Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

explosif (suite)

Jusque vers 1910, le seul explosif d’amorçage pratiquement utilisé fut le fulminate de mercure, poudre blanchâtre, très dense, de formule (CNO)2Hg, obtenue par l’action sur l’alcool éthylique d’une solution de nitrate mercurique dans l’acide nitrique. Depuis une vingtaine d’années, le fulminate de mercure a été remplacé dans presque tous les pays par l’azoture de plomb (PbN6), qui est préparé par une réaction métathétique entre un sel de plomb soluble, tel que l’acétate, et l’azoture de sodium, l’un et l’autre en solution aqueuse ; l’azoture de sodium NaN3 est obtenu par la réaction de l’hémioxyde d’azote sur l’amidure de sodium. Le fulminate de mercure et l’azoture de plomb ne sont pas des explosifs puissants, mais ils sont très sensibles au choc, et leurs fabrications sont assez dangereuses.

Aux États-Unis, on emploie, quoique à moins grande échelle que l’azoture de plomb, le diazodinitrophénol, poudre cristalline brune. Le tétrazène est un explosif primaire qui sert à faire des amorces.


Du point de vue de la constitution chimique

Un explosif peut être soit un composé défini, soit un mélange. Dans la chimie tant minérale qu’organique, on compte par milliers les composés explosifs, dont certains, comme l’ozone, le dioxyde de chlore ou le diazométhane, sont gazeux ; mais le nombre de ces corps que l’on peut employer tels quels est peu élevé, car des raisons diverses (stabilité chimique insuffisante, sensibilité aux chocs trop élevée, prix de revient trop grand, etc.) s’opposent à leur utilisation. Les substances explosives usuelles sont le plus souvent des mélanges, dont certains sont assez complexes. Les composés explosifs pratiquement employés sont, outre les explosifs d’amorçage, des esters nitriques ou des dérivés nitrés ; bien que les corps de ces deux familles soient pratiquement obtenus par l’action d’un mélange d’acides sulfurique et nitrique sur le corps à nitrer, ils présentent d’importantes différences.

Les esters nitriques. Caractérisés par le groupement —O—NO2, ils sont facilement saponifiables et se décomposent plus ou moins rapidement entre 150 et 200 °C. Les principaux sont la nitroglycérine, les nitro-celluloses et la penthrite.

• La nitroglycérine est le trinitrate de glycérol
CH2ONO2—CHONO2—CH2ONO2,
qu’Ascanio Sobrero (1812-1888) découvrit en 1846 à Turin. On l’obtient par l’action d’un mélange sulfonitrique sur de la glycérine de bonne pureté. C’est un liquide ayant l’aspect de l’huile, de densité 1,60, très peu soluble dans l’eau et assez sensible aux chocs. Elle entre dans la composition des dynamites et des poudres. En nitrant un mélange de glycérine et de glycol, on obtient un mélange de nitroglycérol et de dinitrate de glycol qui sert à faire les dynamites « antigel ».

• Les nitrocelluloses sont les esters nitriques de la cellulose ; celle-ci est un composé macromoléculaire dont l’unité fondamentale est un hétérocycle C6H10O5 comprenant trois fonctions alcool. Pendant longtemps, la seule matière première cellulosique employée fut le coton. En 1847, à Bâle, Christian Friedrich Schönbein (1799-1868) observa que le coton suffisamment nitré possède des propriétés explosives qui firent donner à ce corps le nom de fulmi-coton ; mais la fabrication des cotons nitrés ne prit d’importance qu’après la découverte, en 1865, par sir Frederick Augustus Abel (1827-1902), du procédé de purification et de stabilisation de ces produits. Depuis 1930 environ, on a pu faire des nitrocelluloses en utilisant comme matière première de la cellulose tirée du bois (pâte de bois blanchie). La fabrication des nitrocelluloses comprend la nitration proprement dite, suivie de l’essorage de l’acide résiduaire, puis de la stabilisation, qui s’obtient en traitant de façon prolongée la nitrocellulose brute par de l’eau bouillante : les nitrocelluloses destinées à entrer dans la fabrication des poudres subissent en outre un pilage sous l’eau qui les réduit en fins éléments. Les nitrocelluloses, qui, à l’état sec, sont des explosifs sensibles au choc et à la flamme, sont, avant leur utilisation, conservées sous forme très humide (25 p. 100) ; leur manipulation, leur stockage et leur transport présentent alors une grande sécurité.

• La penthrite est le tétranitrate du pentaérythritol ; cet alcool, de formule C(CH2OH)4 et que l’on obtient synthétiquement par condensation du formaldéhyde et de l’acétaldéhyde en présence d’une base, est connu depuis 1891 ; à partir de 1930, on a commencé à le produire industriellement en vue de préparer son ester nitrique, de formule C(CH2ONO2)4, corps cristallisé, fondant à 141 °C et assez sensible aux chocs. De même, depuis 1960, la nitration du sorbitol donne un hexanitrate de formule
CH2ONO2—(CHONO2)4—CH2ONO2,
corps fondant à 54 °C et qui, en mélange avec la nitroglycérine, peut entrer dans la composition des dynamites « antigel ».

Les dérivés nitrés. Les dérivés nitrés, dans lesquels le groupe NO2 est lié soit au carbone (hydrocarbures nitrés), soit à l’azote (nitramines), sont plus résistants à l’action des bases et ne se décomposent généralement qu’au-dessus de 200 °C. Jusque vers 1930, les seuls dérivés nitrés utilisés dans l’industrie des explosifs dérivaient d’hydrocarbures aromatiques, de phénols ou de l’aniline. Le trinitrophénol, ou acide picrique, de formule C6H2(OH)(NO2)3, autrefois utilisé pour teindre la laine en jaune, a été, à partir de 1885, employé en France, sous le nom de mélinite, au chargement des obus explosifs ; à une moindre échelle, il en a été de même du trinitrométacrésol (crésylite). En Allemagne, puis dans d’autres pays, on a utilisé à partir de 1903 le trinitrotoluène, ou tolite, de formule C6H2(CH3)(NO2)3 et qui, grâce à son faible point de fusion (80,7 °C), peut facilement être coulé à l’état fondu dans les engins explosifs. Les dinitronaphtalènes et trinitronaphtalènes, dont les propriétés explosives sont plus faibles que celles des corps précédents, servent surtout dans des mélanges. Parmi les dérivés de l’aniline, seule la trinitrophényl-méthyl-nitraminé, appelée tétryl, a gardé quelque importance ; elle sert surtout à charger des gaines-relais.