Pichel) en 1932 et King Kong (en collab. avec Merian Cooper) en 1933. Mais, dès 1936, l’inspiration s’épuise. Apparaissent alors quelques comédies fantastiques, comme le Couple invisible (Topper, 1937) de Norman Z. McLeod ou les deux films de René Clair* : Ma femme est une sorcière (I married a Witch, 1942) et C’est arrivé demain (It happened Tomorrow, 1944).

Il faut attendre les années 50 pour qu’un nouveau courant se dessine, à la suite de la réussite de l’Étrange Créature du lac Noir (Creature from the Black Lagoon, 1954) de Jack Arnold. Des kyrielles de films à la frontière du fantastique et de la science-fiction se consacrent aux aventures de certaines créatures mi-hommes, mi-bêtes. Parmi la médiocrité générale, Les monstres attaquent la ville (Them, 1954) de Gordon Douglas est une heureuse exception.

Sans embrasser sous le vocable fantastique toute l’œuvre de Hitchcock*, placée plutôt sous le signe de l’épouvante, il faut citer néanmoins les Oiseaux (The Birds, 1963), inquiétant thriller à la limite de l’épouvante et de la science-fiction.