Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

évolution biologique (suite)

Il faut atteindre le xviiie s. pour noter des progrès dans l’idée d’évolution. Tout un concours de circonstances favorise l’épanouissement des idées nouvelles : on commence à se libérer des fables et des superstitions pseudo-scientifiques, l’inventaire des faunes et des flores suscite la détermination des espèces et les travaux de John Ray en Angleterre et de Jacob Theodor Klein en Allemagne. Mais c’est principalement Linné*, le père de la systématique, qui, en créant la nomenclature binominale, apporte un peu d’ordre dans le chaos des formes. Les animaux et les plantes comprennent des types distincts et définis, les espèces. Ces espèces sont-elles immuables ? Ou bien passent-elles de l’une à l’autre ? Linné, qui avait écrit : « On ne compte pas plus d’espèces aujourd’hui qu’il n’en est sorti des mains du Créateur », se demande si le Créateur n’avait pas à l’origine créé un certain nombre d’espèces, toutes les autres étant « filles du temps » (1742). Un botaniste français, Marchait, avait observé, quelques décennies auparavant, une Mercuriale à feuilles laciniées ; cette nouvelle plante lui avait suggéré que le Créateur aurait créé des modèles qui se diversifiaient après en de nombreuses espèces. Des exemples analogues furent signalés par Michel Adanson, Antoine Nicolas Duchesne.

La première expression de l’évolutionnisme revient à un géomètre philosophe, Pierre Louis Moreau de Maupertuis (1698-1759). Dans trois ouvrages, Vénus physique (1745), Cosmologie (1750) et Système de la nature (1751), celui-ci montre qu’il a compris l’importance des variations héréditaires et de la sélection. Le climat et la nourriture conditionnent les variations, mais beaucoup moins que les modifications des liqueurs séminales.

Diderot suit les idées de Maupertuis en les modifiant ; il discute de l’élimination des inaptes et donc de la sélection. Dans les Éléments de physiologie, il annonce Lamarck : « L’organisation détermine les fonctions et les besoins, et quelquefois les besoins refluent sur l’organisation, et cette influence peut aller quelquefois jusqu’à produire des organes, toujours jusqu’à les transformer [...]. Le défaut continuel d’exercice anéantit les organes. L’exercice violent les fortifie et les exagère. Rameur à gros bras, portefaix à gros dos [...]. Je ne suis pas éloigné de croire que la longue suppression d’un bras n’amenât une race manchote. »

Unité du monde vivant, variations fortuites ou provoquées par le milieu, atavisme, effet de l’usage et du non-usage, hérédité des caractères acquis, élimination des inadaptés, telles sont les grandes idées que ces deux précurseurs ont introduites dans la science.

Buffon* est-il lui aussi un grand précurseur de l’évolutionnisme ? Les avis sont bien partagés ; certains assurent qu’il aurait dissimulé ses idées évolutionnistes afin d’éviter les tracasseries religieuses. Ses opinions sont souvent contradictoires ; il défend tantôt la permanence de l’espèce, tantôt une diversification graduelle à partir d’une souche commune. Il constate la variation des animaux et des plantes et l’attribue à des causes multiples : nourriture, climat, changements d’habitude, domestication.

Erasmus Darwin (1731-1802), médecin, poète, naturaliste, grand-père de Charles, affirme dans sa Zoonomie l’évolution graduelle du monde vivant : tous les êtres vivants tirent leur origine d’une filament primordial à qui la grande cause première a donné la faculté d’acquérir de nouvelles parties et de nouveaux penchants. Il souligne le rôle important des efforts, les acquisitions individuelles se transmettant à la descendance : il s’agit donc de la transmission des caractères acquis.

Lamarck*, disciple de Buffon, fut le premier à formuler une théorie de l’évolution. Son œuvre eut un grand retentissement, mais peut-être pas autant qu’elle le méritait. Elle suscita de vives critiques, notamment de Cuvier, qui était antiévolutionniste, mais dont les travaux d’anatomie comparée et de paléontologie apportaient des arguments à l’évolutionnisme.

Puis vint Charles Darwin*, qui exerça une influence décisive sur les idées. Darwinisme, néo-darwinisme, mutationnisme conduisent à la période actuelle.


Les preuves de l’évolution

Diverses disciplines fournissent des preuves du phénomène de l’évolution.


Les preuves paléontologiques

Le paléontologiste constate la variation dans le temps, il observe le film de l’évolution réelle des êtres vivants ; il voit « le mouvement des caractères » dans une série d’êtres alliés pendant de longues périodes.

À quelle époque sont apparus les premiers êtres vivants ? Grâce à l’horloge du temps fondée sur la radio-activité de l’uranium, on estime que l’âge de la croûte terrestre remonterait au moins à trois milliards d’années. Les durées, en millions d’années, des diverses périodes seraient : Antécambrien, 1400 ; Primaire, 375 ; Secondaire, 155 ; Tertiaire, 70 ; Quaternaire, 1. La vie existe dès l’Antécambrien : des restes végétaux (Cyanophycées, Algues) et animaux (Éponges, Polypiers) ont été observés dans des roches antécambriennes. Ces restes sont rares, car les roches ont été métamorphisées ; par ailleurs, ces animaux pouvaient être dépourvus de squelette ou de coquille, éléments indispensables à la fossilisation. À cette époque fort ancienne vivaient déjà pourtant des êtres différenciés et complexes.

Dès le Permien, la bonne conservation des flores et des faunes fossiles permet d’étudier les morphologies et les structures. Certaines constatations apparaissent nettement.

• La succession des flores et des faunes. Les divers types végétaux et animaux se succèdent dans le temps selon un ordre rigoureux, les plus simples précédant les plus complexes. Les Algues marines ou d’eau douce sont les végétaux les plus anciens. Les Psilophytales, premières plantes terrestres à vaisseaux (Cryptogames vasculaires), existent au Dévonien et atteindront leur apogée au Carbonifère. Les Phanérogames Gymnospermes, représentées par les Cordaïtes, puis par les Cycadées et les Conifères, apparaissent au Carbonifère moyen et supérieur. À la fin du Primaire, la flore est déjà très diversifiée. Le Secondaire se caractérise par le déclin des Cryptogames vasculaires et la multiplication des Gymnospermes : les Cycadées diminuent à partir du Jurassique, les Conifères constituent l’essentiel de la flore jusqu’au Crétacé. À cette époque apparaissent les Angiospermes, ou plantes à fleurs ; dès la fin du Secondaire vivent des Angiospermes ressemblant aux fleurs actuelles, se divisant en mono- et en dicotylédones. Les plantes à structure simple, considérées comme les plus primitives, apparaissent avant les plantes à structure compliquée.