Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

expressionnisme (suite)

C’est ainsi que les œuvres de Peter Behrens (1868-1940) et de Hans Poelzig (1869-1936), autour de 1910-1920, peuvent être qualifiées d’expressionnistes (Poelzig est d’ailleurs l’architecte de Max Reinhardt), de même que celles qui sont issues de l’activité du Novembergruppe de Berlin — une association de peintres et d’architectes étroitement liée au spartakisme et à laquelle on doit un projet de réforme de l’architecture, la publication d’albums d’architecture fantastique ainsi que l’organisation d’une exposition en avril 1919 : le vocabulaire de l’architecture moderne s’y est défini à travers les projets théoriques de Mies* van der Rohe et les esquisses utopiques des frères Taut (Bruno [1880-1938] et Max [né en 1884]), des Luckhardt (Hans [1890-1954] et Wassili [né en 1889]), de Hermann Finsterlin (né en 1887) ou de Hans Scharoun*. Puis le mouvement s’est concrétisé dans des œuvres telles que l’observatoire d’Einstein à Potsdam (1920) par Erich Mendelsohn (1887-1953), le temple à plan centré d’Essen (1922-1930) par Otto Bartning (1883-1959), la ferme de Garkau (1923) par Hugo Häring (1882-1958) ou le théâtre d’Iéna (1923) par Walter Gropius*, depuis peu directeur du Bauhaus de Weimar.

Pourtant, l’architecture expressionniste n’a pas eu grand avenir : seule l’utopie lui convenait ; bientôt, l’expérience du Bauhaus* aboutira au fonctionnalisme. Dès lors, l’expressionnisme n’est plus qu’une manifestation irréaliste (Goetheanum de Dornach [1924-1928] par Rudolf Steiner, fondateur de la théosophie) ou provinciale (école de Hambourg), quand elle ne tombe pas dans un simple régionalisme (école d’Amsterdam, dont la revue Wendigen est pourtant le grand manifeste de l’architecture expressionniste). L’expressionnisme ne devait reprendre vie qu’après la Seconde Guerre mondiale, dans l’œuvre tardive de Hans Scharoun (Philharmonie de Berlin, 1963), dont le style vigoureux régénérait l’excessive élégance de l’esthétique puriste, devenue conventionnelle.

F. L.


Les maîtres de l’expressionnisme graphique et pictural

Voir aussi les articles : Kokoschka, Kooning (de), Nolde, Permeke, Pollock, Soutine.


Max Beckmann,

peintre et graveur allemand (Leipzig 1884 - New York 1950). Après des études à l’académie de Weimar, il s’installe à Berlin. Son œuvre reflète alors un esprit foncièrement réaliste, hostile à l’expressionnisme. Mais à Francfort, pendant la guerre, il exécute en 1915 de grandes compositions influencées par les retables des primitifs allemands. Ce baroquisme véhément s’apaise après 1920. Beckmann attache sur les scènes de la vie citadine et sur lui-même (nombreux autoportraits) un regard sans indulgence, d’une objectivité désenchantée. Les diptyques et triptyques qui jalonnent sa carrière témoignent d’un romantisme symbolique, également pessimiste. Professeur à l’école des beaux-arts de Francfort, Beckmann fut destitué par les nazis, se retira d’abord à Berlin (1933-1937), puis émigra à Amsterdam et enfin à New York.


Gustave De Smet,

peintre belge (Gand 1877 - Deurle 1943). Élève de l’académie de Gand (1888-1895), il s’installe à Laethem-Saint-Martin (1901-1914). En Hollande, il inaugure en 1916-17 sa période expressionniste, la plus importante. De retour en Belgique (1922), il se fixe d’abord à Afsnee (1923), puis à Deurle (1927). Les influences subies (celles du cubisme et de Léger* en particulier) se décantent au profit d’un style ferme, riche en nuances, consacré à l’éloge discret de la vie provinciale et rustique flamande dans ses aspects les plus quotidiens. Après 1935, il évolue vers un réalisme beaucoup moins transposé.


Otto Dix,

peintre et graveur allemand (près de Gera, 1891 - Singen 1969). Il se forme à Dresde (1909-1914), où il est professeur de 1927 à 1933. Il subit un moment l’influence du futurisme et participe à l’activité de dada* à Berlin. Bientôt, son dessin dur et mordant, sa couleur froide sont adaptés à l’observation satirique, dénonciatrice des tares de la société de l’après-guerre. Le souvenir des maîtres anciens des xve et xvie s. (Cranach*, Altdorfer*) est flagrant d’autre part dans ses paysages et ses nus, et se maintient jusque dans son œuvre tardive, quand il se retire sur les bords du lac de Constance, à Hemmenhofen.


George Grosz,

peintre, graveur et dessinateur allemand (Berlin 1893 - id. 1959). Il donne sa première caricature au Berliner Tageblatt en 1910. Jusque vers 1920, son œuvre est marquée par le futurisme et parfois par la peinture métaphysique de Giorgio De Chirico*. Son antimilitarisme le conduit dans les rangs de dada dès 1917. Il abandonne ensuite cet irréalisme provocateur pour une manière plus directement accessible et attaque, dans ses recueils de dessins et de gravures comme dans ses tableaux, la société allemande enrichie par la guerre. Après plusieurs démêlés avec la justice, il doit partir pour New York en 1932, et, en pays capitaliste, sa situation de réfugié politique gêne quelque peu son inspiration satirique. Citoyen américain depuis 1938, il revient à Berlin en 1959, peu avant d’y mourir.


Erich Heckel,

peintre et graveur allemand (Döbeln 1883 - Hemmenhofen, lac de Constance, 1970). Étudiant en architecture à Dresde en 1904, il rencontre Kirchner et devient l’année suivante un des fondateurs de Die Brücke. Sa maîtrise de graveur et de lithographe est très précoce, et ses tableaux antérieurs à 1910 sont nettement influencés par ces techniques. À partir de 1912, il s’intéresse à l’organisation spatiale du cubisme. Le meilleur de son œuvre est consacré au paysage et à la figure, surtout au nu. Installé à Berlin après la guerre, il évolue vers un réalisme très objectif (paysages, vues citadines). Son atelier berlinois détruit en 1944, il se retire à Hemmenhofen.


Ernst Ludwig Kirchner,