Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

expressionnisme (suite)

peintre belge (Gand 1883 - id. 1939). Il vit à Laethem-Saint-Martin de 1904 à 1914. À Amsterdam, pendant la guerre, il découvre le cubisme ainsi que l’expressionnisme allemand, exécute gravures sur bois et peintures sous cette double stimulation. De retour en Belgique (1922), il s’installe à Afsnee, puis à Gand (1926). Son expressionnisme, de caractère bientôt onirique, rapproche son évolution de celle des Allemands de la Neue Sachlichkeit. Après 1927, il donne du surréalisme une version bien flamande, où le fantastique le dispute au monstrueux.

➙ Allemagne / Belgique / États-Unis / Mexique / Réalisme / Symbolisme.

 K. Lemmer, Max Pechstein und der Beginn des Expressionismus (Berlin, 1949). / L. G. Buchheim, Die Künstlergemeinschaft Brücke (Feldafing, 1956). / B. S. Myers, Expressionism, a Generation in Revolt (Londres et New York, 1957 ; trad. fr. les Expressionnistes allemands, une génération en révolte, les Productions de Paris, 1967). / P. Selz, German Expressionist Painting (Los Angeles, 1957). / L. G. Buchheim et F. Bay, Graphik des deutschen Expressionismus (Feldafing, 1958). / P. P. Haesaertz, Laethem-Saint-Martin, le village élu de l’art flamand (l’Arcade, Bruxelles, 1965). / W. Hofmann, Moderne Malerei in Österreich (Vienne, 1965). / B. Rose, American Art since 1900 (New York, 1967 ; trad. fr. l’Art américain depuis 1900, Éd. de la Connaissance, Bruxelles, 1969). / J. Willet, Expressionism (Londres, 1971 ; trad. fr. l’Expressionnisme dans les arts, 1900-1968, Hachette, 1971). / J. E. Muller, l’Expressionnisme (Hazan, 1973). / L. Richard, Expressionnistes allemands (Maspéro, 1974).
CATALOGUES D’EXPOSITIONS : L’Espressionismo (palazzo Strozzi, Florence, 1964). / Le Fauvisme français et les débuts de l’expressionnisme allemand (musée d’Art moderne, Paris, 1966).


L’expressionnisme au cinéma

L’expressionnisme cinématographique, qui n’apparaît véritablement en Allemagne qu’à partir de 1919 (date de tournage du film-manifeste, le Cabinet du Dr Caligari de Robert Wiene), est ainsi nettement postérieur au courant expressionniste pictural et littéraire. Historiquement, il naît dans un climat social et politique troublé.

L’Allemagne vaincue se sent attirée vers de nouvelles idéologies ; elle emprunte de nouveau les chemins du légendaire pour oublier les cicatrices de la guerre et se laisser volontiers séduire par les thèmes à résonances mystiques ou magiques.

Accusé de démanteler, de pulvériser la vérité en facettes multiples et superficielles, l’impressionnisme est rejeté, car il rend compte d’une réalité forcément éphémère. L’expressionnisme se propose, lui, d’atteindre « à la signification éternelle des faits et des objets » selon le mot de Lotte H. Eisner. Les libertés prises avec la perspective, la déformation volontaire des objets, l’usage très particulier des jeux d’ombres et de lumière, l’importance primordiale des décors, l’attrait de certains lieux privilégiés (corridors, escaliers, etc.), l’utilisation de plus en plus ingénieuse de truquages spécifiquement cinématographiques marquent le nouveau style, qui semble avant tout rechercher un continuel dépassement du réel. Aussi voit-on les décors naturels disparaître peu à peu au profit du tournage exclusif en studio. Les acteurs adoptent une mimique saccadée, un maquillage parfois outrancier, des costumes stylisés à l’extrême. Les thèmes, très souvent inspirés par le fantastique, voire l’horreur, reflètent indiscutablement l’angoisse sociale de l’époque. Pendant plusieurs années, les écrans allemands verront ainsi défiler une véritable galerie de monstres.

Dans le développement du cinéma expressionniste allemand, les considérations financières joueront un rôle non négligeable. Ainsi, les décors plats sur toile qui détermineront le jeu des acteurs de Caligari ont été peu ou prou imposés au réalisateur Robert Wiene par ses décorateurs* (Hermann Warm, Walter Reimann et Walter Röhrig) tout autant pour des raisons de restrictions budgétaires que pour des motifs artistiques.

Il est certes possible de déceler certaines tendances expressionnistes dans des films tels que l’Étudiant de Prague (Der Student von Prag, 1913) et la Maison sans porte ni fenêtre (Das Haus ohne Fenster, 1914) de Stellan Rye, dans la première version du Golem (1914) de Paul Wegener et Henrik Galeen d’après le roman de Gustav Meyrink, ou dans certains sériais comme Homunculus (1916) d’Otto Rippert, notamment par l’usage fréquent du clair-obscur, déjà fort prisé au théâtre dans les mises en scène de Max Reinhardt. Mais le Cabinet du Dr Caligari (Das Kabinett des Dr. Caligari, 1919) de Robert Wiene, d’après le scénario de Carl Mayer, semble bien être le premier film intégralement expressionniste. L’interprétation de Werner Krauss dans le rôle du docteur démoniaque et celle de Conrad Veidt dans le rôle du somnambule dépassent les frontières du simple symbolisme à force d’outrance et de schématisation. Caligari apparaît comme le premier de ces personnages qui défient à la fois la sensibilité et la morale, le premier de ces monstres et de ces tyrans qu’exaltera, tout en les dénonçant, le cinéma allemand des années 20. Poursuivant ses recherches, Robert Wiene signe en 1920 Genuine (décors de César Klein), en 1923 Raskolnikow (décors d’Andrei Andreiev) et en 1925 les Mains d’Orlac (Orlacs Hände).

Parmi les autres films de l’époque se réclamant plus ou moins ouvertement du mouvement expressionniste, il faut citer la seconde version du Golem (Der Golem, Wie er in die Welt kam, 1920) de Paul Wegener, De l’aube à minuit (Von Morgens bis Mitternachts, 1920), de Karl Heinz Martin, d’après la pièce de Georg Kaiser, et le Montreur d’ombres (Schatten, 1923) d’Arthur Robison.

L’expressionnisme dans sa forme la plus absolue (le « caligarisme ») ne durera que quelques années. Le Cabinet des figures de cire (Das Wachsfigurenkabinett, 1924) de Paul Leni sera son chant du cygne. Dans ce film, le réalisateur mettant en scène Ivan le Terrible, Hārūn al-Rachīd et Jack l’Éventreur utilisera au maximum le pouvoir terrifiant des décors et marquera en même temps les limites d’un genre.