Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

exploitation agricole (suite)

Les S. A. F. E. R.

C’est ce rôle que les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, organismes à forme privée, agréés et contrôlés par l’État, et ne poursuivant aucun but lucratif, sont chargées d’assumer. Pour pouvoir remplir leur mission, elles ont besoin de capitaux importants, qui leur sont fournis par l’État. À cet effet, des crédits budgétaires leur sont ouverts. Ils doivent leur permettre d’acquérir des propriétés offertes à la vente en vue de les recéder, dans des conditions favorables, à des agriculteurs offrant des garanties morales et professionnelles suffisantes. Les acquisitions peuvent concerner soit de petites exploitations, qui seront à recéder généralement à des exploitants, soit de grandes propriétés, qui seront divisées pour les recéder à des exploitants voisins ou pour constituer des exploitations moyennes se situant au-dessous des cumuls autorisés (variables selon les départements) et sur lesquelles seront installés des exploitants venant, au besoin, d’autres régions au titre de migrants. Pour faciliter ces acquisitions, les S. A. F. E. R. bénéficient d’un droit de préemption, c’est-à-dire d’un privilège d’acquisition par rapport aux acquéreurs ordinaires. Mais ce droit de préemption ne joue pas à l’égard de certaines catégories d’acquéreurs privilégiés, tels le preneur en place, les collatéraux, alliés et parents jusqu’au quatrième degré inclus. Il disparaît aussi dans les cas d’échanges d’immeubles ruraux et de vente de terrains à bâtir. Ainsi, un nombre important de ventes peuvent échapper en fait aux S. A. F. E. R.

Les acquisitions doivent être recédées dans un délai maximal de cinq ans, pendant lequel les S. A. F. E. R. auront la possibilité de faire exécuter les travaux d’amélioration foncière nécessaires et de trouver des acquéreurs qualifiés. Mais, durant ce délai d’attente, ces sociétés peuvent faire cultiver elles-mêmes ou consentir des locations provisoires à des voisins. Elles ne doivent pas réaliser de bénéfices, mais peuvent récupérer dans les prix de vente une partie plus ou moins importante des dépenses faites pour améliorer la situation foncière des propriétés à recéder. Le produit des ventes, en faisant retour à elles, leur procure une sorte de fonds de roulement leur permettant d’entreprendre de nouvelles acquisitions.

Sans que les S. A. F. E. R. aient eu à abuser des moyens mis à leur disposition (notamment du droit de préemption), elles ont amélioré la connaissance et l’information sur le marché foncier, ne serait-ce que par ce qu’elles disposent de renseignements plus précis sur le volume des transactions foncières, au moyen des notifications de vente que les notaires sont obligés de leur adresser ou de l’obligation faite aux acquéreurs et vendeurs d’indiquer les prix réellement pratiqués. Dans les régions où leurs interventions sont les plus fréquentes, les exploitants tendent de plus en plus à s’adresser à elles lors des transactions projetées. Finalement, les S. A. F. E. R. ont rempli le rôle d’accroissement des surfaces des exploitations de taille insuffisante qui leur avait été assigné par la loi d’orientation agricole du 5 août 1960. Elles ont également contribué à freiner la hausse du prix des terres destinées aux agriculteurs.

Ce dispositif a été complété par une série de mesures prises dans le cadre du F. A. S. A. S. A. (Fonds d’action sociale pour l’aménagement des structures agricoles). Cet organisme tend à la fois à inciter les agriculteurs âgés à libérer les terres qu’ils occupent, en leur octroyant une indemnité viagère de départ leur assurant une retraite décente, et à faciliter le transfert d’agriculteurs d’exploitations non viables sur des exploitations qui le sont.


Les modèles économiques d’exploitation agricole

À la suite d’une longue évolution technique, on distingue différents types économiques d’exploitations agricoles.

En fonction du degré d’ouverture aux marchés, on oppose fondamentalement l’exploitation de subsistance et l’exploitation commerciale. Dans l’exploitation de subsistance, l’exploitant ne désire que (ou bien ne parvient qu’à) trouver les moyens de subsister dans un certain mode de vie : la production sert surtout à l’autoconsommation. Il faut citer un cas particulier de ce type : les « domaines-retraites », occupés par des agriculteurs âgés. Dans l’exploitation commerciale, l’agriculteur produit pour vendre et obtenir des revenus.

Du point de vue du chef d’entreprise, on distingue l’exploitation individuelle (avec un seul chef), l’exploitation collective (avec un grand nombre de coopérateurs : kolkhozes soviétiques, kibboutsim israéliens ; il n’existe guère d’exploitations coopératives en France) et l’exploitation en société (avec quelques entrepreneurs associés). En France, peu de sociétés anonymes forment le support juridique et financier d’exploitations agricoles.

La législation française a institué une formule privilégiée de société d’exploitation, le groupement agricole d’exploitation en commun (G. A. E. C), qui, à condition d’être reconnu par la puissance publique après avis d’un comité d’agrément, bénéficie d’un certain nombre de prérogatives particulières. L’agrément n’est donné qu’aux groupements qui remplissent un certain nombre de conditions, et en particulier à ceux dans lesquels tous les membres participent effectivement au travail commun : les G. A. E. C. sont ainsi des formules privilégiées d’agriculture de groupe réservées à de véritables agriculteurs. En réalité, la création du G. A. E. C. correspond à une évolution générale dominée par un processus d’industrialisation et de concentration des moyens de production. La loi française du 31 décembre 1970 institue, par ailleurs, le groupement foncier agricole (G. F. A.), destiné à empêcher, lui aussi, une trop forte atomisation des exploitations agricoles.

En fonction de la structure des moyens de production, on oppose encore l’exploitation familiale à la grande entreprise agricole de type capitaliste.