Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Europe (suite)

Les types d’évolution démographique font apparaître une diminution générale des taux de natalité et de mortalité depuis un demi-siècle, et la valeur de l’excédent naturel annuel est tombée bien au-dessous de 1 p. 100. Ce sont les conséquences du mouvement de restriction des naissances et d’un certain vieillissement de la population, si bien que l’Europe se situe dans le monde parmi les régions dont les rythmes d’accroissement sont les plus faibles, comparés à ceux de l’Asie, de l’Amérique latine ou de l’Afrique. Mais ce mouvement semble avoir atteint un seuil en Europe occidentale, alors que, en Europe orientale et méditerranéenne, la diminution des taux d’excédent est un fait récent : la baisse d’une natalité encore élevée dans les régions rurales et montagneuses s’y poursuit, tandis que les régions urbaines et industrielles adoptent les comportements de l’Europe de l’Ouest. Le tableau donne une idée de l’évolution respective de chacun des États. Chacun d’eux présente des caractéristiques propres : ainsi la Pologne, restée catholique, a des taux de natalité encore plus élevés que la Tchécoslovaquie ; la Roumanie enregistre la chute de ses taux de natalité jusqu’en 1968, date à laquelle l’avortement trop libéral est sévèrement interdit. À l’intérieur de chaque État, les différences entre régions développées et régions arriérées, comme dans la Fédération yougoslave, sont sensibles.

La variété du peuplement, la multiplicité des ethnies et des nations, l’imbrication des langues et des religions sur des espaces très réduits sont encore des traits qui différencient l’Europe des vastes continents américains et asiatiques. L’Europe a été occupée par des peuples d’origines variées, mais dont la plupart appartiennent au groupe linguistique indo-européen, à l’exception des Magyars et des Finnois. Mais l’histoire du peuplement est marquée par des migrations, des avancées, des colonisations, des retraits, qui expliquent, jusqu’à ces dernières années, l’instabilité, mais aussi le bariolage de la carte des peuples. De l’Antiquité subsistent les colonies grecques sur les côtes méditerranéennes et de la mer Noire : elles sont devenues des ports et des villes. Rome a établi le limes du Rhin au Danube. Les nations et les États latins (Espagne et Portugal, Italie et Grèce, France et Roumanie) ont gardé non seulement un fonds linguistique commun, mais encore les marques tangibles d’une brillante civilisation agricole et urbaine. Les grandes migrations des peuples venus d’Asie ont recouvert l’Europe du Nord et de l’Est de nouvelles vagues ethniques. Les Germains se sont avancés vers le midi et ont repoussé à l’est les Slaves, qui s’étaient établis jusqu’à l’Elbe. Les Scandinaves, après avoir navigué le long des côtes atlantiques (la Normandie) et méditerranéennes, se cantonnent dans le Nord. Les Anglo-Saxons, après les Romains, refoulent les Celtes dans les extrémités occidentales (Bretagne, pays de Galles, Irlande, ou Eire, qui a gardé l’usage du gaélique). Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, des îlots germaniques subsistaient en Europe centrale (nord de la Yougoslavie, Banat, Pologne) et jusqu’à la Volga. L’avancée des frontières de l’U. R. S. S. et de la Pologne en direction de l’ouest, les transferts de population allemande marquent une sorte de revanche des Slaves sur les Germains : le tracé de la ligne Oder-Neisse en est une illustration. Ainsi, les nouvelles frontières en Europe centrale et orientale ont permis la constitution d’États ethniquement plus homogènes que ceux qui sont issus des traités consécutifs à la Première Guerre mondiale, malgré la présence de noyaux minoritaires, Magyars en Roumanie, Albanais en Yougoslavie, Grecs en Albanie...

Ces grandes masses linguistiques ne coïncident pas nécessairement avec la répartition des religions. Le catholicisme romain s’est parfaitement maintenu dans les États méditerranéens ; il en va de même des religions protestantes dans le Nord et en Angleterre et, sous forme de fortes minorités, en France et en Europe centrale. Des États comme la Suisse et l’Allemagne se partagent entre les deux religions. L’Europe orientale est le domaine des Églises orthodoxes autocéphales : grecque, serbe, bulgare, roumaine, russe... Dans ces grandes masses de répartition subsistent des exceptions de première grandeur : ainsi, l’Eire est catholique, et les conflits qui déchirent l’Ulster, où cohabitent catholiques et anglicans, ont une origine à la fois sociale et religieuse. Dans les pays slaves, la Pologne est presque entièrement catholique. Les uniates sont dispersés en communautés assez fortes en Yougoslavie, en Hongrie, en Roumanie. En Tchécoslovaquie, la Bohême, déchristianisée, s’oppose à la Slovaquie, entièrement catholique. En Albanie, 70 p. 100 de la population ont été convertis à l’islām sous l’occupation ottomane, 20 p. 100 sont orthodoxes, 10 p. 100 catholiques romains. Il faut ajouter : des communautés juives, malgré les massacres de la dernière guerre et l’émigration d’après guerre des pays communistes vers Israël ; des noyaux restés islamisés dans les Balkans, en Bosnie, en Macédoine yougoslave, en Albanie et dans la région yougoslave, peuplée de 900 000 Albanais, du Kosovo et de la Metohija.

Ainsi, les nations ne se confondent pas nécessairement avec la langue ou avec la religion. Deux États où s’observe à l’intérieur cette non-superposition sont la Suisse et la Yougoslavie : les cantons helvétiques, les républiques et régions autonomes yougoslaves ne coïncident pas nécessairement avec une langue, une religion. Il faudrait enfin ajouter des populations très localisées comme les Basques, des groupes encore nomades comme les Gitans et les Tziganes et même les communautés fort nombreuses en Europe occidentale de travailleurs immigrés d’autres continents : Nord-Africains, Turcs, Noirs d’Afrique...

Ainsi s’expliquent les résurgences de vieilles revendications et les difficultés politiques et internationales que connaissent les États d’Europe centrale et orientale. Il existe trois Macédoines (symbole de la bigarrure ethnique) : la grecque, la bulgare, la yougoslave. Il y a une minorité ; slovène en Italie et en Autriche ; allemande (Tyrol du Sud) en Italie ; grecque en Albanie ; albanaise en Italie et en Yougoslavie ; hongroise en Transylvanie ; roumaine dans le Banat yougoslave.